LE QUOTIDIEN : Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est un Covid long ?
Dr JÉRÔME LARCHE : La Haute autorité de santé (HAS) qualifie de Covid long les symptômes qui se manifestent au-delà de quatre semaines après la phase aiguë de l’infection et qui ne peuvent pas être expliqués par une autre maladie. Si plus de 200 symptômes ont été répertoriés, trois sont majeurs, observés chez 75 % des patients : une fatigue intense, des symptômes respiratoires et cardiaques — essoufflement, toux, hyperventilation, etc. : le côté respiratoire est donc important — et, enfin, des troubles neurocognitifs. Selon Santé publique France, deux millions de patients sont concernés, et cette pathologie a des conséquences majeures, à la fois sur les plans économique — avec une perte de 0,8 % du PIB en 2024 — et social, dans la mesure où la qualité de vie des patients peut être fortement altérée.
Pouvez-vous nous parler du dispositif que vous avez imaginé, et qui a ensuite été déployé à l’échelle de l’Occitanie ?
Dès septembre 2020, j’ai commencé à prendre en charge des patients dont les symptômes persistaient plusieurs semaines après l’infection par le coronavirus. Le diagnostic nécessitant de nombreuses explorations — fonctionnelle respiratoire, PET-scan, scanner pulmonaire, IRM cérébrale, bilan cardiologique, évaluation neuropsychologique cognitive —, nous avons rapidement décidé, avec quelques confrères montpelliérains, de mettre en place des hôpitaux de jour dans les centres de compétence diagnostique, pour permettre aux patients de réaliser l’ensemble de ces examens en une journée, et d’être orientés vers des structures adéquates de rééducation au terme d’une consultation de synthèse. Le diagnostic est ainsi posé beaucoup plus rapidement : 45 jours en moyenne dès que le patient est intégré au parcours de soins. Les données recueillies auprès des patients nous apprennent que le délai entre le début des symptômes persistants et le diagnostic de Covid long était auparavant compris entre 10 à 12 mois.
Nous avons rapidement pris contact avec l’Agence régionale de santé Occitanie et, dès janvier 2022, ce dispositif de parcours de soins pluridisciplinaire et structuré a été étendu à l’échelle régionale, permettant la labellisation de centres d’expertise et de compétences dans chaque département, en s’appuyant aussi sur les cellules de coordination pour le Covid long existantes au sein de chaque dispositif d’appui à la coordination (DAC). Les professionnels qui y exercent ont répertorié les centres, les praticiens ainsi que toutes les structures pouvant aider les patients dans chaque département de la région Occitanie. Cette plateforme peut être appelée directement par des personnes malades ou des médecins. Je pense aux généralistes avec lesquels nous avons travaillé en étroite collaboration et qui se montrent aujourd’hui très pro-actifs.
Connaissons-nous les causes de ce Covid long, et qu’en est-il des traitements ?
Nous commençons à disposer d’hypothèses physiopathologiques, étayées par la littérature, sur la persistance virale, la dysimmunité, l’endothéliopathie thrombotique ou encore les dysbioses intestinales. Autant de pistes qui se complètent. Des facteurs de risque ont par ailleurs été identifiés comme le fait d’être une femme et d’être plutôt âgé, même s’il existe des Covids longs pédiatriques. Avoir été hospitalisé majore également le risque, tout comme certaines comorbidités : la BPCO, l’asthme, l’insuffisance rénale ou cardiaque chronique.
S’agissant de la prise en charge, les traitements sont symptomatiques. Si le bilan diagnostique met par exemple en évidence un asthme post-Covid — de novo ou dégradé suite à l’infection —, nous prescrivons des bronchodilatateurs ou des corticoïdes inhalés. Une rééducation respiratoire progressive est également possible, en cas de syndrome d’hyperventilation ou de déconditionnement respiratoire. Cette rééducation adaptée fait partie intégrante du dispositif pour réduire les malaises post-effort.
Diriez-vous que vous avez inspiré ou accéléré la publication des recommandations nationales de la Haute autorité de santé ?
La HAS a sollicité notre participation au groupe de travail sur la rédaction du parcours de soins publié en mai 2024. Des spécialistes de l’Île-de-France, du Grand Est, des Hauts-de-France, ainsi que des associations de patients ont enrichi les échanges. Mais l’Occitanie continue d’offrir la structuration la plus formelle du parcours de soins, en partant du médecin généraliste, en passant par les DAC et en associant les établissements de santé (MCO et SMR). Cela étant précisé, la HAS propose un très bel outil pour mettre en place des parcours de soins optimisés sur l’ensemble du territoire. Malheureusement, je reçois tous les jours des demandes de patients d’autres régions qui sont désemparés, ce qui me désole. Comment ignorer cette problématique de santé publique, économique et sociétale, qui concerne deux millions de personnes ? Nous devons collectivement nous battre pour obtenir davantage d’équité d’accès aux soins. Il s’agit d’une question éthique, qui nous concerne tous.
* La Clinique du Parc, établissement au sein duquel le Dr Larché exerce, a été labellisée Centre de recours pour la prise en charge des patients Covid Long, elle prend pleinement part à ce dispositif.
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