Le constat est sans appel : en France, les hommes continuent à mourir plus tôt que les femmes, avec une différence d’espérance de vie de 6 ans selon les dernières données de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Et ce, quelle que soit la catégorie sociale (l’espérance de vie des ouvrières dépasse celle des hommes cadres), la cause de décès (les hommes sont plus victimes à la fois des maladies non transmissibles, des pathologies transmissibles et des morts violentes que les femmes) ou l’âge. « Les hommes ont à tout âge un risque de décès plus élevé que les femmes », souligne la Haute Autorité de santé (HAS) dans un rapport consacré à la thématique Genre, sexe et santé.
Comportements à risque
Cette surmortalité est en partie attribuable à des particularités biologiques liées au sexe masculin – comme pour les maladies et accidents cardiovasculaires, plus fréquentes que chez les femmes jusqu’à un certain âge, notamment pour des raisons hormonales – mais pas seulement. Des comportements stéréotypés associés à la masculinité sont sans doute aussi à incriminer.
Comme le souligne la HAS, on sait en effet que « quels que soient les groupes socio-économiques, les hommes manifestent un comportement à risque plus élevé que les femmes ». Avec pour conséquence davantage d’accidents et de morts violentes, de consommations à risque de tabac, d’alcool ou de substances psychoactives, ou encore plus d’exposition aux infections sexuellement transmissibles (IST). D’ailleurs, la surmortalité cardiovasculaire des hommes peut aussi être reliée à de « mauvaises habitudes » ou à des modes de vie classiquement masculins tels que le tabagisme, une alimentation inadaptée, des expositions importantes à des environnements stressants, etc.
Davantage de dépressions chez les gays et les bi
Est-ce alors à dire que les hommes qui perpétuent moins ces stéréotypes sont en meilleure santé que les autres ? Au contraire, alertent les autorités sanitaires. Comme le suggère la HAS, l’inadéquation aux normes de virilité entraînerait très tôt des intimidations et violences à la fois physiques et psychiques, amenant un risque accru de troubles du comportement et de conduites addictives et à risque. En la matière, le généraliste Thibaut Jedrzejewski, qui exerce dans un centre parisien de santé sexuelle et a consacré sa thèse à la santé des hommes homo et bisexuels, attire ainsi l’attention sur le développement du chemsex au sein de ces communautés. De plus, ces hommes seraient particulièrement touchés par la dépression. De fait, d’après un récent BEH de Santé publique France, la prévalence des symptômes dépressifs, des épisodes dépressifs caractérisés et des idées suicidaires serait deux fois plus élevée chez les hommes gays ou bisexuels que chez les hétérosexuels.
Les stéréotypes ont également la vie dure du côté des soignants. Avec pour conséquence principale un diagnostic et un traitement insuffisants de certaines pathologies, traditionnellement considérées comme féminines.
À commencer par la dépression. Si on estime à l’heure actuelle que la prévalence des troubles dépressifs est deux fois plus élevée chez les femmes (13 % d’entre elles seraient touchées) que chez les hommes (6 %), une étude américaine a montré en 2013 que la proportion de femmes et d’hommes dépressifs serait en fait identique. Cela suggère un sous-diagnostic important, lié notamment à une symptomatologie différente. Alors que « la dépression se traduit plus souvent chez les femmes par des accès de tristesse, une fatigue ou une fragilité émotionnelle, les hommes tendent plutôt à adopter des comportements agressifs ou à risque », rappelle la HAS.
Les lignes bougent
Autre exemple : l’ostéoporose. « Plus fréquente chez les femmes que chez les hommes, l’ostéoporose est devenue une maladie exclusivement féminine dans les esprits ». Pourtant, une part non négligeable des fractures ostéoporotiques est recensée chez des hommes et la mortalité enregistrée après une fracture de hanche serait deux fois plus élevée en population masculine. De plus, « à l’inverse de nombreux médicaments dans d’autres domaines thérapeutiques, une partie importante des traitements n’ont pas d’indication validée chez l’homme, car ces derniers n’ont pas été inclus dans les essais cliniques », déplore la HAS.
Les lignes commencent cependant à bouger. Ainsi une campagne de sensibilisation à la dépression masculine à destination des soignants a-t-elle par exemple été conduite par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) dès 2017. Dans le même esprit, la Société française de rhumatologie (SFR) vient de publier de premières recommandations françaises de prise en charge de l’ostéoporose chez l’homme.
Et d’une façon plus générale, des médecins aux sociétés savantes en passant par des institutions telles que la HAS, les liens entre sexe, genre et santé commencent à ne plus être pris en compte uniquement à l’aune de la santé des femmes, mais aussi à celle des hommes.
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