Quel schéma d’administration des inhibiteurs de la résorption ?
Il a été bien montré que les traitements inhibiteurs de la résorption (bisphosphonates, dénosumab) diminuaient le risque de complications des métastases osseuses. Des questions concernant la durée du traitement persistent et certaines études évaluent la possibilité d’un espacement du traitement. Parmi celles-ci, citons 2 études récentes.
L’étude OPTIMIZE-2, randomisée double insu, a été menée chez 416 patientes ayant des métastases osseuses d’un cancer du sein et ayant déjà eu au moins 9 perfusions d’acide zolédronique ou de pamidronate au cours des 10 à 15 mois précédents. Ces patientes ont ensuite reçu une perfusion de 4 mg d’acide zolédronique toutes les 4 ou 12 semaines pendant 1 an et il n’a pas été montré de différence concernant le nombre de patientes ayant eu des évènements osseux et le délai de survenue du premier évènement (1).
Les résultats d’une étude randomisée ouverte effectuée chez 1 822 patients ayant un cancer métastatique du sein, de la prostate ou un myélome avec au moins une atteinte osseuse, recevant une perfusion d’acide zolédronique toutes les 4 semaines ou toutes les 12 semaines pendant 2 ans retrouvent un risque comparable de survenue d’évènements osseux (2) ; il faut malgré tout souligner un taux de CTX sérique plus élevé dans le groupe traité toutes les 12 semaines.
Une étude comparant l’administration de dénosumab toutes les 4 semaines versus toutes les 12 semaines chez les patients ayant un cancer du sein ou de prostate métastatique est en cours.
Prévention des métastases osseuses dans le cancer du sein
L’intérêt des traitements inhibiteurs de la résorption en adjuvant avant la survenue des métastases osseuses est en cours d’évaluation et des données récentes pourraient changer la pratique clinique pour certains groupes de patientes, en particulier les femmes ménopausées ayant un cancer du sein à haut risque de rechute.
Les résultats de la méta-analyse de l’EBCTCG (Early Breast Cancer Trialists’ Collaborative Group), basée sur les données individuelles de 18 766 patientes traitées pour un cancer du sein localisé, ont en effet montré que les bisphosphonates (clodronate ou amino-bisphosphonates) prescrits en adjuvant entraînaient une diminution significative du risque de récidive osseuse et de mortalité par cancer du sein chez les patientes ménopausées (3).
En ce qui concerne le dénosumab, l’étude ABSCG-18, au cours de laquelle 3 420 patientes ayant un traitement par inhibiteur de l’aromatase ont reçu du dénosumab 60 mg ou un placebo tous les 6 mois, a montré que le dénosumab retardait de façon significative l’apparition de la première fracture clinique et augmentait la densité minérale osseuse chez ces patientes (4). Des résultats préliminaires ont également montré que le dénosumab améliorait la survie sans récidive (critère secondaire de cette étude) chez les patientes ayant notamment une tumeur du sein de plus de 2 cm (5). L’étude D-Care est en cours, et permettra de comparer la survie sans métastases osseuses, la survie sans rechute et la survie globale chez 4 500 femmes ayant un cancer du sein stade II-III recevant un placebo ou du dénosumab 120 mg/mois pendant 6 mois puis tous les 3 mois pendant 54 mois.
Dénosumab vs acide zolédronique dans le myélome multiple
Dans l’étude menée chez les patients ayant des métastases osseuses de cancers autres que les cancers du sein et de la prostate ou ayant un myélome, il a été montré que le dénosumab (injections sous-cutanées mensuelles de 120 mg) n’était pas inférieur à l’acide zolédronique (perfusion mensuelle de 4 mg) en ce qui concerne le délai d’apparition de la première complication osseuse mais il n’a pas été montré de supériorité du dénosumab (6), contrairement aux études effectuées au cours du cancer du sein ou de la prostate avec métastases osseuses. Cette étude comportait cependant une population hétérogène de patients et un faible nombre d’entre eux avait un myélome multiple (87 patients recevant le dénosumab et 93 patients recevant l’acide zolédronique).
