En cas de polyarthralgies, l’anamnèse et l’examen physique permettent d’affirmer ou d’infirmer le caractère articulaire des douleurs, de distinguer leur nature mécanique ou inflammatoire et leur caractère aigu ou chronique (plus de trois mois) et d’identifier des signes extra-articulaires.
Dans un premier temps, il importe d’évaluer le degré d’urgence : éliminer une polyarthrite liée à une infection ; chez les sujets de plus de 60 ans, envisager une pseudopolyarthrite rhizomélique (PPR), associée ou non au Horton, dont la prise en charge par les corticoïdes est indispensable précocement et spectaculairement efficace ; avant 70 ans et chez une femme, chercher une polyarthrite rhumatoïde (PR) pour saisir à temps la fenêtre d’opportunité thérapeutique dans les trois premiers mois après le début des symptômes afin d’éviter les dégradations structurales. Chez les sujets plus jeunes, penser à une arthrite réactionnelle devant une urétrite ou une conjonctivite, à une arthrite gonococcique devant une pustulose palmo-plantaire.
Une raideur matinale de plus de 30 minutes, des tuméfactions articulaires dans plus de trois articulations, des douleurs à l’étreinte des articulations métacarpophalangiennes (MCP) ou métatarsophalangiennes (MTP ; squeeze test), une atteinte articulaire symétrique évoquent une PR. Devant une polyarthrite, les critères ACR/Eular peuvent aider au diagnostic (1).
Dans tous les cas, le bilan biologique initial est fonction du tableau clinique et des signes associés.
Les questions à se poser
• S’agit-il bien d’arthralgie et non de douleur tendineuse, péri-articulaire comme dans la fibromyalgie ou osseuse (hémopathie) ?
• Y a-t-il un contexte infectieux ? Une polyarthrite aiguë fébrile doit faire évoquer une endocardite, un rhumatisme articulaire aigu chez le sujet jeune, un rhumatisme gonococcique ou une infection virale.
• Les douleurs sont-elles mécaniques ou inflammatoires ? Le dérouillage matinal de plus de 30 minutes des mains et des pieds est très évocateur de PR ; la sédation au repos de polyarthrose.
• Quel est l’âge du patient ? Chez le sujet jeune, se pose la question d’une arthrite réactionnelle si la polyarthrite est récente ou celle du début d’un rhumatisme chronique type PR (les critères de Leiden peuvent aider à établir un pronostic d’évolution vers une PR devant une polyarthrite indifférenciée) [2]. Chez le sujet plus âgé, celle d’une PPR (atteinte des ceintures, claudication de la mâchoire, céphalées), d’un rhumatisme paranéoplasique (amaigrissement, asthénie) ou celle d’une chondrocalcinose articulaire (atteinte du carpe, des genoux).
• Existe-t-il des signes associés pouvant entrer dans le cadre d’un rhumatisme inflammatoire et/ou orienter son identification ? Infection récente (hépatite B, parvovirus B19), syndrome sec, Raynaud ou ulcérations digitales (lupus, connectivite), psoriasis, troubles digestifs, céphalées, uvéite, asthénie ?
• Existe-t-il des antécédents familiaux tels que des maladies auto-immunes, un psoriasis ?
• De quelles articulations s’agit-il ? L’atteinte des MCP et des MTP oriente plutôt vers une PR ; celle des ceintures, plutôt vers une PPR ; l’atteinte des sacro-iliaques, l’existence d’une dactylite (orteils « en saucisse »), plutôt vers une spondylarthropathie.
Ce qu’il faut faire
• Un bilan biologique. Le bilan biologique initial recherche un syndrome inflammatoire (VS, CRP, électrophorèse des protéines). Il répond également à la suspicion diagnostique : détermination des auto-anticorps (facteurs rhumatoïdes, anticorps antipeptides citrullinés [anti-CCP], facteurs antinucléaires [FAN] pour la PR) ; puis, si les FAN sont positifs et afin d’affiner le diagnostic (connectivites, lupus), anticorps anti-antigènes nucléaires solubles et anti-DNA; recherche d’HLA B27 dans les spondylarthropathies; recherche d’infection virale (parvovirus B19, hépatite B, VIH) si la clinique l’évoque.
• Des radios des articulations douloureuses et des radios orientées suivant le diagnostic évoqué : mains/avant pieds dans la PR, bassin/rachis pour une spondylarthropathie.
• Une échographie pour confirmer une synovite.
• Une ponction articulaire avec étude du liquide synovial en cas d’hydarthrose dans une polyarthrite inexpliquée avec étude cytobactériologique et recherches de microcristaux.
Ce qu’il faut retenir
• Différencier polyarthralgies mécaniques et polyarthrite ; polyarthrite aiguë et subaiguë ou chronique.
• Éliminer une urgence infectieuse.
• Orienter les examens complémentaires en fonction de la suspicion diagnostique fondée sur l’examen clinique articulaire et non articulaire, les signes et symptômes associés.
• Traiter rapidement une PPR (risque de cécité si association au Horton), une PR de façon à modifier le pronostic.
1) J. Funovits et al., Ann Rheum Dis, 2010; 69:1589–95
2) A. Van der Helm‐van Mil AH et al., Arthritis Rheum, 2007;56:433‐40
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