C’est après avoir mené différents travaux anthropologiques sur la manière dont « l’incertitude façonne le monde médical et les patients confrontés à une maladie chronique » que le Dr Laurent Messer, chef de service rhumatologie aux hôpitaux civils de Colmar, s’est intéressé à l’art-thérapie. « Après un diagnostic de polyarthrite rhumatoïde, de spondylarthrite ou de rhumatisme psoriasique démarre la phase de l’acceptation, ou plutôt de l’inacceptation, de la maladie chronique », exprime-t-il. Selon les observations effectuées au sein de son service, le retentissement psychosocial de l’annonce et l’absence de perspective de guérison peuvent aller jusqu’à générer des difficultés d’observance des traitements et/ou participer à la persistance de symptômes douloureux. « Le patient doit redonner du sens à ce qui lui arrive. Malheureusement cet aspect reste peu exploré lors des consultations médicales, note le chef de service. En cas de discordance entre le vécu subjectif du patient et l’objectivation médicale, notre devoir est de rechercher des solutions ». Parmi celles-ci figurent l’activité physique adaptée (APA) ou encore l’éducation thérapeutique du patient (ETP), développées depuis de nombreuses années au sein de l’établissement, et… l’art-thérapie. « Celle-ci permet une réappropriation du corps et de la psyché en douceur. L’art-thérapie permet de se redécouvrir, de travailler son estime de soi, d’interroger ses émotions et de se réinventer. Nous travaillons aussi sur les ponts à construire entre APA et art-thérapie, par le biais de la danse par exemple. Les patients doivent naviguer entre les différents dispositifs – APA, art-thérapie, ETP - en fonction de leurs besoins et de leurs personnalités », souligne le Dr Laurent Messer qui forme par ailleurs les étudiants du DU d’art-thérapie de l’université de Strasbourg aux pathologies et douleurs chroniques et aux rhumatismes inflammatoires.
Huit séances collectives
Avant d’intégrer un cycle d’art-thérapie – consistant en huit séances collectives de deux heures rassemblant huit participants maximum -, les patients suivis en rhumatologie bénéficient d’une consultation pluridisciplinaire basée sur le questionnaire PROMIS-29, d’une consultation par un médecin et un pharmacien axée sur le vécu de la maladie, et enfin d’un entretien avec l’art-thérapeute.
« L’art thérapie est un outil très puissant qui peut révéler des psycho-traumas, lesquels sont souvent sous-estimés, poursuit le chef de service. Il est fréquent, lors des consultations, que les patients lient le diagnostic à un événement de leur vie : un deuil, un conflit professionnel, un accident de la route, une rupture... Ces représentations doivent être écoutées et entendues car il s’agit déjà d’une pratique de soins et c’est aussi précisément ce que l’art-thérapeute va travailler pour favoriser la résilience ».
Les ateliers répondent à une organisation précise : accueil, rappel du cadre et des objectifs poursuivis – travailler l’estime de soi, libérer ses émotions…- puis « créer » à l’aide de différents médiums comme l’écriture, la réalisation d’acrostiches, le travail de l’argile ou du papier maché, la peinture ou encore la mise en mouvement par la danse.
Evaluer et pérenniser
A la fin de chaque cycle d’art-thérapie, les patients remplissent des échelles d’évaluation et les résultats sont particulièrement encourageants. De janvier à juillet 2024, les onze personnes - souffrant de rhumatisme psoriasique, de spondylarthrite ou de polyarthrite rhumatoïde - qui ont suivi le programme constatent « une amélioration de la gestion de leur douleur, une meilleure perception de leur corps et une vision plus positive d’eux-mêmes et de leurs capacités ». Et l’évaluation de l’échelle PROMIS-29 réalisée sur 8 patients fait quant à elle apparaître une réduction de la fatigue (−1,9 point), de l’anxiété (−1,4 point), de la dépression (−0,8 point), des perturbations liées à la douleur (−0,9 point) et au sommeil (−0,6 point) et une amélioration de la capacité physique (+0,8 point).
Si les travaux de recherche sont à poursuivre, le Dr Laurent Messer se réjouit que « plusieurs patients aient été réellement transformés par l’art-thérapie ». Reste à régler le plus épineux problème budgétaire. « Nous avons réussi à proposer cette activité grâce à la remise d’un prix de l’Agence régionale de santé qui est venu récompenser notre programme APA. Nous avons consacré ce financement au développement de l’art-thérapie non seulement parce que nous croyons à ses bienfaits mais aussi parce qu’il est important de coconstruire et de proposer cette activité dans un cadre hospitalier. Nous sommes déterminés à la pérenniser », conclut-il.
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