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Dossier

25es rencontres de Pédiatrie pratique

Pédiatrie, des recos tous azimuts

Par Dr Maia Bovard Gouffrant - Publié le 26/02/2021
Pédiatrie, des recos tous azimuts


VOISIN/PHANIE

Les 25es rencontres de Pédiatrie pratique, qui se sont tenues virtuellement fin janvier, ont fait la part belle aux recommandations importantes dans la spécialité. L’occasion de présenter en avant-première les grandes lignes des futures guidelines sur la prévention du rachitisme mais aussi de revenir sur la prise en charge des infections cutanées bactériennes courantes chez l’enfant, ou encore sur la conduite à tenir vis-à-vis d’un sujet contact avec la varicelle.

 

Hausse du rachitisme, bientôt de nouvelles guidelines 

Le rachitisme est en nette recrudescence dans les pays industrialisés, alors qu’il est susceptible de complications graves dont certaines engagent le pronostic vital, comme les convulsions hypocalcémiques ou la cardiopathie dilatée. Son incidence en Europe et en Amérique du Nord est passée de 1/100 000 en 1991 à 3/100 000 en 2011 chez les moins de 15 ans, et a été multipliée par 6 chez le nourrisson.

En France, l’incidence n’est pas connue, mais on constate la réapparition de formes graves chez le nourrisson et selon une étude menée chez 326 enfants de 6 à 10 ans, la principale cause du rachitisme carentiel avec l’hypocalcémie, le déficit sévère en vitamine D, concernerait 3 % d’entre eux, et le déficit modéré 34 %.

Une étude rétrospective menée en France sur 38 enfants ayant consulté pour rachitisme nutritionnel symptomatique entre 1998 et 2020, si elle ne permet pas de mesurer l’incidence de la maladie, étaye l’hypothèse d’une tendance à la hausse, puisque 85 % des enfants ont été diagnostiqués les dix dernières années. Le diagnostic est porté au moment des périodes de croissance les plus rapides, la petite enfance (80 % avant 5 ans) et l’adolescence. Les garçons sont plus touchés que les filles (3/4 des cas) sans qu’on ait d’explication claire. L’analyse des caractéristiques démographiques a permis d’identifier les autres facteurs de risque, liés à la coloration de la peau (85 % originaires d’Afrique ou du Moyen-Orient), à la précarité (25 % bénéficiaient de mesures sociales), ainsi qu’à un allaitement prolongé sans supplémentation en vitamine D, celle-ci étant globalement absente ou insuffisante dans 9 cas sur 10. « Une enquête familiale est indispensable pour dépister la carence en vit D/Ca chez la mère et dans la fratrie », insiste le Dr Thomas Édouard (Pédiatrie - Endocrinologie, CHU de Toulouse). 

Lors du diagnostic, 2/3 des enfants présentaient des déformations osseuses (genu valgum), 20 % des convulsions hypocalcémiques, 10 % des retards de croissance. Au cours du suivi sont apparus des retards de croissance dans la moitié des cas, des retards du développement moteur (41 %), des cardiopathies (14 %). La biologie était classique, avec des phosphatases alcalines à 3 fois la normale, une PTH multipliée par 5, une phosphatémie variable souvent basse ou normale et une hypocalcémie présente seulement dans 60 % des cas. Le traitement par supplémentation en Ca a été administré dans 80 % des cas (30 % sous forme de gluconate de Ca en IV du fait d’une hypocalcémie sévère), la supplémentation par vitamine D dans 70 % des cas (essentiellement par une dose unique). Un tiers des enfants ont reçu pendant une durée moyenne de 60 jours la forme active de vitamine D (Un-alfa), alors qu’elle n’a pas d’indication dans les rachitismes carentiels et du moins pas pour cette durée. La correction du déficit en Ca/vitamine D permet une accélération de la vitesse de croissance, du développement psychomoteur, la correction des anomalies osseuses mais une amélioration plus lente des anomalies cardiaques.

La supplémentation en vitamine D revisitée

Ce regain du rachitisme va amener à de nouvelles recommandations pilotées par le Pr Justine Bacchetta (CRMR Maladies rares du calcium et du phosphate, Lyon) qui vont insister sur la nécessité de supplémenter les enfants de 0 à 2 ans (400 à 800 UI/j) mais aussi tous ceux de 2 à 18 ans en doublant la dose chez les enfants à risque (peau foncée, absence d’exposition au soleil, obésité, carences alimentaires), en privilégiant une dose quotidienne de 800 à 1 600 UI, mais en passant à 50 000 UI toutes les 6 semaines ou 80 à 100 000 UI tous les 3 mois en cas de mauvaise observance, l’objectif étant d’atteindre un taux de 25-OH vitamine D compris entre 20 et 60 ng/ml, idéalement supérieur à 30 ng. 

