La prématurité extrême, définie par une naissance avant 28 semaines d’aménorrhée (SA), concerne 0,2 % des naissances, soit environ 1 600 nouveau-nés par an en France. Les progrès de la réanimation néonatale permettent aujourd'hui de prendre en charge des prématurés extrêmes, dans certains pays à partir de 22 SA, mais jusqu'où peut-on aller ? Quelles sont les limites de viabilité ? « L’organisation mondiale de la santé reconnaît comme limites de viabilité un terme de 22 SA et un poids de 500 g. Il ne s’agit pas de limites biologiques, mais des limites fixées pour déclarer les naissances », rappelle le Pr Pierre-Henri Jarreau.
24 SA en France, 22 au Japon
La première limite biologique à la viabilité est la capacité à établir des échanges gazeux, condition indispensable à la mise en place d’une ventilation. Mais l’immaturité de tous les appareils entre en compte, peau, cœur, systèmes digestifs et nerveux… Une autre limite est ce que les équipes et les pays sont prêts à prendre en charge, éthiquement et économiquement, car la totalité de l’hospitalisation d’un extrême prématuré a un coût très élevé. « Ce qui est considéré comme la "zone grise" est en effet variable selon les pays, souligne le Pr Jarreau. Aux Pays-Bas, jusqu’à il y a peu, les nouveau-nés de moins de 25 SA n’étaient pas réanimés, c’était un choix sociétal. En France, jusqu’à maintenant, la limite, qui n’est pas fixée par une règle, mais que l’on observe, est plutôt de 24 SA, alors qu’elle est de 22 au Japon ».
Quels peuvent être les critères de décision ? En pratique, le terme n’est pas un très bon critère car fixé par l’échographie précoce, il n’est précis qu’à 4 ou 5 jours près : 23 SA peut correspondre à 22 SA et 2 jours tout comme à 23 SA et 5 jours, ce qui n’est absolument pas la même chose. Il en est de même pour le poids fœtal, que l’échographie n’estime qu’à 10 %, voire 15 % près. Il faut donc tenir compte d’autres facteurs, comme le poids par rapport au terme, l’existence d’un contexte infectieux, des anomalies du rythme cardiaque fœtal, l’administration ou non de corticoïdes en anténatal, le caractère multiple ou non de la grossesse. Faut-il également se poser la question du sexe ? « Toutes choses égales par ailleurs, les petites filles extrêmes prématurées vont mieux que les petits garçons, rapporte le Pr Jarreau. Une étude nord-américaine de 2008 a montré qu’un poids plus élevé de 100 g, le sexe féminin, les corticoïdes anténataux et une grossesse unique font gagner, en termes de pronostic, l’équivalent d’une semaine de plus de grossesse ». Le calcul du pronostic proposé en ligne par cette équipe intégrait le sexe ce qui est très discutable éthiquement mais contribue à évaluer le pronostic.
Une approche individualisée
Dans ces limites de viabilité, le fait d’engager ou non une réanimation doit donc être fondé sur une approche individualisée qui prend en compte tous ces paramètres, et pas seulement le terme, et l’avis des parents, « absolument déterminant dans ce contexte », insiste le Pr Jarreau.
« Il s’agit d’une décision d’autant plus complexe que des études récentes ont montré que la survie à court terme et la survie sans séquelles sont meilleures dans les équipes qui sont partantes pour une prise en charge active. Et les travaux menés notamment aux États-Unis et en Suède soulignent que ce n’est pas parce qu’on réanime plus aux extrêmes limites de viabilité que l’on crée plus de handicap sévère à long terme ».
Ces données sont à la base de la réflexion actuellement menée en France par un groupe de travail réunissant la Société française de néonatologie, la Société française de médecine périnatale, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français et les associations de parents. « L'objectif : proposer une approche plus fine et individualisée de chaque situation, pour sortir de la logique exclusive du terme et éventuellement prendre en charge des nouveau-nés avant 24 SA », conclut le Pr Jarreau.
D'après un entretien avec le Pr Pierre-Henri Jarreau, hôpital Cochin, AP-HP, Paris
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