L’arthrose est maintenant abordée comme une insuffisance d’organe, impliquant toute l’articulation. Il ne faut plus se focaliser sur la perte de cartilage mais envisager aussi des traitements ciblant l’os et l’inflammation, et en particulier l’inflammation de la membrane synoviale (1,2).
Un facteur de croissance porteur d’espoir
La molécule la plus prometteuse fait actuellement l’objet d’une étude de phase 3. La sprifermine, ou FGF-18, est un facteur de croissance qui stimule la production de protéoglycanes et de collagène par le chondrocyte. Elle a été injectée en intra-articulaire tous les six mois, chez des patients au stade 2 ou 3. « C’est la première fois qu’est montrée sur l’IRM une augmentation de l’épaisseur cartilagineuse, ce qui constitue une véritable petite révolution dans l’arthrose », se félicite le Dr Augustin Latourte (Paris). Mais il est difficile de connaître l’impact sur la douleur dans une étude aussi longue (deux ans de traitement et trois de suivi), où il est impératif de maintenir des antalgiques pour garder les patients dans l’essai.
Deux pistes prometteuses
Le cartilage n’est pas innervé, ce qui explique que le pincement ne soit que peu corrélé à la douleur, qui viendrait plutôt de l’os sous-chondral ou de la synoviale. On comprend mieux le rôle de la voie de signalisation Wnt dans le dialogue entre l’os et le cartilage. Elle favorise la production d’os par l’ostéoblaste et est activée dans l’arthrose, d’où la condensation de l’os sous-chondral. L’inhibition de cette voie avec le lorecivivint, administré en intra-articulaire, a montré des résultats de phase 2 en demi-teinte, mais qui suggèrent un effet sur la douleur et la perte en cartilage. Avec une seule injection évaluée un an plus tard, cette étude était ambitieuse. Une phase 3 est en cours.
Par ailleurs, les débris de cartilage relargués dans l’articulation du fait des contraintes mécaniques provoquent une réaction synoviale inflammatoire et une production de cytokines, pérennisant l’arthrose. Néanmoins, tous les essais avec les biothérapies se sont révélés négatifs sur la douleur, que ce soit au niveau des doigts ou du genou. Par contre l’inhibition à long terme de l’IL1 s’avère prometteuse. Dans une analyse post-hoc de l’étude CANTOS, le canakinumab (anti-IL1) avait montré, chez les patients à haut risque cardiovasculaires (CV), une réduction significative des complications CV, mais aussi du recours à une prothèse de hanche ou du genou (3).
Des explorations en cours
Les protéases interviennent dans la dégradation du collagène et de l’agrécanne. Les inhibiteurs des métalloprotéases (MP) ciblant le collagène étaient mal tolérés, ces MP étant aussi impliquées dans le renouvellement des tissus. Plus récemment, des essais menés avec des inhibiteurs d’une agrécannase, ADAMTS-5, étaient encourageants chez l'animal mais négatifs en phase 2 chez l’homme (4). Mais des doses différentes sont à l’étude, ainsi que la voie intra-articulaire (et non plus orale).
D’autre part, les chondrocytes devenant sénescents produisent des médiateurs de l’inflammation aboutissant à la mort cellulaire. Des traitements sénolytiques sont à l’étude afin d’éradiquer les cellules sénescentes « toxiques » et préserver le cartilage. Une de ces molécules, l’UBX0101 est en cours de phase 2 chez l’homme (5).
Des thérapies à visée antalgique
Le NGF est un facteur de croissance neuronal et un médiateur de la douleur. Son inhibition bloque le développement des nocicepteurs et la transmission du signal douloureux. Un anti-NGF, le tanezumab, avait initialement montré en injection sous-cutanée un effet spectaculaire sur la douleur (6,7). Cependant, son développement a été arrêté, dû à la survenue chez certains patients d’arthroses rapidement évolutives. Il est vraisemblable que les anti-NGF perturberaient aussi le remodelage au niveau osseux.
Les études se poursuivent sur l’innervation de l’articulation, qui joue un rôle important dans la douleur et la structure articulaire. Suite à des résultats positifs chez l’animal, un essai piloté par une équipe de l’hôpital Saint-Antoine est en cours pour évaluer l’effet antalgique de la stimulation du nerf vague, via un dispositif implanté dans l’oreille.
D’après un entretien avec le Dr Augustin Latourte (hôpital Lariboisière, Paris).
(1) Latourte A et al. Nat Rev Rheumatol 2020 Dec;16(12):673-88.
(2) Jiang Y. Osteoarthritis Cartilage 2022 Feb;30(2):207-15.
(3) Schieker M et al. Ann Intern Med 2020 Oct 6;173(7):509-15.
(4) Latourte A et al. Osteoarthritis Cartilage 2022 Feb;30(2):175-7.
(5) Jeon OH et al. Nat Med. 2017 Jun;23(6):775-81.
(6) Lane NE et al. N Engl J Med 2010;363:1521-31.
(7) Schnitzer TJ et al. JAMA 2019 Jul 2;322(1):37-48.
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