Le canal artériel perméable est un vaisseau sanguin qui relie chez le fœtus l’artère pulmonaire à la circulation systémique. À la naissance, il devient obsolète et se ferme. Or, chez les enfants prématurés, il ne le fait pas toujours de lui-même et peut nécessiter une intervention médicamenteuse. L’ibuprofène, un inhibiteur de la cyclo-oxygénase, peut alors être utilisé.
L’essai Baby-Oscar, mené par l’unité d’épidémiologie périnatale d’Oxford, dans 32 établissements de soins intensifs néonatals au Royaume-Uni, a évalué l’impact d’une injection d’ibuprofène dans les 72 heures après la naissance. Cette étude a été faite sur 653 bébés nés entre 23 et moins de 29 semaines de grossesse, avec un canal artériel persistant d’un diamètre supérieur à 1,5 mm, confirmé par une échographie cardiaque. La moitié a reçu de l’ibuprofène dans les 72 heures après la naissance, l’autre un placebo. Le critère de jugement principal, évalué à un âge équivalent à 36 semaines, concernait les décès ou la dysplasie bronchopulmonaire. Ce risque n’était pas significativement plus faible dans le groupe ibuprofène que dans le groupe placebo. « L’utilisation de l’ibuprofène n’améliore pas le taux de survie ni ne réduit les cas de dysplasie bronchopulmonaire », précise l’étude. Ces résultats ont fait l’objet d’une publication dans The New England Journal of Medicine, le 25 janvier 2024.
Se fier à la situation physiopathologique du bébé
Le chef de service en pédiatrie et réanimation néonatales à l’hôpital Antoine-Béclère (AP-HP), le Pr Daniele De Luca, réagit à cette publication : « Cette étude s’inscrit dans la mouvance actuelle, celle de ne pas généraliser à tous les bébés et notamment les prématurés, une fermeture du canal artériel de façon agressive ». Il note toutefois plusieurs points négatifs, notamment le choix des facteurs mesurés, tels que la survie et la dysplasie bronchopulmonaire. « Pensait-on que la fermeture du canal artériel avec de l’ibuprofène allait avoir un impact ? Ces deux facteurs sont multifactoriels, surtout chez les prématurés, et surtout plusieurs jours après l’injection », estime le spécialiste. D’autre part, le professeur observe qu’une partie des bébés sous placebo ont été traités, in fine, malgré la randomisation. « S’il ne faut pas généraliser la fermeture du canal artériel, parfois, pour certains, il est évident que nous devons agir et c’est ce qui s’est passé ici », souligne-t-il. Pour prendre une décision, il insiste sur la nécessité de se fier à la situation physiopathologique du nouveau-né.
Le Pr Daniele De Luca cite trois médicaments qui permettent d’aider la fermeture du canal : l’indométacine, qui n’est pas utilisée en France, l’ibuprofène, le plus utilisé en Europe, et le paracétamol. « C’est très rare qu’ils ne fonctionnent pas, rapporte-t-il. En cas d’échec, il existe des méthodes plus invasives telles que la fermeture chirurgicale ou la fermeture par voie endovasculaire. »
La fermeture naturelle du canal artériel se fait en moyenne deux ou trois jours après une naissance à terme. Or, chez les nouveau-nés prématurés, ce délai peut être plus long. « Au-delà de 28 semaines d’aménorrhée, le recours à un médicament n’est quasiment pas nécessaire. À moins de 28 semaines, c’est plus fréquent mais cela reste une minorité, à la louche, grossièrement, je dirais que ça représente 20 % des bébés », suppose le Pr Daniele De Luca, en se fondant sur son expérience.
Nous ne devons pas aller d’un extrême à l’autre
Pr Daniele De Luca, hôpital Antoine-Béclère (AP-HP)
Les pratiques évoluent
Il y a une vingtaine d’années, la fermeture était pourtant pratiquée chez presque tous les prématurés. « On voyait ça comme une anomalie par rapport aux bébés nés à terme, donc les médecins souhaitaient corriger le tir. Mais il n’y avait pas de bénéfice généralisé. C’était même dangereux de fermer trop tôt le canal, directement à la naissance, comme on pouvait le faire “par facilité”. Si la circulation transitionnelle était encore en place, on pouvait alors voir des bébés faire des hypertensions artérielles pulmonaires », souligne le Pr Daniele De Luca.
Les habitudes ont dorénavant changé. Pour autant, aujourd’hui, au niveau international, il n’existe pas de consensus. « Nous ne devons pas aller d’un extrême à l’autre », s’inquiète le médecin, qui prône une utilisation réfléchie de ces médicaments, lorsque la situation physiopathologique de l’enfant le contraint. « Lorsqu’un canal ouvert représente une souffrance pour les autres organes », ajoute le Pr Daniele De Luca, précisant l’importance de l’échographie et d’un suivi attentif dans la prise de décision. « Tous les bébés sont différents, il faut personnaliser la prise en charge », dit-il avec une certaine douceur.
S. Gupta et al. N Engl J Med 2024;390:314-25
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