LE QUOTIDIEN : Quelle a été votre démarche à travers la publication de cet ouvrage ?
PR MICHEL TSIMARATOS : Dans Repenser l’hôpital (1), nous avons vraiment voulu avoir une réflexion de praticiens, pas de théoriciens. Moi, cela fait plus de 20 ans que je travaille tous les jours à l’hôpital. Et comme beaucoup d’autres, j’ai assisté ces dernières années à une lente dégradation de nos conditions d’exercice. Et dans ce livre, co-écrit avec Bénédicte Devictor, une économiste de la santé et Stéphanie Gentile, une professrice de santé publique, nous essayons d’expliquer comment l’hôpital en est arrivé là.
Nous analysons l’impact des différentes réformes engagées ces dernières années, en particulier le passage du budget à la tarification à l’activité (T2A). Ce système est sans doute plus juste pour financer l’activité des hôpitaux que le budget global, mais il a été introduit sans préparation. Surtout, les indicateurs qui ont été retenus ont donné l’impression aux professionnels que la façon dont l’hôpital allait obtenir ses recettes était plus importante que la manière dont les professionnels soignaient les patients. Ce nouveau mode de financement a surtout eu un effet inflationniste et entraîné une perte de sens et de valeur chez les acteurs de l’hôpital.
Vous dénoncez la perversion d’un système inflationniste dans une enveloppe contrainte
On a transformé l’hôpital en utilisant un modèle destiné aux entreprises privées. Dans un marché non régulé, plus une entreprise vend ses produits, plus elle gagne de l’argent. Mais l’hôpital, lui, évolue au contraire dans un cadre régulé – par l’Ondam, le budget des dépenses de santé voté chaque année par le Parlement. C’est le montant de cette enveloppe qui pousse à baisser le tarif d’un acte quand celui-ci est très largement pratiqué.
Or les tarifs de la T2A n’ont pas cette logique : plus on fait d’actes avec un nouveau tarif, plus l’hôpital va gagner d’argent. Mais plus, alors, on augmente les chances de voir ce tarif baisser l’année suivante. Ensuite, pour gagner la même somme, on est obligé de faire toujours plus d’actes.
Quel est le prix à payer pour l’hôpital ?
L’hôpital se trouve confronté à une double injonction paradoxale : on nous dit de développer l’activité pour augmenter les recettes mais, dans le même temps, de réduire les coûts pour contenir le déficit de l’hôpital. Or le principal poste de dépenses, c’est celui des ressources humaines. Et c’est un cercle vicieux : plus on réduit les effectifs, plus on augmente les cadences. Et plus on augmente la productivité au détriment de la qualité. Et au final, plus on dégrade les conditions de travail, plus on augmente l’absentéisme et plus on réduit les effectifs.
exergue : Les indicateurs qui ont été retenus ont donné l’impression aux professionnels que la façon dont l’hôpital allait obtenir ses recettes était plus importante que la manière dont les professionnels soignaient les patients
(1) Michel Tsimaratos avec la collaboration de Stephanie Gentile et Benédicte Devictor. Repenser l’hôpital. Rendez-vous manqués et raisons d’espérer. Éd. Michalon, 282 p.
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