« Nous sommes face à une "épidémie" de diabète de type 1 (DT1) chez l’enfant », alerte la Dr Nadia Tubiana-Rufi (hôpital Robert-Debré, AP-HP, Paris). Les données épidémiologiques européennes publiées l’an dernier sont venues confirmer la poursuite de la forte hausse déjà observée entre 1989 et 2003 (1). L’incidence du DT1 a doublé au cours des 25 dernières années et devrait encore doubler dans les 18 à 25 ans, à raison d’une augmentation moyenne de l’incidence annuelle de 3,4 %. La France n’est pas épargnée par ce phénomène, comme cela a bien été souligné par un travail de Santé publique France ayant analysé la période de 2010 à 2015 : l’augmentation annuelle de l’incidence est de 4 %, sans différence significative selon le sexe et le groupe d’âge (moins de 4 ans, de 5 à 9 ans ou de 10 à 14 ans) (2).
L’incidence du DT1 connaît des variations géographiques, selon un gradient Nord Sud, les pays scandinaves étant les plus touchés : 63 nouveaux cas/100 000 chez les moins de 15 ans en Finlande, 40/100 000 en Suède ; 34/100 000 en Norvège. Avec 19 nouveaux cas/100 000 (2), la France se situe dans la moyenne européenne. Enfin, l’incidence du DT1 tend à s’accroître plus vite dans les pays où elle était plus faible et à l’inverse semble se stabiliser dans ceux qui sont déjà les plus touchés.
Des conséquences majeures pour les enfants et leur famille
Ce phénomène complexe reste mal expliqué mais découlerait de l’interaction entre des facteurs génétiques et environnementaux : rôle de virus notamment coxsackies, effet de l’alimentation sur le microbiote, polluants… Il y a aujourd’hui beaucoup d’inconnues et tout autant d’hypothèses, mais les conséquences de cette « épidémie » de DT1 chez l’enfant sont majeures, tant sur leur santé à court et long terme que sur l’organisation des soins.
« Le DT1 chez l’enfant est très difficile à équilibrer, rappelle la Dr Tubiana-Rufi, il est grevé de complications aiguës à type d’acidocétose et d’hypoglycémies sévères. Il touche, dans un quart des cas, des enfants de moins de 5 ans, avec des conséquences majeures sur la vie familiale. Le plus souvent un des deux parents doit réduire son activité professionnelle, les parents ont besoin d’aide et de soutien. Un travail qui sera présenté lors du congrès de la SFD, portant sur une centaine d’enfants de moins de 3 ans, illustre parfaitement cette problématique (3) ». Un livre blanc a été déposé il y a quelques mois au ministère, avec une soixantaine de propositions de la Société française d’endocrinologie pédiatrique (SFEDP) et de l’Association des jeunes diabétiques (AJD).
« Les enfants et leurs parents doivent être pris en charge par une équipe experte, réunissant médecins, infirmiers, diététiciennes, psychologues, équipes pluriprofessionnelles dont la formation demande du temps », poursuit la Dr Tubiana-Rufi, avant de préciser que le nombre d’enfants diabétiques est désormais proche de 25 000 en France. Il faut également anticiper l’arrivée massive, dans quelques années, de ces enfants devenus adultes dans les consultations de diabétologie.
Une prise en charge rigoureuse est d’autant plus importante qu’un âge inférieur à 10 ans au diagnostic est un facteur de risque cardiovasculaire et de mortalité, bien mis en évidence dans le registre suédois du diabète (4).
L’arrivée prochaine des systèmes de boucle fermée hybride (lire p. 5) apporte une perspective très attendue pour améliorer l’équilibre glycémique et la qualité de vie des enfants, et le fardeau porté par leurs parents (5). « Il est donc essentiel de s’organiser et donner les moyens en personnel spécialisé, ainsi que l’accès rapide aux nouvelles technologies, pour répondre efficacement à cet enjeu majeur », conclut la Dr Tubiana-Rufi.
Entretien avec la Dr Nadia Tubiana-Rufi, hôpital Robert-Debré, ap-hp, Paris (1) Patterson CC et al. Diabetologia. 2019 Mar;62(3):408-417 (2) Piffaretti C et al. Diabetes Res Clin Pract. 2019 Mar;149:200-207 (3) CO 027 (4) Rawshani A et al. Lancet. 2018 Aug 11;392(10146):477-486 (5) Sessions congrès SFD
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