ON NE DISPOSE que de très peu d’informations concernant la santé des prostitué(e)s en France, ni de façon qualitative ni même quantitative. On sait cependant que leurs conditions de vie et de travail ont clairement une incidence à la fois sur leurs comportements de santé et sur les représentations qu’elles ont de la santé. C’est ce double constat qui a poussé la FNARS et l’InVS à mener conjointement une étude au niveau national sur la santé des « personnes en situation de prostitution ».
Les freins à l’accès aux soins.
L’enquête, nommée ProSanté, démarrera dans le courant de la semaine prochaine dans une douzaine de structures d’accueil, d’accompagnement, d’hébergement ou de réinsertion sociale qui ont accepté la proposition de la FNARS ainsi qu’au sein de consultations médicales anonymes et gratuites, les CIDDIST (centres d’information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles) et CPEF (centres de planification et d’éducation familiale).
Les enquêteurs se donnent cinq à six mois pour interroger environ 500 personnes (hommes, femmes et transgenres). L’opération se déroule dans plusieurs villes de France, dont Dijon, Lyon, Nancy, Metz, Grenoble, Nice, Marseille.
Des données de santé objectivées sur cette population existent mais elles sont anciennes, indique l’InVS, et elles ont essentiellement permis de recueillir son statut sérologique vis-à-vis du VIH et autres IST. Or, le profil de la prostitution a évolué ces dernières années, notamment depuis la loi de sécurité intérieure de 2003 qui a pénalisé le racolage sur la voie publique. « Les lieux de prostitution se sont déplacés, vers des endroits plus cachés, des bois, des forêts, ce qui rend les actions de prévention plus difficiles encore », explique le Dr Florence Lot, épidémiologiste qui pilote l’étude à l’InVS. La population elle-même a changé. « Les Africaines ont peut-être laissé davantage la place aux Chinoises et aux femmes d’Europe de l’Est, du moins à Paris. Cette autre évolution peut expliquer que l’accès aux soins soit rendu plus compliqué, les Asiatiques parlant moins ou moins bien le français, le barrage de la langue rendant leur contact plus complexe. Les femmes chinoises qui se prostituent se cachent peut-être encore plus, la prostitution est sans doute encore moins dite dans leur communauté. Et puis la nationalité, bien sûr, joue sur la prévalence des maladies. Le profil de la population qui se prostitue est aussi très ville-dépendant. ».
ProSanté vise ainsi à mieux connaître l’état de santé, l’accès aux soins et aux droits des personnes en situation de prostitution et d’identifier ainsi les freins qui s’y opposent. Elle permet également de faire bénéficier les personnes d’une prise en charge médicale gratuite et anonyme, avec une consultation généraliste, un dépistage IST (dont VIH et hépatite B), un dépistage de l’hépatite C, le traitement des IST aiguës et une proposition de vaccinations (contre l’hépatite B notamment). Et des données épidémiologiques sur la prévalence des IST (VIH, VHB, syphilis, chlamydiose, gonococcie, trichomonose) seront recueillies. En bref, l’enquête vise à mieux cerner cette population afin d’améliorer sa prise en charge médico-sociale.
Volet social et volet médical.
L’étude, de type recherche-action, se décline en deux volets. Le premier, dirigé par la FNARS, se penche sur la perception de la santé par cette population et ses déterminants. Dans tous les centres sociaux participant à l’opération, il sera proposé aux personnes qui se prostituent de répondre à un questionnaire « santé-social ». Les questions portent sur leurs conditions de vie (habitat, alimentation, situation familiale et sociale) et sur leurs conditions de pratique « d’activité de prostitution ». « Le vocabulaire est important, insiste Lise Fender, chargée de mission santé et prostitution à la FNARS. Nous sommes à la croisée de différents courants associatifs, les abolitionnistes d’une part et les défenseurs des travailleurs du sexe et il faut faire attention. »
On demande aux personnes interrogées leur perception de leur « activité de prostitution », s’il s’agit d’un travail, comment elles l’exercent (depuis quel âge, dans quel endroit, de jour, de nuit, le week-end), si elles ont un autre emploi, etc. Et on les questionne sur leur état de santé (maladie chronique, consommation d’alcool, de drogues…) et sur leur perception de leur santé : acceptent-elles leur physique, ont-elles une bonne opinion d’elles-mêmes...
À l’issue de cet entretien du volet social, on leur propose de se diriger vers le centre médical partenaire de la même commune. C’est une simple orientation, la personne peut être accompagnée d’un travailleur social si elle le souhaite. Elle est libre de s’y rendre ou pas, ou encore de se rendre à la consultation sans pour autant répondre au(x) questionnaire(s).
Dans tous les cas, on lui remet une « carte de consultation » qui comporte son numéro de participant à l’étude, afin de préserver son anonymat, et sur laquelle figurent les coordonnées du CIDDIST ou CPEF correspondant. Dans tous les cas, on lui donne également un carnet de santé bilingue (réalisé par l’INPES, Institut national de prévention et d’éducation pour la santé).
Le second volet, clinique et biologique, est sous la responsabilité de l’InVS. Le questionnaire médical comporte des questions sur les antécédents d’IST, dépistages et vaccinations divers, sur l’orientation sexuelle de la personne interrogée, sur sa contraception et son utilisation du préservatif.
« Cette étude ne prétend pas être représentative de l’ensemble de la population des personnes en situation de prostitution en France », reconnaît humblement l’INVS. « Elle permettra néanmoins de fournir un éclairage spécifique sur la prostitution, en précisant le contexte de cette prostitution, les éléments de la précarité de la population concernée et les actions prioritaires à mettre en uvre ».
Les résultats de cette étude devraient être révélés début 2011. Ce sera sûrement la première d’une série du même genre. Elle pourrait être reconduite, indique l’InVS, en élargissant le recrutement à d’autres villes et d’autres structures.
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