« Il existe une grande variété de chiffres à propos de la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Ils montrent une augmentation des troubles mentaux au sein de cette population et surtout une accélération avec le Covid », explique Olivier Bonnot, psychiatre dans l’Essonne, professeur à l’université Paris-Saclay et membre de la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et disciplines associées (SFPEADA).
De fait, 1,6 million de jeunes souffriraient de troubles psychiques, selon le rapport de la Cour des comptes de mars 2023. Ce chiffre recouvre des pathologies très différentes comme l’autisme, l’anxiété, la dépression ou encore l’isolement.
Le bulletin mensuel de Santé publique France de mars 2025, consacré à la santé mentale, fait apparaître une hausse des passages aux urgences des enfants et adolescents pour des troubles psychotiques, des gestes et des idées suicidaires dans des proportions supérieures à celles enregistrées entre 2021 et 2023. Dans le même temps, ce bulletin recense les interventions du réseau SOS Médecins et remarque une hausse des actes pour anxiété dans cette même population. Ces situations diverses dépendent fortement du contexte de développement et du parcours du patient. Elles nécessitent bien souvent des réponses et des prises en charge adaptées.
Paris compte 2,2 psychiatres libéraux pour 1 000 habitants de moins de 18 ans, contre 0,04 dans l’Aube
Une offre de soins en souffrance
Or l’offre de soins manque d’effectifs et ne permet pas de répondre efficacement aux besoins. Les pédopsychiatres seraient 1 500 à 2 000 selon la Cour de Comptes, dont 25 % ont plus de 65 ans. L’Ordre des médecins a constaté une diminution de 40,3 % entre 2010 et 2025. Par ailleurs, il existe une grande disparité d’accès aux soins selon les régions. Il y avait en 2021 en moyenne 0,17 lit pour 1 000 habitants de moins de 18 ans en France mais huit départements n’en comptaient aucun. L’accès à l’offre en pédopsychiatrie libérale connaît les mêmes disparités. Paris compte par exemple 2,2 psychiatres libéraux pour 1 000 habitants de moins de 18 ans mais il n’y en a que 0,04 dans le département de l’Aube. Un manque de professionnels qui freine notamment la prévention et le repérage des troubles chez les jeunes.
Cette pratique souffre aussi d’un déficit de popularité auprès des futurs médecins. « Elle est jugée peu prestigieuse, peu médicale et aussi exposée au danger », déclare le Dr Bonnot. Si bien que l’année dernière, « 13 % des 585 postes ouverts aux internes n’ont pas été pourvus », poursuit-t-il.
Une pratique gratifiante
Mais cette pénurie a paradoxalement contribué à décloisonner la pratique et à adapter les méthodes de travail en incluant par exemple de plus en plus les médecins généralistes, les infirmiers en pratique avancée et d’autres professionnels de santé. « C’est positif car avant, on pensait que le psychiatre pouvait tout faire et que la psychiatrie était une pratique à part », note le Dr Bonnot.
Autre point positif, « quand les étudiants ont eu l’occasion de la découvrir, l’image de la pédopsychiatrie a évolué en bien », continue le médecin.
Car « aider les enfants et les ados apporte énormément de satisfaction et reste un travail très gratifiant », s’enthousiasme le Dr Bonnot. C’est un métier tourné vers l’humain et la rencontre, qui nécessite de s’intéresser à l’environnement du patient et de mener une véritable enquête développementale. Il s’agit donc de travailler sur l’histoire et la trajectoire de l’enfant ou de l’adolescent concerné, c’est-à-dire sur sa façon de penser mais surtout sur ce qui l’a mené à penser comme ça, sur les conflits dans sa tête, comment il se construit… La SFPEADA participe, de plus, à la campagne d’attractivité de la discipline (https://choisir-psychiatrie.org), portée par les internes (Affep), les étudiants (Anemf) et les universitaires (CNUP).
Un champ de recherche dynamique
Par ailleurs, la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent est un champ de recherche extrêmement dynamique. La manière dont se développe le cerveau d’un enfant ou d’un adolescent jusqu’à l’âge adulte est désormais mieux connue. Au-delà de ces aspects fondamentaux et médicaux, cette discipline s’intéresse aux multiples changements de la société, qu’ils soient sociétaux (éco-anxiété, guerre, incertitude) ou comportementaux (temps passé devant les écrans, réseaux sociaux…), et à leurs conséquences sur les jeunes.
Les psychiatres et surtout les pédopsychiatres sont aussi très actifs dans les récents développements de l’intelligence artificielle. « Pour fabriquer une machine qui se met à penser, il y a besoin de faire des analogies avec l’être humain et les compétences des psychiatres sont utiles dans ce domaine », confirme le Dr Bonnot.
Pour répondre à la situation préoccupante, les conclusions des Assises de la pédiatrie ont proposé des actions spécifiques. Pour améliorer la prise en charge et la réponse en matière de santé mentale des jeunes, deux objectifs principaux ont été définis. Le premier cherche à renforcer les maisons des adolescents, des établissements de prise en charge multidisciplinaire, pour proposer un accompagnement global en santé. Le deuxième s’attache à améliorer la réponse en pédopsychiatrie à travers la réorganisation de l’offre de soins ambulatoire et hospitalière. L’idée est de mieux structurer l’organisation et le rôle des différents professionnels afin de pallier le manque d’effectif.
Alors que la santé mentale a été désignée grande cause nationale 2025, ces propositions non encore mises en place sont jugées « très en dessous des attentes alors que les enjeux tels que la protection de l’enfance ou encore la situation du secteur public de la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent sont majeurs », conclut Olivier Bonnot.
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