Progression de la tuberculose multirésistante en France

Du mythe à la réalité

Publié le 13/02/2014
Article réservé aux abonnés
1397554750495910_IMG_122252_HR.jpg

1397554750495910_IMG_122252_HR.jpg
Crédit photo : BSIP

La tuberculose multirésistante (MDR) est désormais très répandue dans plusieurs parties du monde. « La progression va de pair avec l’appauvrissement de certaines populations et l’effondrement des systèmes de santé, en particulier dans les pays de l’ex-URSS. Car si la tuberculose est clairement une maladie de la pauvreté, la tuberculose multirésistante est celle de l’extrême pauvreté » explique le Pr Éric Caumes (CHU Pitié Salpêtrière, Paris). Selon l’OMS, il y a eu, en 2012, autour de 450 000 nouveaux cas de tuberculose MDR, dont près de 10 % extrêmement résistante (XDR) (1). Et si 60 % des cas sont concentrés en Chine, en Inde et dans les pays de l’ex-URSS, les pays développés ne sont pas épargnés.

En France, le nombre de cas, resté relativement stable entre 2006 et 2010, progresse désormais. On est passé de 50 nouveaux cas par an à près de 100, en 2012. Une flambée étroitement liée à une augmentation des cas issus des pays de l’ex-URSS. « En France, les tuberculoses MDR représentent 5 à 10 % des tuberculoses. En 2012, plus de la moitié était liée à des personnes nées en ex-URSS (2). En revanche, les formes extrêmement résistantes, XDR, sont rares et actuellement toutes importées », résume le Pr Caumes.

Repérage des MDR et XDR

« La prise en charge repose sur un trépied : [1] repérer les malades, [2] les isoler et [3] les traiter en fonction des données de résistance bactérienne », souligne le Pr Caumes. Les BK MDR sont en effet la conséquence d’une mauvaise utilisation des traitements et/ou d’une mauvaise adhésion à celui-ci. Et les MDR mal traités font eux-mêmes le lit des XDR.

Le repérage des BK MDR est donc primordial. Or, les formes résistantes touchent surtout les sujets prétraités, 10 fois plus à risque. « Il faut donc systématiquement rechercher les antécédents de tuberculose et évoquer une résistance lors d’une rechute », insiste-t-il.

Génotypage des résistances

« Le diagnostic repose toujours sur une radiographie du thorax et l’isolement du BK (crachats, tubages). Mais la biologie moléculaire permet aujourd’hui de court-circuiter l’étape de culture et d’avoir plus rapidement une bonne idée du profil de résistance de la souche par génotypage », explique le Pr Caumes. On connaît en effet assez bien les principales mutations. Et l’évaluation génotypique des résistances, bien que moins fiable que le phénotypage (culture/antibiogramme), permet de gagner quelques semaines. C’est pourquoi, « chez des sujets prétraités, ce génotypage doit être systématique et préalable à un traitement, à la carte, par un antituberculeux de seconde ou troisième ligne, souligne le Pr Caumes. Quand, chez le patient naïf, le phénotypage permettra au besoin d’aménager a posteriori le traitement de première ligne. »

Traitement à la carte

« Pour les BK multirésistants, le traitement doit être systématiquement orienté par le génotypage », résume le Pr Caumes. Le traitement à la carte a en effet fait ses preuves (3). «En pratique on utilise des antituberculeux de 2e ligne (BK MDR), ou de 3e ligne (BK XDR), mais aussi parfois des antituberculeux de 1re ou 2e ligne, non utilisés initialement en raison de leur toxicité (médicaments anciens, restés efficaces mais mal tolérés). On y ajoute, au besoin, une chirurgie d’exérèse des grosses cavernes », indique-t-il. Cette stratégie d’optimisation des traitements a permis jusqu’ici de limiter à 5 % la mortalité des tuberculoses XDR en France (contre 30-70 % dans les pays pauvres).

Entretien avec le Pr Éric Caumes

CHU La Pitié Salpêtrière, Paris.

(1) Global tuberculosis report 2013. WHO.

(2) Bernard C et al. A surge of MDR and XDR tuberculosis in France among patients born in the Former Soviet Union. Euro Surveill. 2013;18(33):pii=20555.

(3) Anderson LF et al. Treatment outcome of multi-drug resistant tuberculosis in the United Kingdom : retrospective-prospective cohort study from 2004 to 2007. Euro Surveill. 2013; 18(40):pii=20601.

Pascale Solère

Source : Bilan spécialistes