« Il est aujourd’hui impératif de rationaliser les antibiothérapies dans les infections urinaires, insiste le Dr Jean-Dominique Doublet avant de rappeler qu’il y a trop de prescriptions illogiques d’un point de vue tant bactériologique que médical. Or, l’augmentation des résistances, en particulier aux quinolones, est en grande partie liée à ce mésusage ».
Dans les cystites aiguës non compliquées de la femme, la règle est de prescrire une antibiothérapie courte, de type fosfomycine un sachet, et ce quel que soit l’âge. Une ordonnance renouvelable de 3 sachets peut être proposée aux femmes ayant régulièrement des cystites, afin de leur permettre d’avoir recours à l’automédication en cas de signes typiques (pollakiurie, brûlures mictionnelles, urines troubles). Il faut expliquer aux patientes que les causes de ces épisodes répétés ne sont pas bien connues, mais qu’ils sont probablement liés à une contamination par des germes autologues, issus de l’intestin. « La fosfomycine n’engendre quasiment pas de résistance, souligne le Dr Doublet. La nitrofurantoïne pendant 5 jours constitue une alternative. Les quinolones sont à éviter dans ces infections qui répondent 9 fois sur 10 à la fosfomycine. En cas d’échec, un examen cytobactériologique des urines est alors demandé afin d’avoir confirmation du germe et de sa sensibilité ».
Une situation relativement fréquente en clinique est la présence d’algies pelviennes chroniques (douleurs, pesanteurs, qui ne traduisent pas une infection urinaire) chez une femme âgée avec bactériurie chronique. Une échographie doit être prescrite systématiquement lors du bilan initial afin d’éliminer une tumeur de vessie. Face à un ECBU positif, un premier traitement peut être prescrit, mais en cas d’échec ou de réapparition de la gêne, il est inutile de prescrire une autre antibiothérapie. « Il importe d’expliquer à la patiente qu’il n’y a pas de problème à vivre avec un germe dans la vessie et éviter à tout prix l’escalade des antibiotiques », précise le Dr Doublet. « Dans les infections urinaires récidivantes, le recours à une antibiothérapie de longue durée ne repose sur aucune base scientifique et il faut bien réfléchir avant de prescrire un tel traitement ».
Chez l’homme, il faut distinguer la prostatite aiguë, qui peut survenir à tout âge et se traduit par de la fièvre, des frissons et des brûlures mictionnelles, de la prostatite chronique, « dont la nature n’est le plus souvent pas infectieuse et qui ne relève donc pas d’un traitement antibiotique ».
Dans la prostatite aiguë, un ECBU est indispensable avant de prescrire un traitement probabiliste par quinolone, pendant 2 semaines (recommandations européennes) ou 3 semaines (recommandations françaises). L’association amoxicilline-acide clavulanique ne passe pas dans la prostate, le céfixime pénètre mal dans la prostate et il y a 25 à 30 % de germes résistants au sulfaméthoxazole-triméthoprime. L’usage d’une quinolone à pénétration tissulaire est donc logique en traitement probabiliste. Le dosage du PSA n’a pas d’intérêt diagnostique ou pronostique.
La question de la désescalade thérapeutique après l’obtention de l’ECBU (ce qui impose de revoir le patient avec l’ECBU) est aujourd’hui débattue. « Il ne paraît pas déraisonnable de remplacer la quinolone par du Bactrim si le germe est sensible », estime le Dr Doublet. Pour une prostatite survenant après une biopsie de la prostate, avant laquelle une quinolone doit être prescrite en prophylaxie selon les recommandations en vigueur, le patient doit être réadressé à l’urologue et recevoir un traitement par céphalosporine de 3e génération, éventuellement associée à un aminoside.
La pyélonéphrite obstructive, qui donne un tableau de colique néphrétique fébrile, est une urgence urologique. Une échographie doit ainsi être réalisée au moindre doute ; la présence d’une dilatation des voies excrétrices impose un drainage et une antibiothérapie en milieu spécialisé.
Beaucoup plus fréquente, touchant volontiers la femme jeune, la pyélonéphrite hématogène doit conduire à réaliser un ECBU dès les premiers symptômes. En l’absence de signes de gravité et de terrain particulier, un traitement ambulatoire per os par quinolone est prescrit pour une durée de 8 jours, avec la même efficacité que le traitement de 14 jours auparavant préconisé. Au moindre doute, une échographie s’impose. En présence de signes de gravité ou d’un terrain à risque (diabète, grossesse, antécédents), l’antibiothérapie est prescrite par voie veineuse en milieu hospitalier. Enfin, si l’ECBU est négatif, il ne s’agit pas d’une pyélonéphrite et l’antibiothérapie n’a pas de place.
D’après un entretien avec le Dr Jean-Dominique Doublet, service d’urologie, hôpital André Mignot, Versailles.
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