Les psychotropes restent très prescrits, notamment en EHPAD. Dans les années 1990, la mise sur le marché de neuroleptiques atypiques -perçus comme plus sûrs que les neuroleptiques classiques- a largement contribué à l’augmentation de la prescription de cette classe thérapeutique. Toutefois, leur prescription prolongée n’est pas sans risque : elle peut notamment accélérer le déclin cognitif et engendrer accidents vasculaires cérébraux (AVC) et morts subites. « Malgré ces alertes sur les risques des neuroleptiques atypiques, leur consommation n’a cessé d’augmenter jusqu’à la publication, en 2008, des recommandations de la Haute Autorité de santé. Après ces dernières, les experts sont passés d’un extrême à l’autre, en préconisant de ne plus jamais les prescrire dans la maladie d’Alzheimer et en EHPAD. Un objectif, à mon sens, irréaliste », affirme le Pr Pierre Jouanny, gériatre au CHU de Dijon.
Pour clarifier la pratique en matière de prescription de neuroleptiques en EHPAD, le Pr Jouanny et son confrère, le Dr Christian Rouf (médecin coordonnateur en EHPAD) ont procédé à une revue (1) de la littérature sur le sujet. « Nous en avons conclu qu’il y a des situations dans lesquelles la prescription de neuroleptiques reste indispensable même si elle doit rester de courte durée et à des faibles doses. Par exemple, dans les cas sévères et complexes associant délires et/ou hallucinations chez les patients atteints de syndromes démentiels (maladie à corps de Lewy, maladie d’Alzheimer…) », assure le Pr Jouanny.
Vers des thérapies sur-mesure
Toutefois, même pour ces cas-là, les neuroleptiques ne sont utiles que lorsque les délires et hallucinations font souffrir le patient et lui provoquent anxiété et agitation. En effet, dans les 2/3 des cas, ces symptômes ne posent pas de problème et n’imposent donc pas la prise de neuroleptiques.
En matière de réduction de neuroleptiques, l’EHPAD devrait devenir un modèle en développant des interventions non médicamenteuses personnalisées, correspondant aux goûts et à la sensibilité de chaque patient : musicothérapie, réminiscence, ateliers cuisine… L’étude ETNA 3 (2) [en cours de publication] a notamment montré que les activités proposées individuellement aux patients souffrant de démence (en tenant compte de leur désir) étaient mieux acceptées que celles réalisées en groupe (d’une dizaine de patients) et dont la thématique était imposée. « Lorsqu’un EHPAD fonctionne bien, il a un vrai projet de vie et de soin pour ses résidents. Le personnel est formé aux troubles du comportement des personnes souffrant de démence. Le médecin coordonnateur de l’EHPAD occupe une place centrale. Il est le garant des bonnes pratiques de son établissement : il met en place de protocoles destinés aux équipes soignantes et il en évalue les résultats sur chaque patient. À l’avenir, le médecin coordonnateur pourrait, ainsi, devenir le prescripteur des traitements en EHPAD. En effet, aujourd’hui, la prescription est établie par les nombreux médecins traitants intervenant en EHPAD. Cela explique, en partie, que la prise en charge des patients n’est pas toujours bien coordonnée et harmonisée », conclut le Pr Jouanny.
(1) Rouf C, Jouanny P. Neuroleptiques en EHPAD. Peut-on s’en passer dans les symptômes comportementaux et psychologiques des syndromes démentiels ? Repères en Gériatrie 2015(17);136
(2) Investigateur : J-F Dartigues (université Bordeaux 2, CHU Bordeaux, Inserm)
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