Les résultats récemment communiqués d’une étude internationale randomisée en double insu, effectuée chez 1 718 patients ayant un myélome multiple récemment diagnostiqué et recevant le dénosumab 120 mg ou l’acide zolédronique 4 mg toutes les 4 semaines, montrent que le dénosumab n’est pas inférieur au traitement par acide zolédronique (HR 0,98 ; 95 % CI 0,85-1,14) pour retarder la survenue du premier événement squelettique. Il n’a cependant pas été montré de supériorité pour retarder ce premier événement ou les évènements ultérieurs. La survie globale entre dénosumab et acide zolédronique n’est pas différente (HR 0,90 ; 95 % CI 0,70-1,16) (7).
L’arrivée des anticorps monoclonaux
L’immunothérapie est un traitement prometteur pour certains cancers et se développe également pour la prise en charge du myélome multiple.
Le daratumumab (Darzalex) est le premier anticorps monoclonal humain anti-CD38 approuvé pour le traitement de cette affection ; il se lie à la protéine CD38 qui est fortement exprimée à la surface des plasmocytes au cours du myélome multiple.
Deux études randomisées de phase 3 ont rapporté en 2016 l’efficacité du daratumumab en association avec d’autres molécules chez les patients ayant un myélome multiple ayant déjà reçu au moins une première ligne de traitement et étant en rechute. Dans l’étude CASTOR, 498 patients d’âge médian 64 ans (30-88 ans) ont ainsi reçu du bortezomib pendant 8 cycles de 21 jours et de la dexamethasone en association ou non avec le daratumumab (8). Le daratumumab a permis de réduire le risque de progression de la maladie ou de décès de 61 % (HR 0,39 ; 95 % CI 0,28-0,53 ; p < 0,001), et d’augmenter les taux de très bonne réponse partielle (59,2 % versus 29,1 % ; p < 0,001) ou de réponse complète (19,2 % versus 9 % ; p = 0,001). L’étude POLLUX (9) a comparé l’efficacité du lenalidomide et dexamethasone sans ou avec daratumumab chez 569 patients d’âge médian 65 ans (34-89 ans). L’association du daratunumab a entraîné une réduction de 63 % du risque de progression de la maladie et de décès (HR 0,37 ; 95 % CI 0,27 à 0,52 ; p < 0,001). Un taux plus élevé de réponse global était observé avec le daratunumab (92,9 % versus 76,4 %, p < 0,001), de même qu’un taux plus élevé de réponse complète (43,1 % versus 19,2 % ; p < 0,001)
Ces deux études ont donc montré des taux de réponses plus importants et une survie sans progression plus longue avec l’addition de daratumumab. Cette molécule représente à nouveau une avancée importante pour la prise en charge des patients ayant un myélome multiple en rechute. D’autres études sont menées actuellement avec l’association du daratumumab en première ligne de traitement.
D’autres anticorps monoclonaux sont également en cours d’étude dans cette affection (10).
CHU de Poitiers, Université de Poitiers
Références
(1)Hortobagyi GN et al.. JAMA Oncol2017 doi: 10.1001/jamaoncol.2016.6316.[Epub ahead of print]
(2)Himelstein AL et al. JAMA 2017; 317 : 48-58.
(3)Coleman R et al. Lancet 2015; 386 : 1353-61.
(4)Gnant M et al. Lancet 2015; 386: 433-43.
(5)Gnant M. et al. San Antonio Breast Cancer Symposium (SABCS) December 2015, S2-02.
(6)Henry DH et al. J Clin Oncol 2011;29:1125-3
(7)Raje N. et al. 15th International Myeloma Workshop, March 1-4, 2017. Abstract OP-046.
(8)Palumbo A et al. N Engl J Med 2016. 375 : 754–766.
(9)Dimopoulos MA et al. N Engl J Med 2016 ; 375 : 1319-31.
(10)Jung SH et al. Crit Rev Oncol Hematol 2017 ; 111 : 87-93.
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