Dr PIERRE de MARICOURT et Pr RAPHAËL GAILLARD (2)
DÉCOUVERTE dans les années 1960, la kétamine est un antagoniste non spécifique des récepteurs NMDA au glutamate, utilisé comme agent anesthésique, notamment chez l’enfant, ainsi que plus récemment comme antalgique. La découverte de ses propriétés antidépressives date des années 2000, avec la démonstration d’un effet antidépresseur rapide et puissant de la perfusion intraveineuse d’une faible dose (0,5 mg/kg) chez des patients déprimés résistants aux thérapeutiques usuelles. Depuis, de nombreux essais ont confirmé son efficacité, en particulier dans la dépression résistante, y compris bipolaire (3).
L’effet antidépresseur rapide de la kétamine est mis à profit chez des patients à haut risque suicidaire : un puissant effet suicidolytique est obtenu dès 40 minutes après l’administration et durant plusieurs jours. Un autre cadre d’utilisation est celui de l’induction de l’anesthésie requise pour un traitement par électroconvulsivothérapie dans le but d’améliorer l’efficacité de ce traitement et éventuellement sa tolérance cognitive.
Cependant, l’absence de stratégie de maintien efficace à l’heure actuelle (rechute en quelques jours à quelques semaines), malgré des essais consistant à répéter les perfusions ; la survenue fréquente de symptômes psychotiques a minima lors de l’administration intraveineuse ; et l’absence de données fiables sur sa tolérance cognitive à moyen et long termes, sont autant de paramètres qui rendent à ce jour difficile la généralisation de l’utilisation de la kétamine. De nouvelles formulations, telles que la esketamine, administrée par voie nasale pourraient changer la donne.
Puissance et rapidité.
Au-delà de son utilisation clinique directe, c’est son effet puissant chez des patients résistants aux antidépresseurs conventionnels voire à l’électroconvulsivothérapie et sa rapidité d’action – de quelques heures en comparaison au délai habituel de plusieurs semaines des antidépresseurs classiques – qui sont remarquables et ont conduit à repenser la physiopathologie de la dépression et les mécanismes d’action des antidépresseurs.
De nombreux travaux précliniques et cliniques ont ainsi permis de caractériser certains des mécanismes d’action de la kétamine et ont conduit au développement de molécules antagonistes spécifiques des sous-unités du récepteur NMDA ou d’un agoniste partiel du site glycinergique (GLYX-13), ou encore de molécules ciblant les récepteurs AMPA et les récepteurs métabotropiques. La recherche s’est également focalisée sur un facteur de croissance neuronal, le BDNF, et sur l’identification au niveau intracellulaire de voies de transduction liées à l’effet antidépresseur. Si ces mécanismes ne sont pas complètement élucidés, plusieurs voies, comme celle de GSK3 ou de mTOR, semblent impliquées et en font des cibles thérapeutiques éventuelles (4).
(1) Dolgin E. Rapid antidepressant effects of ketamine ignite drug discovery. Nat. Med. 2013;19(1):8.
(2) Centre hospitalier Sainte-Anne, université Paris-Descartes
(3) Aan Het Rot M, Zarate CA Jr, Charney DS et al. Ketamine for depression: where do we go from here? Biol. Psychiatry. 2012;72(7): 537-47.
(4) Duman RS, Li N, Liu R-J et al. Signaling pathways underlying the rapid antidepressant actions of ketamine. Neuropharmacology. 2012;62(1):35-41.
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