Pr Bernard Cortet

Vitamine D, pourquoi une supplémentation quotidienne doit être privilégiée

Publié le 30/04/2025
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Alors que la supplémentation intermittente à fortes doses pourrait être associée chez certains sujets, à une augmentation du risque de chutes, de fracture et de décès prématurés, le GRIO a publié récemment une prise de position (1) qui invite à privilégier un apport quotidien. L’essentiel avec le Pr Bernard Cortet (CHU de Lille).

Crédit photo : CYIM

Pourquoi avoir actualisé vos recommandations sur la supplémentation en vitamine D ?

Les premières recommandations du GRIO dataient de 2011. Elles avaient ensuite été actualisées en 2020. Mais depuis cinq ans maintenant, de nouvelles études ont été publiées et de nouvelles formulations de vitamine D ont été mises à disposition. Le GRIO a donc analysé la littérature scientifique récente, concernant les avantages et les inconvénients de la supplémentation intermittente par rapport à une supplémentation quotidienne en vitamine D chez les adultes atteints ou à risque d’ostéoporose.

Qu’ont montré les dernières études ?

L’actualisation de l’analyse de la littérature suggère que la supplémentation intermittente en vitamine D à fortes doses (60 000 UI/mois ou plus) sur du long terme pourrait être associée à une augmentation du risque de chutes, de fracture et de décès prématurés notamment chez les sujets âgés, alors que les doses quotidiennes de 1000 à 3000 UI ne semblent pas être associées à ce risque accru de chutes et de fractures. Il convient toutefois de noter qu’il n’existe pas d’études comparatives en face-à-face entre les stratégies quotidiennes et intermittentes sur les résultats cliniques.

Par ailleurs, il n’y a pas de preuve scientifique que la supplémentation intermittente en vitamine D améliore l’observance.

Comment expliquer l’effet délétère de trop fortes doses de vitamine D ?

Il a été montré que des apports intermittents élevés en vitamine D stimulent deux voies d’inactivation qui peuvent être considérées comme une défense naturelle contre un excès de vitamine D. La première voie est l’hydroxylation en 24 qui conduit à des métabolites inactifs 24, 25 (OH) 2D et 1,24,25 (OH) 3D. La deuxième se situe au niveau des ostéocytes avec une augmentation de la sécrétion de FGF-23 qui inhibe la synthèse de 1,25 (OH) 2D, forme active de vitamine D. Ainsi, l’administration quotidienne est considérée comme plus physiologique car elle correspond mieux à la synthèse endogène de la vitamine D et permet d’atteindre un état d’équilibre de manière plus stable, sans stimuler excessivement les voies d’inactivation.

Comment faire en pratique ?

Il est d’abord recommandé de mesurer la concentration de 25 (OH) D avant la supplémentation et d’administrer une supplémentation en vitamine D (avec une optimisation de l’apport en calcium si nécessaire) pour obtenir une concentration entre 30 et 60 ng/mL. L’utilisation d’une dose de charge initiale chez les patients nécessitant une constitution rapide des réserves de vitamine D sera suivie d’une dose d’entretien. Une supplémentation quotidienne (1200 UI/j) est recommandée lorsque cela est possible.

Cependant, certains patients peuvent être réticents à prendre des gouttes tous les jours et/ou à payer leur supplémentation en vitamine D (les capsules molles de 1 000 UI ne sont pas remboursées). Ainsi, chez ces patients, il est recommandé, comme solution alternative, de continuer à utiliser le dosage intermittent avec la plus petite dose disponible (ne dépassant pas 50 000 UI/mois ou 266 ug de calcifédiol) et l’intervalle le plus court entre les doses.

Quelles sont les raisons justifiant une supplémentation en vitamine D ?

La concentration de 25(OH)D circulante est considérée comme un indicateur du statut en vitamine D. Selon les recommandations du GRIO, elle doit être supérieure ou égale à 30 ng/mL (75 nmol/L) chez les patients atteints ou à risque d’ostéoporose, un niveau qui n’est pas atteint par environ 75 à 80 % de la population générale française. Chez ces patients, il faut donc recommander une supplémentation en vitamine D. Les effets bénéfiques sur les os et le risque de fracture d’une supplémentation combinant vitamine D et calcium ont été largement démontrés avec une réduction de 6 % du risque de toute fracture et de 16 % du risque de fracture de la hanche. De plus, un statut optimal en vitamine D est nécessaire pour optimiser l’effet des traitements anti-ostéoporotiques. Enfin, les suppléments de vitamine D sont efficaces pour freiner si besoin, l’hyperparathyroïdie secondaire.

Propos recueillis par Christine Fallet

(1) M E. Pickering et al. Daily or intermittent vitamin D supplementation in patients with or at risk of osteoporosis : position statement from the GRIO Joint Bone Spine 92 (2025) 105858.


Source : lequotidiendumedecin.fr