De plus en plus de données montrent que les interactions entre virus jouent un rôle important dans leurs dynamiques et leur transmission, avec des conséquences sur le plan clinique. Des travaux récents sont en particulier venus éclairer les interactions se développant entre divers virus respiratoires et leurs effets, quantifiables, à la fois en population, chez l’individu et même au niveau tissulaire. A contrario, on ne dispose que de fort peu de données documentant, les interactions virales au niveau proprement cellulaire. C’est pourquoi les données issues de ce travail de recherche pointu, éclairant les interactions entre virus grippal (grippe type H1N1) et virus respiratoire syncytial (VRS), lors de co-infection au niveau pulmonaire, sont précieuses. « Ce travail met en particulier évidence, pour la première fois, que cette co-infection génère des virus hybrides infectieux — dits HVPs — doués non seulement d’une certaine faculté à échapper au système immunitaire (antigénicité altérée) mais aussi d’un tropisme cellulaire étendu à plusieurs territoires de l’arbre respiratoire, alors que le virus grippal infecte surtout le haut et moyen arbre respiratoire (grippe non compliquée) et le VRS le moyen et bas arbre respiratoire, résument les auteurs (1). Ces virus hybrides se trouvent être doués de la capacité de diffuser les virus grippaux jusque dans les populations cellulaires pulmonaires normalement réfractaires… Un mécanisme possiblement impliqué dans le développement des formes sévères de la grippe et plus largement dans celui des pneumonies virales. »
Deux virus respiratoires communs cocirculant largement
Les virus grippaux et les virus respiratoires syncytiaux circulent très largement en population. Ils sont d’ailleurs tous deux responsables chaque année de nombreuses d’hospitalisation, en particulier chez les moins de cinq ans pour le VRS. Les co-infections par plus d’un virus respiratoire ne sont pas rares. Elles représenteraient de 10 à 30 % des infections virales pulmonaires. Elles sont d’ailleurs particulièrement fréquentes chez les enfants. Mais, majorent-elles le risque de pneumonie virale ? Cela reste à éclaircir, puisque certaines données cliniques laissent à penser que oui, d’autres non.
Au niveau cellulaire, l’effet des co-infections n’est guère plus clair. Étudier plus avant, sur une lignée cellulaire issue de tissu pulmonaire, le résultat d’une co-infection grippe/VRS, comparativement à une infection par le virus grippal seul, ou le VRS seul, peut donc apporter des renseignements très intéressants.
Un énorme travail de recherche utilisant diverses techniques de microscopie pointues
Le papier, publié récemment dans Nature Biomedicine (1), est le fruit d’un important travail de recherche. Plusieurs techniques de visualisation et de décryptage cellulaire pointues — microscopie à haute résolution, scanner de microscopie électronique, imagerie sur cellules vivantes, et cryoélectron tomographie — ont été utilisées. Elles ont permis de comparer les localisations des diverses protéines virales produites par la cellule à la suite d’une infection par un virus grippal, un VRS ou de ces deux virus (grippe/VRS).
Ce travail met en évidence que la co-infection ne modifie quasiment pas la cinétique de réplication du virus grippal (max à 24-48 heures post-inoculation) mais affecte largement celle du VRS, dont les titres sont significativement réduits (jusqu’à 400 fois moins au pic à 72 heures) lors de co-infection grippe/VRS.
Il montre aussi, qu’après co-infection, la production de protéines virales des deux virus — grippe et VRS — se colocalisent à la surface apicale des cellules épithéliales. Des structures filamenteuses extracellulaires liées à la membrane ont évoqué pour la constitution de virus hybrides. L’analyse de ces virus hybrides — dits HVPs — révèle qu’ils recèlent des glycoprotéines de surface et des ARN hybrides, issus à la fois du virus grippal et du VRS. Plus largement, d’un point de vue structurel, génomique et fonctionnel, ces virus HVPs contiennent des éléments venant des deux virus parents (grippe et VRS).
La suite de l’exploration a mis en évidence que ces virus hybrides utilisent la glycoprotéine de fusion du VRS pour échapper aux anticorps antigrippe. Cette stratégie leur permet d’infecter et se diffuser dans des cellules dépourvues de récepteurs aux virus grippaux.
Plus intrigant encore, parmi les virus proprement grippaux, nés ou descendants d’une co-infection grippe/VRS, les deux tiers semblent eux-mêmes capables d’échapper aux anticorps antigrippe. Cela n’est pas retrouvé chez les VRS descendants d’une co-infection grippe/VRS, qui ne semblent pas capables d’utiliser les glycoprotéines virales pour faciliter l’entrée du VRS dans la cellule.
« Ce travail met en évidence des interactions jusqu’ici jamais mises en évidence entre virus au niveau cellulaire lors de co-infection. Une sorte de socialisation, à même d’affecter la pathogénie de ces virus, via un élargissement de leur tropisme — pour tel sous-type cellulaire — et l’induction d’un certain échappement à la réponse immunitaire », concluent les auteurs.
(1) J Haney et al. Coinfection by influenza A virus and respiratory syncytial virus produces hybrid virus particles. Nature Microbiology 2022 ;7:1879-90
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