Loin de l’exhaustivité, nous avons choisi de revenir sur l’actualité des cancers du sein HE2+ en phase métastatique dévoilée à San Antonio (SABCS) en décembre dernier et qui a donné lieu à plusieurs publications.
Cancers métastatiques HER2+
La première étude HER2CLIMB(1) présentée en session plénière et publiée dans le New England Journal of Medicine est une étude de phase III, randomisée (2 :1), qui a évalué l’efficacité de l’addition du tucatinib, inhibiteur de tyrosine kinase d’HER2, à une association capécitabine + trastuzumab versus placebo + capécitabine + trastuzumab (traitement standard). « L’intérêt du tucatinib est lié à sa plus grande affinité pour HER2 en comparaison avec le lapatinib » , a précisé le Pr Pierre Fumoleau, directeur de l’ensemble hospitalier de l’Institut Curie. Les patientes avaient été lourdement prétraitées et étaient en échec thérapeutique après avoir reçu dans les précédentes lignes thérapeutiques du trastuzumab, du pertuzumab et du TDM-1 (trastuzumab emtansine). Près de la moitié d’entre elles avait des métastases cérébrales. La survie sans progression (SSP) à 1 an, critère principal d’évaluation (n=480 premières patientes randomisées), a été de 33,1% dans le groupe tucatinib versus 12,3% dans le groupe contrôle (HR : 0,54; IC95% : 0,42-0,71; P<0,001). La durée médiane de SSP est de 7,8 mois et de 5,6 mois, respectivement. Le taux de réponse passe de 23% à 41% dans le groupe tucatinib. La survie globale à 2 ans, critère secondaire (n=612, totalité des patientes de l’étude) a été de 44,9% dans le bras tucatinib et de 26,6% dans le bras contrôle (HR : 0.66; IC95% : 0,50-0,88; p=0,005). La médiane de survie globale en troisième ligne métastatique est de 21,9 mois et de 17,4 mois, respectivement. Ce bénéfice est observé dans tous les sous-groupes et en particulier pour les patientes présentant des métastases cérébrales, la SSP est à un an de 24,9% dans le groupe tucatinib et de 0% dans le groupe contrôle (HR : 0,48; IC95% : 0,34 -0,69; p<0,001), soit une durée médiane de SSP de 7,6 mois versus 5,4 mois, respectivement. La médiane de survie globale est également plus significative dans le sous-groupe de patientes avec récepteurs hormonaux négatifs. Le profil de tolérance du triplet comportant le tucatinib comprend des troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhée), de la fatigue, un syndrome pied-main. On observe davantage de diarrhée et d’élévation des transaminases, d'aminotransférases, de grade 3 ou plus dans le bras tucatinib versus bras contrôle. « Mais le tucatinib entraîne moins d’épisodes diarrhéiques sévères que le nératinib. Ce profil de toxicité est gérable. La FDA a accordé une autorisation accélérée de mise sur le marché. Cette trithérapie tucatinib + capécitabine + trastuzumab pourrait devenir un standard de traitement chez des patientes métastatiques en troisième ligne de traitement après double blocage HER2 + taxane et T-DM1, le tucatinib remplaçant le lapatinib car plus spécifique d’HER2 ou le nératinib car mieux toléré », a souligné Pierre Fumoleau.
La seconde étude qui a marqué les esprits est l’étude de phase II Destiny-Breast01(2) évaluant l’anticorps conjugué trastuzumab+deruxtecan (DS-8201) chez des patientes présentant un cancer du sein HER2+ avancé après échec de plusieurs lignes thérapeutiques dont TDM-1 (en moyenne 6 lignes de traitements préalables). La phase 1 avait précédemment montré une durée médiane de réponse de 20,1 mois. Le deruxtecan est un inhibiteur de toposisomérase I, chaque molécule de trastuzumab comporte 8 molécules de deruxtecan. « Le taux de réponse globale objective observé est de 60,9% (n=112). On observe une grande efficacité y compris après progression post-TDM-1 », a indiqué le Pr Fumoleau. La durée médiane de réponse objective est de 14,8 mois et la durée médiane de SSP est de 16,4 mois, alors que dans ces situations la médiane de survie sans progression observée est d’environ 6 mois. La survie globale est non atteinte. « Des pneumopathies interstitielles sont observées chez 13,6% des patientes, dont des cas très sévères de grade 5 (2,2%). » Pour Pierre Fumoleau, « il n’existe pas d’effet dose pour expliquer ce profil de toxicité. Il va falloir mieux suivre les patientes du point de vue de leur maladie pulmonaire et surtout identifier les patientes les plus à risque. »
Face aux résultats obtenus dans cet essai monobras sans comparateur, ce nouvel anticorps conjugué est en cours d’évaluation dans différentes études dans les cancers HER2+ métastatique, en troisième ligne versus capécitabine+inhibiteur de tyrosine kinase d’HER2 ou capécitabine+trastuzumab, en deuxième ligne versus TDM-1. A suivre donc…
L’étude SOPHIA (Rugo HS et al., abstr. 1000) est un essai de phase III mené chez des patientes (n =536) présentant un cancer du sein métastatique, prétraitées par 1 à 3 lignes de traitement, avec notamment du trastuzumab et du pertuzumab et dans plus de 90 % des cas, du T-DM1. « Ces patientes (n = 536) étaient randomisées pour recevoir, en plus de la chimiothérapie, soit du margétuximab (15 mg/kg toutes les 3 semaines), anticorps monoclonal anti-HER2 de 3e génération modifié sur son fragment Fc pour amplifier la réponse immune, soit du trastuzumab (dose standard) », a expliqué Pierre Fumoleau. L’objectif principal de cette étude était double : la survie sans progression (SSP) et la survie globale (SG). « Des résultats avaient déjà été présentés à l’ASCO 2019, il s’agissait là de présenter l’actualisation des résultats avec un cut-off à septembre 2019. » L’analyse en intention de traiter montre une amélioration de la SSP statistiquement significative (HR = 0,76 ; IC95% : 0,59-0,98 ; P = 0,033), avec une toute petite augmentation de la médiane de SSP pour les patientes traitées par margétuximab (5,8 versus 4,9 mois sous trastuzumab). « Certaines patientes avec un génotype particulier du fragment Fc (allèle 158F de CD16A) semblent particulièrement bénéficier du margétuximab [+4,3 mois de survie en plus (HR :0,79 ;p=0,008)]. Il n’y a pas, pour l’instant, de différence de SG entre les 2 groupes de traitement. Le profil de tolérance est acceptable. La FDA n’a pas encore approuvé ce nouvel anticorps anti-HER2 de troisième génération mais qui pourrait être une option en cas de résistance au trastuzumab et/ou pertuzumab, en troisième ligne », a conclu le Pr Fumoleau.
(1) Murthy R.K., et al. Tucatinib, Trastuzumab, and Capecitabine for HER2-Positive Metastatic Breast Cancer. N Engl. J Med. December 11, 2019. DOI: 10.1056/NEJMoa1914609
(2) Modi S. et al. Trastuzumab Deruxtecan in Previously Treated HER2-Positive Breast Cancer. December 11, 2019. DOI: 10.1056/NEJMoa1914510
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