Pr Marie-Elise Truchetet (CHU de Bordeaux)

Connectivites : « des nouvelles voies thérapeutiques originales »

Publié le 03/07/2025
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Au regard des nombreuses études en cours, les maladies auto-immunes telles que les connectivites pourraient bénéficier de réelles avancées. De nouvelles molécules aux modes d’action innovants, ouvrent des perspectives intéressantes notamment pour la sclérodermie systémique. Le point avec le Pr Marie-Elise Truchetet (CHU de Bordeaux).

Crédit photo : CYIM

Lors du congrès de l’EULAR, plusieurs communications portaient sur le traitement des connectivites. Qu’elles ont été les données les plus marquantes ?

Pour la première fois, les résultats de nombreuses études testant des nouvelles voies thérapeutiques originales dans les connectivites (lupus, myosite, sclérodermie systémique…), autres que celles ciblant les cytokines pro-inflammatoires, ont été présentés. En effet, depuis des années, les nouvelles molécules testées dans les connectivites sont celles déjà utilisées dans la polyarthrite rhumatoïde et les autres pathologies rhumatismales. Or, on sait aujourd’hui, que la physiopathologie de la sclérodermie systémique et des autres connectivites est bien particulière.

Les résultats d’une étude de phase 2 ont, par exemple, montré l’efficacité de l’efgartigimod dans les myosites inflammatoires. L’efgartigimod appartient à une nouvelle classe de médicaments qui ciblent les récepteurs Fc néonataux (FcRn) favorisant le recyclage des IgG. En se liant aux FcRn, il fait ainsi diminuer les taux d’IgG. Des essais sont en cours dans le lupus et la sclérodermie systémique.

Une autre molécule, l’enpatoran inaugure un nouveau mécanisme d’action, l’inhibition des récepteurs de type Toll, TLR7 et 8. Une étude de phase 2 vient de démontrer son efficacité dans le lupus érythémateux disséminé.

Enfin, les CAR-T cells ont été à l’honneur avec de nombreuses communications dans les maladies auto-immunes, en particulier dans le lupus érythémateux systémique réfractaire (LES). Cette stratégie vise à induire une déplétion profonde et transitoire des cellules B, suivie d’une réinitialisation (reset) durable du système immunitaire. Des résultats positifs ont été obtenus avec plusieurs CAR-T cells autologues (CAR-T anti CD19, CAR-T anti CD19/BCMA…) ainsi qu’avec un CAR-NK allogénique. Des essais sont actuellement en cours dans la sclérodermie systémique.

Quels sont les progrès espérés dans le traitement de la fibrose pulmonaire associée aux maladies auto-immunes ?

Deux essais de phase 3 (FIBRONEER-FPI et FIBRONEER-FPP) ont confirmé l’efficacité et la tolérance du nerandomilast, un inhibiteur oral préférentiel de la phosphodiestérase 4B (PDE4B). Ces études sur près de 1 200 patients ont montré un effet positif sur la réduction du déclin de la fonction pulmonaire (CVF) à 52 semaines avec un bon profil de tolérance. Des recommandations communes EULAR/ERS sur les atteintes pulmonaires dans les connectivites vont très bientôt être publiées.

Qu’apporte la cohorte EUSTAR ?

Le groupe européen d’essais et de recherche sur la sclérodermie (EUSTAR) est un réseau international regroupant plus de 200 centres de recherche.

Au cœur de ses recherches se trouve une base de données/registres qui regroupe les données de plus de 25 000 patients atteints de sclérodermie dans le monde.

Compte tenu de la rareté de la sclérodermie, cette base de données collaborative est essentielle pour faire avancer les connaissances. À titre d’exemple, sur 20 communications sur la sclérodermie faites à l’EULAR cette année, douze émanaient de la cohorte EUSTAR. On peut citer notamment, une étude (AC Sarbu et al) présentée en séance plénière qui avait pour objectif d’évaluer l’impact des médicaments vasodilatateurs sur la progression fonctionnelle et la mortalité toutes causes confondues dans la PID associée à la SSc. Une autre étude a montré l’intérêt de l’association rituximab/mycophénolate mofétil versus monothérapie dans cette même indication. Il existe un bénéfice assez clair des combinaisons médicamenteuses sur l’atteinte respiratoire.

Quels défis restent-ils encore à relever ?

La sclérodermie est une maladie très complexe et malgré les progrès, les défis restent nombreux concernant les traitements, mais aussi les marqueurs. Les recherches ont déjà permis de mettre en évidence le concept de VEDOSS (Very Early Diagnosis of Systemic Sclerosis). Lorsqu’un phénomène de Raynaud est identifié comme suspect chez un patient, des examens complémentaires, tels une capillaroscopie, une analyse des anticorps spécifiques à la sclérodermie peuvent confirmer un risque accru d’évolution vers une SSc. Les centres de référence permettent d’identifier très tôt ces patients à risque et de les surveiller de façon ciblée.

Propos recueillis par Christine Fallet


Source : lequotidiendumedecin.fr