« MÊME à Kaboul, les bonnes nouvelles existent », se félicite le Dr Éric Cheysson, successeur du Pr Alain Deloche à la présidence de la Chaîne de l’espoir. Mais elles se méritent : jusqu’au dernier moment, la tenue dans la capitale afghane, à la fin de février, de la première conférence internationale de pédiatrie, sous l’égide de l’IMFE, est restée incertaine, deux attentats sanglants à la roquette ayant frappé la ville quelques jours plus tôt. « Que, dans ce pays meurtri depuis des décennies, poursuit le Dr Cheysson, nous ayons pu réunir, autour de 16 spécialistes internationaux, pédiatres, anesthésistes, chirurgiens français, allemands, américains, pakistanais, plus de 250 confrères accourus des 34 provinces du pays, en présence de plusieurs ministres, cela confine au miracle. Pendant deux jours, les intervenants se sont relayés, sous les objectifs de dizaines de caméras venues de tous les pays de la région, avec abstracts et corrigés, décrivant leurs propres séries, recevant en clôture des posters, témoignant de leurs bonnes pratiques en matière de préventions comme de soins intensifs, en imagerie, chirurgie cardiaque, neurochirurgie et chirurgie orthopédique. »
Pour le président de la Chaîne, cette manifestation était « émouvante à un double titre : d’une part, elle attestait de la réussite du transfert de compétence qui est notre raison d’être depuis le départ. Un transfert exigeant, acquis à travers des procédures de certification (voir encadré), qui permet à des équipes 100 % afghanes de réaliser, sans aide extérieure, des opérations à cœur ouvert, dans les mêmes conditions de sécurité que dans un grand CHU français. Des enfants victimes de conflits, d’armes de guerre, de la pauvreté, de pathologies rares parfois liées à la consanguinité, ont les mêmes chances que des petits européens quand ils sont admis au bloc opératoire. »
Ce congrès, qui est appelé à se réunir chaque année, a d’autre part projeté sur la capitale « une extraordinaire lumière de normalité, montrant des professionnels de santé fiers de leur métier, qui aspirent à la paix et s’inquiètent, comme tous les parents, de l’avenir de leurs enfants. Ce sont des réalités complètement ignorées des médias internationaux, polarisés sur les opérations de guerre et les actes d’attentats. »
66 lits.
Témoin de cette tension entre les logiques de guerre et de paix, la construction de la deuxième aile de l’IMFE, avec un volet de gynécologie-obstétrique qui va doubler l’offre médico-chirurgicale (66 lits dont 14 de soins intensifs, unité avec lits prénataux, six salles d’accouchement, un bloc opératoire, des salles de réanimation postnatale) va pouvoir enfin commencer cet automne, avec une entrée en service programmée dès 2012. C’est l’autre bonne nouvelle de Kaboul. Le lancement du chantier était initialement programmé pour le mois juin de quand survint l’enlèvement des deux journalistes de France 3. Le staff de Bouygues a décidé alors de déclarer forfait, malgré l’implication de l’entreprise. Qu’à cela ne tienne, avec un budget complémentaire de 9 millions, alloués par l’AFD (Agence française de développement), ce seront des opérateurs pakistanais et afghans qui assureront la réalisation de la construction.
Pendant ce temps, l’activité de l’IMFE tourne à haut régime. En 2010, 77 000 consultations ont été effectuées, près de 60 000 actes d’imagerie (radio, IRM, scanners, échographies) et 2 100 interventions chirurgicales. « Chaque jour, les 15 boxes de consultation sont pris d’assaut par quelque 250 personnes, constate le Dr Cheysson. Les quatre blocs et la réa tournent à plein régime. 217 médecins, chirurgiens et paramédicaux se relayent, épaulés chaque année par 150 expatriés. En cinq ans, ce sont 700 "missionnaires" qui ont fait aussi le voyage de Kaboul, pour des séjours de deux ou trois semaines. »
Car l’IFME, qui applique des mesures de sécurité maximales, confinant les équipes à l’intérieur d’un périmètre militarisé, continue à susciter des vocations. « La fascination de l’Afghanistan opère toujours, se félicite le Dr Cheysson, qui en parle d’expérience. Actuellement, nous recherchons des surveillantes de bloc et de réa et avons toujours besoin de cadres de santé. Dès maintenant, en passe d’ouvrir le grand livre de la gynécologie-obstétrique à Kaboul, nous recrutons des sages-femmes, des gynécologues et des spécialistes de néonatalogie, avec des formations dès 2012. »
Une infrastructure aussi pointue que l’IFME est-elle une réponse médicale adaptée à un pays en état de guerre où les soins primaires restent défaillants ? C’est la question récurrente. Pour le président de la Chaîne, la réponse ne fait aucun doute : « Le coût de l’extension obstétrique est inférieur au budget d’entretien d’un drone durant quelques semaines. Et le maintien des soldats de la coalition pendant un mois permettrait à plusieurs centaines d’écoles et à des dizaines d’hôpitaux comme le nôtre de fonctionner. À long terme, je suis certain que le combat pour la normalité en Afghanistan ne sera pas conclu par la force des armes mais par celle de la santé et du savoir. »
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