DE NOTRE CORRESPONDANT
LA VIE de Michael Jackson est intéressante à plus d’un titre pour illustrer la question du développement et de l’expression du haut potentiel de l’enfant. Car l’analyse des ressorts qui lui ont permis de transformer son ou ses dons (capacité exceptionnelle) en talent (réalisation de ce don à travers plusieurs facteurs) permet de comprendre – par la caricature, presque – ce qui se joue pour les enfants « surdoués ». Chanteur, compositeur, danseur, chorégraphe et formidable créateur original, capable d’exploiter des outils déjà existants (le cinéma pour ses clips, le morphing ou le « moonwalk ») pour les mettre, au terme d’un véritable processus créatif, au service de sa musique… Michael Jackson était bien un « surdoué ».
« Chez Michael Jackson, il y a d’abord l’importance du milieu familial, explique Sylvie Tordjman, pédopsychiatre, responsable du Centre national d’aide aux enfants et adolescents à haut potentiel en difficulté (CNAHP) à Rennes, à l’initiative de cette journée. La motivation pour atteindre une réussite sociale a été un ressort essentiel dans son parcours, notamment par le biais de son père. Et puis, la recherche de la perfection est un autre des éléments caractéristiques de ce passage du don au talent. »
L’étude présentée par Linda Jarvin, professeur de psychologie (Université de Tufts, États-Unis) précise les facteurs explicatifs. Mené auprès d’étudiants et de professeurs de trois conservatoires américains et de décideurs dans le milieu de la musique classique, ce travail montre que certains sont prédominants. Comme le charisme ou la persévérance, tout au long du processus qui s’étale de l’entrée à l’école (l’élève a des aptitudes musicales) à l’apprentissage (l’étudiant acquiert des compétences) et jusqu’à la maîtrise et enfin la reconnaissance en tant que « virtuose ». Normal pour des musiciens de très haut niveau.
Jouer le jeu.
D’autres facteurs pour réussir cette mutation sont plus surprenants. La « promotion », et même l’autopromotion (au niveau de la maîtrise), est mentionnée comme étant un élément décisif pour les professeurs et les décideurs. « La capacité à "jouer le jeu", c’est-à-dire le respect de règles tacites propres au milieu, est importante, souligne Linda Jarvin. Savoir à qui il faut parler ou ne pas parler, quelle fonction dans tel orchestre il vaut mieux refuser pour le déroulement de sa carrière, par exemple, compte dans la démarche. »
Mais « les facteurs identifiés comptent différemment selon l’étape du développement », précise la psychologue. Ainsi, s’interroge-t-elle sur la capacité qu’a eue Michael Jackson, ces dix dernières années, à « jouer le jeu » que lui imposait son environnement. Les histoires scabreuses de ses relations avec des enfants ou ses mariages ont pris le dessus dans les médias et sur son talent. Sans doute est-ce là le résultat du décalage important entre une précocité évidente et un affectif immature, souligné par Maria Pereira da Costa, maître de conférence à l’université Paris-Descartes.
Cette dernière fait sur ce point le parallèle entre Michael Jackson et Mozart. Le premier, que l’on a affublé du surnom de « Bambi », parce qu’il ne voulait pas grandir ; le second, qui posait des questions incessantes sur l’amour que ses proches lui portaient.
« L’histoire de Michael Jackson, génial mais aussi sujet d’une grande souffrance, nous invite à faire de la différence de ces enfants une source de richesse et d’épanouissement, pour eux-mêmes et pour les autres, et non de rejet et d’isolement », estime le Pr Sylvie Tordjman. C’est la mission que s’est fixée le CNAHP. Le fait qu’il ait été rebaptisé tout récemment pour parler de « haut potentiel » et plus de « surdoué » est significatif. « Surdoué renvoie à l’idée d’excès, à un trop, à une capacité surdimensionnée, et aussi à celle du don, une chose que l’on reçoit et donc à une dette, souligne la pédopsychiatre. On peut noter que Michael Jackson a distribué des millions de dons et qu’il disait lui-même qu’ainsi, il rendait ce qu’il avait reçu. » C’est donc une approche plus positive, moins culpabilisante pour les enfants en difficulté accueillis au CNAHP, qui représente environ un tiers de la population « à haut potentiel », que défend ce médecin. Pour que ces enfants réussissent à transformer leur « don » en talent positif, car ils sont généralement très loin de ce processus créatif qui caractérise Michael Jackson.
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