Au décours d’un déménagement, un patient de 28 ans se plaint d’une douleur basithoracique droite. L’examen clinique se révèle strictement normal (pas de rachialgie, pas d’altération de l’état général). Ce patient n’a pas d’antécédent mis à part un tabagisme sevré depuis un mois (auparavant 1 paquet par semaine pendant 8 ans).
Une lésion vertébrale avec des signes de reminéralisation …
Devant l’évolution prolongée de cette douleur intermittente, d’horaire mécanique, son médecin traitant lui prescrit un scanner thoracique. Il révèle une lésion lytique du corps vertébral de la 7e vertèbre thoracique s’étendant jusqu’à l’arc postérieur avec des zones d’effraction corticale. Il n’y a pas d’atteinte du parenchyme pulmonaire.
[[asset:image:7439 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":["DR"],"field_asset_image_description":[]}]][[asset:image:7442 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":["DR"],"field_asset_image_description":[]}]]
Il est hospitalisé en rhumatologie pour compléments d’imageries et biopsies. L’IRM dorsale retrouve un hyposignal T1 et un hypersignal T2 hétérogène avec une prise de contraste à l’injection de gadolinium. Le PET Scan montre un hypermétabolisme isolé de cette lésion (SUV max 10.5).
La biopsie révèle la présence de cellules de grande taille, d’allure macrophagique, à noyaux polylobés, accompagnées de nombreux polynucléaires éosinophiles. L’immunohistochimie retrouve un marquage CD1a et antiprotéine S100 positive qui confirme le diagnostic d’histiocytose.
[[asset:image:7444 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":["DR"],"field_asset_image_description":[]}]][[asset:image:7445 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":["DR"],"field_asset_image_description":[]}]]Il est décidé d’une abstention thérapeutique devant la localisation osseuse unique. La tomodensitométrie de contrôle à 3 mois montre des signes de reminéralisation.
Une histiocytose langerhansienne à localisation osseuse
Il s’agit donc d’une histiocytose langerhansienne SS (Single System) d’après la classification Blood de 2016 (1). C’est une maladie systémique rare dont la physiopathologie est mal connue. Les cellules langerhansiennes dérivent de progéniteurs myéloïdes de la moelle osseuse et non pas des cellules de Langerhans de la peau. La voie de signalisation RAS-RAF-MEK-ERK entre en jeu. Une mutation pro-activatrice de BRAF, entraîne l’activation directe de MEK puis ERK, indépendamment de RAS (2). La mutation la plus fréquente est BRAF V600E (retrouvée notamment dans la leucémie à tricholeucocytes et le mélanome). Elle est présente dans 50 % à 60 % des cas d’histiocytose langerhansienne (3). L’incidence annuelle chez les patients de plus de 15 ans est de 1 pour 106 (4).
Le principal facteur de risque retrouvé est le tabagisme. La présentation clinique est très variable mais la localisation osseuse est la plus fréquente (80 % des cas), suivie par la peau et le diabète insipide. Tous les os peuvent être touchés. L’atteinte est le plus souvent asymptomatique. Sur les imageries, la lésion est lytique avec des contours bien limités, associée à une rupture de la corticale. Il s’agit d’une localisation pronostique du fait du risque d’extension au système nerveux central. Le risque d’atteinte de ce système est de 25 % lorsque les lésions osseuses sont cranio-faciale ou vertébrale (5).
L’étude anatomopathologique d’un fragment de tissu pathologique avec marquage immunohistochimique est indispensable pour le diagnostic.
Le traitement n’est pas consensuel. Il est guidé par l’extension systémique, le type d’organe atteint et le statut BRAF. Il va de l’abstention thérapeutique à la chimiothérapie par vinblastine et prednisone pour les formes les plus graves. Les thérapies ciblées constituent de nouvelles armes thérapeutiques : vemurafenib (inhibiteur de BRAF), dabrafenib (inhibiteur MAPK) (6).
*Centre Viggo Petersen et **Service d'Anatomie Pathologique, Hôpital Lariboisière, Paris
1. Emile JF, Abla O, Fraitag S, et al. Revised classification of histiocytoses and neoplasms of the macrophage-dendritic cell lineages. Blood 2016; 127:2672.
2. Nichols KE, Arceci RJ. BRAF, a piece of the LCH puzzle. Blood 2010; 116:1825-7
3. Badalian-Very G, Vergilio JA, Degar BA, et al. Recurrent BRAF mutations in Langerhans cell histiocytosis. Blood. 2010; 116 (11):1919-1923.
4. Guyot-Goubin A, Donadieu J, Barkaoui M, Bellec S, Thomas C, Clavel J. Descriptive epidemiology of childhood Langerhans cell histiocytosis in France, 2000-2004. Pediatric Blood Cancer. 2008; 51(1):71-75.
5. Annibali S, Cristalli MP, Solidani M, et al. Langerhans cell histiocytosis: oral/periodontal involvement in adult patients. Oral Diseases 2009; 15:596.
6. Carl E. Allen, Miriam Merad and Kenneth L. McClain. Langerhans-Cell Histiocytosis. The New England Journal of Medecine 2018; 379:856-68.
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