La rédaction de directives anticipées psychiatriques (DAP) avec le soutien de pairs-aidants réduirait significativement les hospitalisations sans consentement et améliorerait la santé mentale des patients psychotiques, démontre une étude randomisée publiée dans le « Jama Psychiatry », par une équipe de l'AP-HM en partenariat avec le GHU Paris Psychiatrie & Neurosciences et le centre hospitalier Le Vinatier de Lyon.
Initiée par la Dr Aurélie Tinland, psychiatre à l’AP-HM, l'étude a inclus 394 patients entre janvier 2019 et juin 2020, à travers sept établissements à Paris, Lyon, et Marseille. Âgés en moyenne de 39 ans, ils étaient 45 % à présenter une schizophrénie, 36 % un trouble bipolaire et 19 % un trouble schizoaffectif. Tous avaient été hospitalisés sous contrainte l'année précédente.
Les participants ont été répartis en deux groupes. Dans le premier, ils étaient invités à remplir des directives anticipées portant sur leurs préférences de traitement et de soutien en cas de détresse, les signes précurseurs d'une rechute et les stratégies pour y faire face. Ceci à l'aide d'un médiateur de santé pair. Les participants du groupe contrôle ont été informés du principe des DAP, mais n'ont pas été encadrés par un médiateur. Quelque 107 patients (sur 196) ont rempli les DAP dans le premier groupe (dans plus de 75 %, accompagnés par des pairs-aidants), contre 14 dans le groupe contrôle.
Amélioration des symptômes ressentis, de l'empowerment
Résultats : à un an, le taux d'admission sans consentement était significativement plus faible dans le groupe DAP (27 %) que dans le groupe contrôle (40 %) ; les chercheurs retrouvent une diminution de 32 % de ce taux. « L’élaboration même des directives anticipées permet aux patients de mieux anticiper, d’élaborer un plan d’action pour eux-mêmes, d’identifier une personne de confiance, de prévenir ces crises… Ainsi, la plupart des personnes qui ont rempli des directives au cours de l’étude n’ont pas eu à s’en servir », souligne l'AP-HM dans un communiqué.
En outre, les participants du premier groupe déclaraient moins de symptômes et témoignaient de meilleurs « empowerment » (autonomisation) et rétablissement que ceux du second groupe. En revanche, il n'y avait pas de différence significative sur le taux d'hospitalisation (ce qui laisse supposer que les patients ayant rempli des DAP sont plus enclins à être hospitalisés volontairement), l'alliance thérapeutique et la qualité de vie.
« La présence de pairs-aidants a certainement joué un grand rôle dans ces résultats, notamment en termes de rétablissement », écrivent les auteurs, appelant à comparer dans un second travail un encadrement par les pairs-aidants avec un encadrement par des soignants.
Une journée d'étude au ministère de la Santé en novembre
Si de nombreuses institutions (Organisation mondiale de la santé, Haute Autorité de santé, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Comité consultatif national d'éthique) plaident en faveur de leur généralisation, les directives anticipées en psychiatrie restent marginales en France, alors qu'elles sont inscrites dans la loi en Allemagne, aux Pays-Bas, en Suisse, au Royaume-Uni…
Une journée d’étude devrait être organisée au ministère de la Santé le 16 novembre prochain par plusieurs instances* pour dresser un état des lieux de leur déploiement et ouvrir un débat sur la place à leur accorder.
* Advocacy France, AP-HM, CHU de Saint-Étienne, GHU Paris, Prism, Psycom, Santé mentale France, Unafam
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