UNE VOIE de recherche visant à traiter le retard mental au cours de la trisomie 21 s’ouvre avec le dépôt d’un brevet par la Fondation Jérôme Lejeune. Il s’agit d’une famille de molécules susceptibles d’inhiber une enzyme, la cystathionine bêta-synthase (CBS), considérée comme l’un des responsables du déficit intellectuel. Un programme de tests sur un modèle murin de l’affection va pouvoir débuter dans les mois à venir. Comme l’explique au « Quotidien » le Dr Henri Bléhaut, directeur de la recherche au sein de la Fondation, « le dépôt de brevet suivi d’une preuve de concept nous permettra de fournir la molécule à un industriel » dans le but d’essais cliniques et de mise sur le marché.
L’intuition scientifique de Jérôme Lejeune.
L’histoire de la découverte, que raconte le Dr Bléhaut, montre l’intuition scientifique de Jérôme Lejeune et permet de mieux comprendre ce qui, pour l’instant, relève de la biochimie. Le généticien de renom, dans les années 1975, avait établi un parallèle entre les patients atteints d’homocystinurie et ceux porteurs d’une trisomie 21. Les premiers sont phénotypiquement à l’inverse des seconds : grand, minces, nombreux plis palmaires… En revanche, ils ont en commun la déficience intellectuelle et une mutation du gène CBS. L’intuition de Jérôme Lejeune est d’avoir pensé que, puisque l’homocystinurie est associée à une sous-expression du gène CBS, peut-être est-il surexprimé au cours de la trisomie avec, donc, un excès de l’enzyme pour laquelle il code.
Cette hypothèse a été confirmée en 1984. Restait à découvrir l’inhibiteur enzymatique. « S’il est souvent assez facile d’inhiber une enzyme, la CBS se montre particulièrement réticente » poursuit Henri Bléhaut. En outre, un second problème se posait, celui du modèle animal à tester. « Chez la souris, les gènes du chromosome 21 sont localisés sur les chromosomes 10, 16 et 17. Il existait bien un modèle murin trisomique 16 partiel, mais pas de modèle de trisomie 17, et le gène CBS est porté par ce dernier. »
Dès lors pour mettre au point un inhibiteur enzymatique il a fallu attendre un modèle murin trisomique 17, ce qui s’est enfin réalisé, et faire un screening de molécules. « Depuis 2004, nous avons testé 200 000 molécules pour aboutir à deux familles susceptibles d’être efficaces. L’une d’elles, toxique, a été rejetée. L’autre, qui fait l’objet du brevet, semble active, de faible toxicité, de solubilité satisfaisante et son profil laisse présager un passage de la barrière hémato-méningée. Une partie de son noyau est proche des benzodiazépines, ce qui est plutôt rassurant quant à sa tolérance, son absence de toxicité et son aptitude à franchir la barrière hémato-méningée. »
La cystathionine bêta-synthase.
Un petit rappel biochimique permet de mieux comprendre le mode d’action de la famille thérapeutique découverte par les chercheurs de la Fondation. Dans le cycle de la méthionine, qui entraîne les méthylations de l’ADN, se trouve l’homocystéine. Elle sort de ce cycle pour donner, par l’action de la cystathionine bêta-synthase ou CBS, la cystathione. « En cas d’absence de CBS, une forte élévation de l’homocystéine apparaît avec un risque cardio-vasculaire très majoré. À l’inverse au cours de la trisomie 21, l’homocystéine chute, abaissant ce risque. Ce qui se confirme en clinique : il n’y a pas d’infarctus chez les trisomiques, malgré un profil lipidique à risque. » Enfin, la cystathione, issue de l’homocystéine, donne la cystéine laquelle entraîne la création d’un gaz, l’hydrogène sulfuré (H2S), difficile à doser car volatile. En excès, au cours la trisomie 21, il devient fortement neurotoxique.
« Alors que nous disposons maintenant de possibilités de diagnostic prénatal très précoces, si on ne cherche pas à traiter la trisomie 21, dans 1 000 ans nous en serons toujours au même point. Il faut arriver à agir sur les gènes clés de l’affection et il y a peu à faire pour améliorer la situation de façon conséquente. Nous disposons de deux voies de recherche thérapeutique : viser soit les anomalies du génotype, soit celles du phénotype, donc les anomalies biochimiques. » Le dépôt de brevet par la Fondation Jérôme Lejeune s’oriente dans cette dernière direction.
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