La mémoire de l’immunité innée est bien décrite dans le monde invertébré et les plantes qui ne possèdent pas d’immunité humorale. Chez les vertébrés et l’Homme, elle est suggérée par de nombreuses observations cliniques : la vaccination par le BCG, bacille de Calmette et Guérin, diminue la mortalité infantile due à des infections non liées à Mycobacterium tuberculosis. De même, les vaccinations contre la rougeole, la fièvre jaune ou la grippe diminuent les infections liées à d’autres pathogènes non couverts par les vaccins. Enfin, comme observé plus récemment, la vaccination par le BCG diminue la sévérité des infections par le SARS CoV-2.
Des modifications épigénétiques durables
Cette notion de mémoire de l’immunité innée a été introduite en 2011 par le Pr. Mihai Netea (2). Ainsi, les cellules immunitaires innées, en particulier des monocytes et macrophages, qui ont été exposées à une première stimulation, répondent de façon plus rapide et intense lors d’une deuxième stimulation que celle-ci soit identique ou différente de la première. Cette mémoire de l’immunité innée, souvent appelée immunité innée entraînée (ou Trained immunity (TRIM)), est liée à des modifications épigénétiques induites par la première stimulation et qui persistent après l’arrêt de la stimulation. Lors de la deuxième stimulation l’accès aux promoteurs de certains gènes est donc facilité, ce qui permet une transcription accélérée des gènes cibles. Lors de la seconde stimulation, les cellules immunitaires innées peuvent produire une réponse augmentée (immuno-entraînement ou TRIM) ou réduite (tolérance). La TRIM est bien connue pour les stimulations microbiennes mais elle peut aussi être induite par des stimulations non infectieuses, en particulier par des motifs moléculaires associés au danger (DAMP). La TRIM est impliquée dans les réponses infectieuses, les maladies auto-immunes, dégénératives et tumorales.
La ténascine C, un stimulus pro inflammatoire
Une étude récente s’est intéressée au rôle de la mémoire de l’immunité innée (activée via des facteurs endogènes) dans la pathogénie de la PR (1).
Dans cette étude, les auteurs ont montré que la ténascine C, une protéine de la matrice extracellulaire produite en excès lors des lésions tissulaires et dont la concentration dans le liquide articulaire est augmentée au cours de la PR, induisait des modifications épigénétiques des monocytes et des macrophages des membranes synoviales de PR. Ces modifications épigénétiques (triméthylation de la lysine 4 de l’histone 3 (H3K4me3) et H3K27m3) diminuaient l’expression des gènes impliqués dans la tolérance immunitaire mais augmentaient celle des gènes impliqués dans la réponse inflammatoire, la destruction tissulaire, la mort cellulaire et la réponse thérapeutique.
Au cours de la PR, la ténascine C est produite en excès et sa concentration élevée dans les liquides articulaires et le plasma est associée à une maladie plus sévère, plus érosive et plus résistante aux traitements. La ténascine C active le récepteur Toll-like (TLR) 4 qui reconnaît aussi le lipopolysaccharide (LPS) des bactéries. Cependant, la ténascine C induisait une réponse cellulaire et des modifications épigénétiques différentes de celles induites par le LPS. L’expression basale d’une grande majorité des gènes modifiés par la ténascine C était élevée dans les monocytes circulants des patients atteints de PR et dans les macrophages des membranes synoviales de PR.
La mémoire de l’immunité innée semble jouer un rôle majeur dans la pathogénie de la PR. Elle peut être activée par les produits de dégradation tissulaire mais aussi par des signaux moléculaires de danger et des signaux moléculaires bactériens. Sa modulation par des agents pharmacologiques constitue une nouvelle approche thérapeutique des maladies auto-immunes.
(1) Marzeda AN et al. Investigating endogenous immune-mediated monocyte memory in rheumatoid arthritis. Ann Rheum Dis. 2025 Sep;84(9):1484-1500. doi: 10.1016/j.ard.2025.03.016. 
(2) Netea MG et al. Trained immunity: a memory for innate host defense. Cell Host Microbe. 2011 May 19;9(5):355-61. doi: 10.1016/j.chom.2011.04.006.
 
                        
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