Greffe cœur-poumons

État des lieux 26 ans après

Publié le 17/11/2014
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Crédit photo : AFP

Si la date effective et la paternité de la première transplantation cœur-poumons (TCP) en France a pu un temps faire débat, il n’est aujourd’hui contesté par personne que le CCML fut et reste l’établissement de référence au plan national et même mondial de cette technique chirurgicale. De même qu’il est aujourd’hui reconnu que le Pr Philippe Dartevelle a été le premier à réussir pleinement cette opération en France et probablement aussi au plan international. Deux de ses patientes peuvent d’ailleurs toujours en témoigner 26 ans après avoir été transplantées.

La TCP a été le premier traitement de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) qui reste l’indication la plus fréquente pour cette technique (67 %), mais également le premier type de transplantation pulmonaire possible avant celle des poumons. L’Agence de la biomédecine indique que 856 greffes cardio-pulmonaires ont été enregistrées en France de 1982 à fin 2013. À cette dernière date, on estimait à 189 le nombre de porteurs d’un greffon cœur-poumons fonctionnel.

Toujours un exploit

Les transplantations cœur-poumons et pulmonaires soulèvent de nombreuses problématiques qui sont absentes d’autres transplantations comme celles du rein, du foie ou uniquement du cœur. La première résulte de la ventilation artificielle du donneur qui entraîne souvent des œdèmes et des pneumopathies. Le taux de prélèvement de poumons sur donneurs d’organes est par conséquent très inférieur à celui du foie ou du cœur.

La comptabilité de taille est une autre contrainte forte. Les poumons ne fonctionnant que grâce à une mécanique respiratoire dominée par les mouvements diaphragmatiques, la taille des poumons doit être strictement la même que celle de la cage thoracique.

Enfin, l’intervention peut être très hémorragique, notamment en présence d’adhérences pleurales faisant communiquer les artères de la paroi thoracique et celles des poumons comme dans les HTAP post-emboliques. Si l’on ajoute à cela la dissection difficile du médiastin, une CEC longue et la nécessité d’un temps d’ischémie froide court pour le cœur, on comprend pourquoi le Pr Dartevelle continue de dire que la TCP « reste un peu un exploit ».

Des progrès permanents

« Lorsque nous avons commencé à faire les premières TCP, tout le monde ou presque nous recommandait d’abandonner en raison d’une mortalité beaucoup trop élevée. Aujourd’hui, le CCML présente les meilleurs résultats au monde pour cette spécialité chirurgicale avec un taux de survie de 53 % à 5 ans et de 28 % à 20 ans ». Le Pr Dartevelle, aujourd’hui directeur général du CCML, rappelle ainsi que cette technique, malgré une mortalité post-opératoire élevée (20 %) et une survie à long terme inférieure aux autres transplantations, ne cesse de bénéficier d’avancées cruciales.

Les premières se situent en amont. De nouveaux traitements et alternatives techniques ont en effet permis de retarder la date de la transplantation et d’améliorer significativement le taux de survie avant la greffe : l’anastomose de Potts (aortopulmonaire) en indication chez l’enfant, l’oxygénation par membrane extra-corporelle (ECMO), l’endartériectomie pulmonaire ou encore l’angioplastie des artères pulmonaires qui présente des résultats très encourageants.

Le retard d’inscription sur la liste à la transplantation qui en découle s’est accompagné, depuis septembre 2006 pour les TCP, de la mise en place de priorités nationales de transplantation, dites super urgences (SU), en cas de dégradation grave et brutale. Enfin, la technique de reperfusion ex vivo du greffon pulmonaire (EPLV) qui permet d’augmenter le nombre d’organes transplantables et la possibilité, depuis 1995, de bénéficier d’une re-transplantation ont encore amélioré le panorama général de la TCP.

Benoît Thelliez

Source : Le Quotidien du Médecin: 9366