Alors que la France ambitionne de renforcer sa souveraineté sanitaire en matière de médicaments (accès, recherche, production), le baromètre 360 degrés de l’attractivité du pays pour l’industrie pharmaceutique, réalisé par PwC pour le Leem (Les Entreprises du médicament), dresse un bilan préoccupant du secteur pour 2025.
Malgré ses atouts (deuxième marché pharmaceutique en Europe, premier en recherche et innovation, deuxième bassin d’emplois), la France connaît un « lent décrochage » face à ses voisins européens comme l’Allemagne, le Royaume-Uni ou l’Espagne. L’étude révèle ainsi que, sur les 11 thématiques analysées, une dégradation est constatée dans l’accès aux médicaments, les prix ou l’attractivité économique.
Rallongement des délais d’accès
Point majeur du baromètre, l’accès aux médicaments en France s'est détérioré en 2024. Le délai d'accès médian aux nouveaux traitements a augmenté, passant de 443 jours en 2022 à « 523 jours en 2024 », contre 391 jours pour l’Italie et… 50 jours en Allemagne, se désole le Leem.
De surcroît, 17 % des nouveaux produits se voient refuser l'accès précoce, souvent en raison de négociations tarifaires longues ou bloquées. Un chiffre en augmentation par rapport à 2022 (5 % de refus). Depuis la mise en place de cette procédure en 2021, seulement 100 000 patients en ont bénéficié, alors que 13 millions de Français souffrent d'affection de longue durée.

Politique de prix bas
Le Baromètre du Leem met ensuite en évidence une « pression persistante sur les prix des médicaments » dans l’Hexagone, notamment sur les molécules essentielles avec des conséquences sur la compétitivité du secteur pharma. Les prix faciaux sont plus bas que la moyenne européenne, « avec ou sans concurrence des génériques ». Pour le syndicat patronal, cette politique entraîne une pression sur la production locale fragilisant l’approvisionnement et elle favorise aussi les ruptures de stock. Selon le baromètre, seuls 60 % des médicaments ayant une AMM européenne sont disponibles en France (contre 89 % pour l’Allemagne ou 83 % pour l’Italie).

Pour le Leem, cette politique tarifaire, couplée à une « pression fiscale élevée » du secteur contribue au manque d’attractivité tricolore. Ainsi, 9 dirigeants de groupes sur dix estiment que la France n’est plus attractive, au point que les deux tiers envisagent de ne pas investir « dans les trois prochaines années ».
Pour une loi de programmation en santé
Dans un contexte international inquiétant et à l’approche d’arbitrages budgétaires difficiles, les entreprises du médicament mettent à nouveau en garde l’exécutif contre « une politique de régulation comptable déconnectée des besoins, sans visibilité et agilité ». « Oui à l’efficience, mais pas au détriment du progrès thérapeutique et de l’attractivité du secteur », a lancé ce mardi Clarisse Lhoste, présidente de MSD France et secrétaire du bureau du Leem.
Le Leem rappelle avoir formulé l’an dernier des propositions d’économies concrètes autour du bon usage du médicament et du délistage de produits, à hauteur de 1,1 milliard d’euros. « Mais à ce jour, elles sont restées sans réponse », regrette Vincent Guiraud-Chaumeil, directeur de la filiale Pierre Fabre Medical Care et trésorier du Leem. Il regrette le « manque de visibilité et d’agilité » de la politique du médicament.
De nouvelles pistes sont avancées pour relancer l’attractivité du secteur : simplification et harmonisation de l’accès aux nouveaux traitements, convergence des systèmes d’évaluation dans les pays de l’UE, accélération de la procédure d’accès aux vaccins… Pour les essais cliniques les plus innovants, le syndicat appelle de ses vœux un « fast track européen » pour réduire les délais à 31 jours au lieu de plus de 100 jours. Enfin, comme d’autres acteurs de la santé, Le Leem réclame « une loi de programmation en santé portée par un pilotage interministériel stable ».
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