Médecins du monde (MDM), Médecins sans frontières (MSF), Oxfam et d’autres organisations non gouvernementales (ONG) ont alerté ce 14 mai sur le risque d'une « famine de masse » à Gaza si le blocage de l'aide alimentaire par Israël continue aux portes de l'enclave, à l’occasion d’une conférence de presse.
Depuis le 2 mars, c’est un blocus total qu’impose Israël, privant l’enclave palestinienne de nourriture, d’eau potable, de carburant et de fournitures médicales. Yazdan El Amawi, directeur de l’équipe Gaza de l’ONG Anera, explique que les gens en sont réduits à « manger de l’alimentation animale, faire bouillir de l’herbe, tuer des chevaux », faute d’autres sources de nourriture. « Des mères sautent des repas pour pouvoir nourrir leurs enfants. Les gens ont constamment des vertiges dus à la faim. Ils meurent seuls dans leurs tentes car ils sont trop frêles pour chercher de l’aide », s’émeut Bushra Khalidi, responsable des politiques pour Oxfam en Territoire palestinien occupé.
Les gens meurent seuls dans leurs tentes car trop frêles pour chercher de l’aide
Bushra Khalidi, responsable des politiques pour Oxfam
Environ 2,1 millions de Gazaouis en insécurité alimentaire aiguë
Un rapport de Médecins du monde en date du 13 mai fait état d’une situation dramatique : « En seulement un an et demi, la malnutrition aiguë à Gaza a atteint des niveaux comparables à ceux observés dans les pays confrontés à des crises humanitaires prolongées, s’étalant sur plusieurs décennies. » L’ONG dévoile les chiffres de l’évolution des 10 derniers mois de la malnutrition aiguë des enfants, femmes enceintes ou allaitantes, recueillis dans ses six centres de santé actifs à Gaza.
Les taux de malnutrition aiguë s’élevaient à 17 % en novembre 2024 et avaient chuté à 2,7 % en février 2025 grâce au cessez-le-feu de janvier qui rétablissait les convois humanitaires. Mais entre le siège commencé le 2 mars et la violation de la trêve par l’armée israélienne le 18 mars, il s’est à nouveau envolé. Ainsi, en avril 2025, « une femme enceinte ou allaitante sur cinq et près d’un enfant sur quatre souffraient de malnutrition aiguë », rapporte Mahmoud Isleem, coordinateur général et directeur pays en Territoire palestinien occupé pour MDM France. « Dans nos cliniques, 27 patients sur 30 sont en demande de sources de nourriture », ajoute-t-il. Et les soignants « souffrent aussi de l’accès à la nourriture ».
Un rapport de l’Unicef et du Programme alimentaire mondial (PAM) anticipe le risque de décès de près de 500 000 Palestiniens résidant dans la bande de Gaza, une personne sur cinq, à cause de la faim. Ils évaluent actuellement à 2,1 millions le nombre d’habitants souffrant d’insécurité alimentaire aiguë. « Le risque de famine n’apparaît pas soudainement, prévient notamment Catherine Russell, directrice exécutive de l’Unicef. Il se manifeste là où l’accès à la nourriture est bloqué, où les systèmes de santé sont décimés et où les enfants sont privés du strict minimum pour survivre. »
Les équipes médicales démunies
Les Palestiniens font la queue pendant des heures pour recevoir de l’eau, en quantité insuffisante. « La famine, la déshydratation, l’exposition au froid, au soleil, etc. empêchent de faire face même aux plus petites infections », déclare le Dr Mohammed Salha, directeur de l’hôpital Al Awda (Gaza Nord).
Amande Bazerolle, coordinatrice d’urgence pour MSF, sort de quatre mois de présence à l’hôpital de MSF à Gaza. « Nous-mêmes n’avons pas les moyens de nous nourrir. Mes collègues ne prennent qu’un repas par jour et nous ne serons bientôt plus en capacité de fournir de la nourriture à nos patients », témoigne-t-elle. Les équipes médicales de MSF recensent une « augmentation alarmante de 32 % des cas de malnutrition au cours des deux dernières semaines », lit-on dans un communiqué de l’association humanitaire publié le 14 mai,
À l’hôpital, les soignants ne prennent qu’un repas par jour et ne pourront bientôt plus nourrir nos patients
Amande Bazerolle, coordinatrice d’urgence pour MSF
L’absence de carburant oblige les Palestiniens à chauffer leur nourriture au bois et à brûler leurs déchets. Amande Bazerolle signale une augmentation des enfants pris en charge pour brûlures domestiques : ils constituent 30 % des admissions en service des brûlés, le reste des brûlures étant en majorité attribuables aux bombardements. De plus en plus de soins se font en ambulatoire « car il n’y a nulle part où aller ».
Violation du droit international
Dans son communiqué, Médecins sans frontières « dénonce et rejette fermement le plan proposé par les Etats-Unis et Israël visant à contrôler la distribution de l’aide en lieu et place des organisations humanitaires à Gaza ». L’organisation rappelle que l’obstruction de l’aide humanitaire est en violation directe du droit international. « Conditionner cette distribution au déplacement forcé et au tri de la population, et l’assujettir aux objectifs d’occupation militaire de l’armée israélienne, sont un pas de plus dans la campagne de nettoyage ethnique des Palestiniens. »
Les ONG se tiennent prêtent à intervenir « pour sauver autant d’enfants que possible lorsque les couloirs humanitaires rouvriront », déclare Yazdan El Amawi. « 2,5 millions de dollars américains (d’aide humanitaire) attendent à la frontière, à deux heures de Gaza. Avec l’abondance de nourriture en Israël et en Cisjordanie, nous pourrions amener de quoi nourrir un million de personnes (…), renchérit Bushra Khalidi. Mais il ne s’agit pas de simplement jeter de la farine. Nous ne voulons pas juste les camions d’aide, nous voulons un accès libre de circuler dans et hors du territoire. Sans cessez-le-feu permanent, tout effort de reconstruction, tout investissement dans les hôpitaux, écoles, systèmes d’eau, sont futiles ».
« Nous ne sommes pas témoins d’une crise humanitaire mais d’une crise d’humanité et de faillite morale avec l’utilisation de la faim comme arme de guerre. Plus de deux millions de vies sont en jeu, sacrifiées par une privation illégale d’aide humanitaire », dénonce le Dr Jean-Francois Corty, président de MDM.
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