Douleur

Antalgiques : beaucoup d’alertes et peu de nouveautés

Publié le 15/12/2017
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La disparition de certains médicaments ou leurs indications très restreintes perturbent fortement la prise en charge de la douleur. À côté de ces contraintes, des études ont démontré le bénéfice d’anticorps monoclonaux et de traitements non médicamenteux chez certains patients algiques. Le point avec le Pr Serge Perrot.
Perrot

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Neurone

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Visu encadré - Serge Perrot

Visu encadré - Serge Perrot
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Les médicaments mis à mal

Ces derniers mois, des agences sanitaires d’Amérique du Nord ont alerté sur les risques liés aux mésusages des opioïdes. De son côté, l’Agence européenne du médicament a mis en garde sur les risques du tramadol (EMA, septembre 2017). Dans cette série d’alertes, la France n’est pas en reste. Le 12 juillet dernier, sur proposition de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), un arrêté ministériel stoppait la vente sans prescription de médicaments contenant de la codéine, de l’éthylmorphine, du dextrométhorphane ou de la noscapine. Cette décision faisait suite au détournement croissant de l’usage de ces molécules (purple drank), parfois très grave de conséquences. Par ailleurs, depuis le 1er décembre, les traitements à base d’acide hyaluronique injectable dans l’arthrose du genou sont déremboursés. « Au final, nous disposons de moins en moins d’antalgiques, ou avec des indications plus limitées », constate le Pr Serge Perrot. « Si bien qu’aujourd’hui, nous utilisons beaucoup de médicaments hors AMM, ce qui pose des problèmes de remboursement pour les patients. » Par exemple, un patch à base de lidocaïne, normalement indiqué dans les douleurs neuropathiques post-zoniennes, est de plus en plus utilisé dans des douleurs neuropathiques post-opératoires.

À côté de cette désaffection d’origine réglementaire de beaucoup d’antalgiques, de récentes études ont montré ou confirmé le bénéfice des approches non médicamenteuses, comme l’activité physique, le yoga, l’hypnose, les thérapies cognitivo-comportementales. D’autres travaux ont été publiés sur la neurostimulation médullaire, mais aussi la stimulation magnétique transcranienne (certaines régions du cerveau via un champ électromagnétique), avec des résultats qui semblent intéressants dans l’algodystrophie et la fibromyalgie.

L’arrivée des biothérapies

Les prochains médicaments antalgiques majeurs que l’on attend sont les anticorps monoclonaux anti-CGRP (Calcitonin Gene Related Peptide). Quatre d’entre eux – erenumab, fremanezumab, eptinezumab, galcanazumab, sont en développement dans le traitement préventif de la migraine. La dernière publication importante date du 30 novembre dernier : le New England Journal of Medicine publiait un essai thérapeutique randomisé portant sur 955 patients, utilisant l’erenumab pour prévenir la survenue de crises migraineuses. On attend en principe la commercialisation du premier anti-CGRP dans les mois à venir. Pour le tanezumab, anticorps anti-NGF (Nerve Growth Factor), les essais cliniques de phase III, incluant environ 7 000 patients, sont en cours pour le traitement de la lombalgie, des douleurs d’arthrose et liées à des métastases osseuses.

Le Livre blanc 2017

Après la succession de trois plans gouvernementaux de lutte contre la douleur (le premier fut initié en 1998), cette “cause” de santé publique est tombée dans l’oubli. Pour sortir de cette jachère sanitaire, la Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD) a publié le Livre blanc de la douleur en 2017. « Bien que la loi de modernisation sanitaire votée en 2016 ait reconnu la nécessité de prendre en charge la douleur dans son article premier, la France, après avoir été longtemps pionnière dans ce domaine, est en passe de perdre du terrain », rappelle l’ouvrage en introduction.

Cette société savante s’inquiète de la pérennité des 254 consultations et centres spécialisés répartis sur le territoire, 30 % d’entre eux risquant de disparaître d’ici ces trois prochaines années si rien n’est entrepris (manque de financement, professionnels de santé non remplacés). Une autre inquiétude porte sur la formation des praticiens, qui serait très délaissée dans certaines facultés de médecine.

Le regard du Pr Serge Perrot Président de la SFETD, Hôpital Cochin - Hôtel Dieu, AP-HP

> La publication du Livre blanc de la douleur
> Les recommandations de la SFETD sur l’algodystrophie qui seront bientôt publiées. Elles concluent à l’inefficacité de certains médicaments comme la calcitonine, au bénéfice d’une rééducation précoce et active. La douleur (devant être apaisée) ne doit pas être un facteur limitant de cette rééducation.
> Les retraits et alertes répétés, parmi lesquels :
– Alerte sur les AINS et les risques d’infarctus du myocarde (BMJ, 09/05/17)
– Arrêt de la vente sans ordonnance des médicaments à base de codéine (ministère de la Santé, 12/07/17).

 

Dr Nicolas Evrard

Source : lequotidiendumedecin.fr