Hypertension pulmonaire : phase II prometteuse pour le premier inhibiteur de TGF-β

Par
Publié le 12/04/2021

Résistances pulmonaires, distance de marche, taux de NT-proBNP améliorés : un nouveau mode d’action thérapeutique dans les HTAP de groupe 1 classe II-III, fondé sur la dysfonction BMPR2, apporte des résultats encourageants.

Crédit photo : phanie

Une étude de phase II du premier inhibiteur de TGF-β ajouté aux autres thérapeutiques chez des patients souffrant d’hypertension pulmonaire (HTAP) de grade 1 classe II-III a donné des résultats encourageants (1). Et, surtout, elle vient apporter la preuve du concept de l’implication de ce facteur pro-prolifératif dans la physiopathologie de certaines HTAP. « Environ 70-80 % des HTAP congénitales et 20-30 % des HTAP idiopathiques sont le résultat d’une dysfonction TGF-β médiée, physiopathologiquement, par une dysfonction du récepteur BMPR de type 2 (BMPR2), rappelle John H Newman dans l’éditorial du NEJM (2). Cela a ouvert de nouvelles pistes thérapeutiques. Plusieurs stratégies visant à rééquilibrer la dysfonction BMPR2 sont en développement : ARNm, ligands, Mab… Mais, jusqu’ici, les résultats étaient mitigés. Aujourd’hui, cet essai de phase II du sotatercept, protéine de fusion inhibant l’activation du TGF-β, met en évidence son activité directe sur la circulation pulmonaire. Les résistances artérielles pulmonaires décroissent sous traitement, sans grand changement de pression artérielle pulmonaire ni, plus étonnant encore, du débit cardiaque. Des études plus vastes, incluant des patients plus sévères et un suivi plus prolongé sont nécessaires. Mais, d’ores et déjà, le sotatercept est le premier inhibiteur à s’être montré capable de rééquilibrer le système TGF-β avec, à 6 mois, un certain bénéfice clinique. C’est une avancée prometteuse dans cette maladie difficile et létale qu’est l’HTAP. »

Une molécule originale ciblant la dysfonction TGF-β associée à certaines HTPA

Le sotatercept est une protéine de fusion associant le domaine extracellulaire du récepteur à l’activine IIA (ActRIIa) et la fraction Fc d’IG1. Il mime un récepteur, séquestrant ainsi les ligands de la superfamille TGF-β (activines A et B, GDF-11…), ce qui induit une suppression du signal TGF-β, qui vient contrebalancer la déficience BMPR2 impliquée dans certaines HTAP.

Pulsar est une étude de phase 2, en double aveugle, multicentrique versus placebo du sotatercept en add on. Les patients atteints d’HTAP de grade 1 classe II-III ont été randomisés − avec stratification sur la classe − en trois bras (3/3/4) pour 24 mois de traitement SC une fois tous les 21 jours par : sotatercept 0,3 mg/kg, sotatercept 0,7 mg/kg ou placebo. Une période d’extension ouverte de 18 mois est en cours.

Les HTAP associés à une maladie porto-pulmonaire, une schistosmiase ou le VIH étaient exclues. Les patients pouvaient être sous mono, bi- ou trithérapie anti-HTAP.

Le critère primaire est l’évolution à 24 mois des résistances vasculaires pulmonaires (PVR). Le principal critère secondaire est l’évolution de la distance de marche à 6 minutes (6 MWD).

Réduction des résistances vasculaires liée à celle des pressions artérielles pulmonaires

Au total, entre juin 2018 et juillet 2019, 106 patients ont été randomisés par 43 centres dans 8 pays : 32 patients sous placebo, 32 sous sotatercept 0,3 mg/kg et 42 sous sotatercept 0,7 mg/kg. Ils sont relativement jeunes (48 ± 14 ans). Plus de la moitié étaient sous trithérapie et plus d’un tiers sous perfusion de prostacycline.

L’analyse réalisée en intention de traiter utilise la méthode des moindres carrés.

Les PVR ont diminué à 24 semaines de 162 dyn.s.cm−5 sous sotatercept 0,3 mg/kg, 256 dyn.s.cm−5 sous sotatercept 0,7 mg/kg et 16 dyn.s.cm−5 sous placebo. La différence en moindres carrés versus placebo est de : 146 dyn.s.cm−5 ([−241 ; −51] ; p = 0,003) pour le sotatercept 0,3 mg/kg et de 239 dyn.s.cm−5 ([−329 ; −150] ; p < 0,001) pour le sotatercept 0,7 mg/kg. Elle est homogène dans tous les sous-groupes.

Cette diminution des PVR est liée à une réduction des pressions artérielles pulmonaires dont la différence moyenne (en moindres carrés) vs placebo est de 8,3 [−13 ; −4] mmHg pour le sotatercept 0,3 mg/kg et de 13,4 [−17 ; −9] mmHg pour le sotatercept 0,7 mg/kg. En revanche, on n’observe quasi pas de modifications des pressions artérielles pulmonaires (−10 mmHg) ni des pressions capillaires et, encore plus surprenant, des débits cardiaques.

Augmentation du périmètre de marche, baisse du NT-ProBNP

À 24 semaines, la distance de marche de 6 minutes (6 MWD) a plus augmenté sous sotatercept (+ 58 m/bras 0,3 mg/kg ; + 50 m/bras 0,7 mg/kg) que sous placebo (+ 29 m). « Cette augmentation du 6MWD a un impact clinique limité. On est toutefois on est chez des patients non sévères », commente l’éditorialiste.

Le taux de NT-proBNP a baissé sous sotatercept (− 621 ± 151 pg/ml/bras 0,3 mg/kg ; − 341 ± 140 pg/ml/bras sotatercept 0,7 mg/kg), quand il augmentait sous placebo (+310 ± 151 pg/ml).

La classe OMS de l’HTAP s’est plus souvent améliorée sous traitement. Elle concerne 12 % des patients sous placebo, 31 % sous sotatercept 0,3 mg/kg et 17 % sous sotatercept 0,7 mg/kg. Quant à la clinique, elle s’est dégradée chez 6 % des patients sous placebo, il n’y a pas eu de dégradation sous sotatercept 0,3 mg/kg et il y en a eu 2 % sous 0,7 mg/kg, avec une qualité de vie inchangée dans les trois bras à 24 mois.

Des effets secondaires hématologiques attendus mais non négligeables

Les effets secondaires hématologiques sont fréquents. Ils sont dominés par une thrombocytopénie (6 et 12 % des patients) et une augmentation de l’hémoglobine (3 et 17 % des patients). « Des évènements attendus vu l’implication du TGF-β dans l’hématopoïèse, et gérables », selon l’éditorialiste. Ils ont néanmoins entraîné l’arrêt du traitement chez 6 patients sous sotatercept. Et un arrêt cardiaque a entraîné la mort d’un patient sous sotatercept 0,7 mg/kg.

 

(1) M Humbert et al. Sotatercept for the Treatment of Pulmonary Arterial Hypertension. NEJM 2021; 384:1204-15

(2) JH Newman. Molecular Rescue in Pulmonary Arterial Hypertension. NEJM 2021; 384:1271-72

 

Pascale Solère

Source : lequotidiendumedecin.fr