Érysipèle, un traitement ramené à 7 jours 

Le congrès a aussi été l’occasion de revenir sur les recommandations de la HAS sur les infections cutanées bactériennes, parmi lesquelles celle sur la dermohypodermite bactérienne non nécrosante (DHBNN) (ex-érysipèle) de l’enfant, fréquemment traitée en médecine de ville.

La DHBNN se traduit chez l’enfant par l’apparition brutale d’un placard inflammatoire circonscrit, unilatéral lorsqu’il concerne un membre, touchant plus rarement le visage, précédé ou accompagné de fièvre, de frissons, associée à une adénopathie régionale voire une traînée de lymphangite. « Chez un sujet immunocompétent, la principale porte d’entrée est la varicelle », explique le Pr Romain Basmaci (hôpital Louis-Mourier, Colombes).

Le germe impliqué est essentiellement le streptocoque du groupe A mais aussi le Staphylococcus aureus. Il faut rechercher des signes de gravité, sepsis ou choc toxinique (hypotension, signes digestifs), une douleur intense parfois discordante avec la symptomatologie locale, une impotence fonctionnelle, et localement, des lividités, des taches cyaniques, une crépitation sous-cutanée, une hypo- ou une anesthésie locale, une induration dépassant l’érythème, signes faisant craindre l’évolution vers la nécrose, ou une aggravation des signes locaux dans les 24/48 heures après la première antibiothérapie. Le traitement repose sur l’association amoxicilline/acide clavulanique (80 mg/kg/jour), dont la durée a été ramenée à 7 jours, ou, en cas d’allergie, sur la clindamycine après 6 ans (40 mg/kg/jour) ou le sulfaméthoxazole/triméthoprime (30 mg/kg/jour). Il n’y a aucune indication à prescrire des AINS, ni des corticoïdes, ni une antibiothérapie locale.

Quid en cas de morsure ?

Les DHBNN survenant après morsure sont particulières. Elles sont plurimicrobiennes, avec germes anaérobies en cas de morsure humaine et avec Pasteurella, streptocoque, S. aureus et anaérobies en cas de morsure par un animal. Dans ce cas se pose la question de la prophylaxie antirabique. « La rage ne circulant plus en France, le HCSP a tranché en septembre 2020 : il n’y a pas d’indication à une prophylaxie post-exposition en métropole s’il s’agit d’un mammifère non volant et non suspect d’importation illégale (sauf si la rage était confirmée chez l’animal) », insiste le pédiatre. Le traitement est identique à celui des autres DHBNN. 

Contage varicelleux, une prévention spécifique pour les enfants à risque

La Société française de dermatologie a édité en 2020 un « pas à pas » sur l’approche d’un enfant cas contact avec la varicelle. Comme le rappelle ce document détaillé pendant le congrès, la gravité potentielle de la varicelle justifie une prévention spécifique pour les enfants à risque de forme sévère. L’enfant est considéré comme immunisé s’il a été vacciné, s’il a déjà eu la varicelle ou le zona, ou s’il a moins de 3 mois et qu’il est encore protégé par les anticorps de la mère si elle était immunisée.

S’il n’est pas immunisé se pose la question des immunoglobulines spécifiques, de la vaccination ou d’une surveillance simple. On recherche les facteurs de risque de varicelle sévère : déficit immunitaire, plus de 12 ans non immunisés, nouveau-nés de petit poids, prématurés ou dont la mère développe une varicelle des 5 derniers jours de la grossesse jusqu’à 2 jours après l’accouchement, nourrissons de 1 à 3 mois dont la mère est non immune, et tous ceux de 3 mois à 1 an surtout si la contamination est intra-familiale. 

Des traitements différents selon les profils

Les immunoglobulines spécifiques sont recommandées chez tous les immunodéprimés, quel que soit l’âge, dans les 4 jours après le contage, associées ou non à l’aciclovir ou au valaciclovir. Si le contage date de plus de 4 jours, on peut prescrire les immunoglobulines mais leur efficacité peut être moindre, donc on les associera aux antiviraux.

Chez les enfants de plus de 12 ans, ceux atteints d’eczéma sévère ou en contact avec un immunodéprimé, le vaccin est recommandé dans les 3 à 5 jours après le contage. Au-delà, on a le choix entre la surveillance et les antiviraux.

Chez le nourrisson de moins d’un an à risque, même alternative entre la surveillance et l’aciclovir (le valaciclovir étant contre-indiqué à cet âge). 

Chez les nouveau-nés prématurés ou dont la mère a développé une varicelle périnatale, on associe immunoglobulines et aciclovir en IV.

« C’est un sujet très complexe avec des situations très difficiles et il est indispensable d’identifier les facteurs de risque pour discuter des antiviraux, des immunoglobulines ou de vaccination qui est contre-indiquée chez la femme enceinte, l’immunodéprimée et avant un an) », reconnaît le Pr Romain Basmaci. 

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