De 12 % à 32 % des toux chroniques

La coqueluche, un diagnostic à ne pas manquer chez l’adulte

Publié le 08/10/2010
Article réservé aux abonnés
1286499440188149_IMG_44941_HR.jpg

1286499440188149_IMG_44941_HR.jpg
Crédit photo : BSIP

Épidémiologie

Dans le monde, on estime qu’il y a 48,5 millions de cas annuels de coqueluche et 295 000 décès par an liés à cette pathologie. En Europe, le réseau de surveillance EUVAC – NET a enregistré une augmentation de l’incidence de la coqueluche de 115 % entre 1998 et 2002 chez les enfants de plus de 14 ans. Cette modification épidémiologique est liée à plusieurs facteurs : perte de l’immunité vaccinale (qui dure environ 10 ans), absence de rappels naturels (maladie insuffisamment fréquente dans la population), ces deux éléments aboutissant à la survenue d’épidémies dans les établissements scolaires ou hospitaliers. La transmission se fait par voie aérienne, essentiellement lors de la phase catarrhale de la maladie et au cours des 2 premières semaines de toux, mais la contagiosité peut persister pendant 6 semaines. La plupart des nourrissons non ou incomplètement vaccinés sont contaminés par l’entourage (fratrie, parents), le personnel soignant ou les professionnels de la petite enfance.

Clinique

Le diagnostic clinique est difficile et souvent peu évoqué. Chez les adolescents et les adultes non immunisés, la maladie évolue en 3 phases, après 7 à 10 jours d’incubation : la phase catarrhale dure 7 à 15 jours et se manifeste par des signes aspécifiques : rhinorrhée, éternuement, fébricule. La phase paroxystique de quintes dure 4 à 6 semaines, avec succession de quintes de toux paroxystiques en expiration, vomissements en fin de quinte, et reprise inspiratoire bruyante. Entre 2 quintes, le sujet est asymptomatique. Cette phase est suivie par une phase de convalescence avec une diminution progressive de la fréquence des quintes, sur 1 à 2 semaines. Chez l’adulte ou l’adolescent déjà immunisé, la présentation clinique est atypique, avec souvent une toux isolée, dont la durée moyenne varie dans les études de 36 à 48 jours. La coqueluche est l’étiologie retrouvée pour 12 à 32 % des patients se présentant pour toux chronique (évoluant depuis plus de 21 jours). La toux coquelucheuse est à recrudescence nocturne, insomniante, et sans fièvre. Les patients consultent tardivement, souvent après 4 semaines d’évolution de la toux, ce qui explique le retard diagnostic et le risque de contamination puisqu’il s’agit de la période la plus contagieuse. Un des éléments important est la notion de contage avec une personne présentant une toux subaiguë ou chronique dans les 1 à 2 semaines précédant les symptômes.

Diagnostic biologique

L’argument de certitude diagnostique est l’isolement de la bactérie dans les sécrétions nasopharyngées prélevées par aspiration. La méthode de référence est la culture mais elle nécessite un milieu spécifique de Bordet-Gengou, prend 7 à 10 jours, et présente une sensibilité de 30 à 60 % (qui décroît après 15 jours d’évolution). La PCR, qui se fait sur une aspiration nasopharyngée, est 2 à 3 fois plus sensible que la culture (de 73 à 100 %) et plus rapide (résultats en 1 à 2 jours). Celle-ci se positive même si la quantité de bactéries est faible et si le patient est déjà sous antibiotiques. La sérologie permet de confirmer le diagnostic en objectivant une séroconversion (sur 2 sérums à 1 mois d’intervalle) ou une augmentation du taux d’anticorps. Le test le plus spécifique est la mise en évidence d’anticorps dirigés contre la toxine pertussique par Western Blot : Une élévation isolée des IgG antitoxine pertussique permet le diagnostic de coqueluche récente avec une sensibilité de 76 % et une spécificité de 99 %. Chez l’adolescent et l’adulte, la sérologie devient la méthode de choix lorsque la maladie évolue depuis plus de 20 jours à condition que la dernière vaccination remonte à plus d’un an (la sérologie est ininterprétable dans l’année qui suit la vaccination, les anticorps naturels ne pouvant être différenciés des anticorps acquis).

Traitement

Le traitement antibiotique initié pendant la phase catarrhale diminue la sévérité et la durée de la toux, mais le diagnostic chez l’adulte et l’adolescent est rarement fait à cette phase précoce. Lorsqu’elle est administrée plus tardivement dans la maladie, l’antibiothérapie modifie peu la symptomatologie, mais son intérêt réside surtout dans la diminution de la contagiosité. Si l’érythromycine (50 mg/kg chez l’enfant et 2 g chez l’adulte pendant 14 jours) était la molécule de référence, une méta analyse récente recommande en première intention l’utilisation de l’azithromycine (500 mg le premier jour puis 250 mg du 2e au 5e jour chez l’adulte) ou la clarithromycine (1 g/j en 2 prises pendant 7 jours). En cas d’allergie aux macrolides, un traitement par cotrimoxazole est recommandé pour une durée de 14 jours. Les mesures d’isolement peuvent être levées après 5 jours d’antibiothérapie. Une antibioprophylaxie post-exposition est recommandée dès que possible et au plus tard dans les 21 jours suivant le contage, elle est réalisée avec les mêmes antibiotiques que pour le traitement.

Prévention

La vaccination contre la coqueluche, recommandée mais non obligatoire, est pratiquée avec un vaccin acellulaire combiné à d’autres valences (diphtérie, tétanos, poliomyélite, hépatite B). En 2010, le calendrier vaccinal propose une primovaccination précoce à 3 doses administrées à 2, 3 et 4 mois, suivie d’un rappel à 16-18 mois, puis un rappel tardif à 11-13 ans. Un rappel par un vaccin tétravalent (diphtérie, tétanos, poliomyélite) faiblement dosé en antigène coqueluche et boosté, est destiné à l’adulte : lors du rappel décennal des 26-28 ans, lorsqu’ils n’ont pas reçu de rappel coqueluche depuis 10 ans, lorsqu’ils ont le projet de devenir parents, ou lors d’une grossesse dans l’entourage familial (après l’accouchement pour la mère si le rappel n’a pas été fait avant le début de la grossesse). La vaccination est recommandée pour le personnel soignant et les professionnels en contact avec les nourrissons. Pour les sujets ayant déjà présenté une coqueluche, la durée de protection naturelle après la maladie est estimée à 12-15 ans.

Épidémies. Les cas groupés de coqueluche survenant dans les collectivités (écoles, internats, crèches) doivent être notifiés au médecin inspecteur de santé publique du département. Des épidémies nosocomiales ont été décrites dans les établissements hospitaliers : En 2004 à Washington, une épidémie a débuté par une coqueluche chez une kinésithérapeute (présentant une toux depuis 22 jours, PCR positive), 3 autres membres du personnel ont été contaminés. Dans l’enquête, 417 employés, 120 patients et 200 visiteurs ont été potentiellement exposés, 550 d’entre eux ont reçu une prophylaxie par azithromycine. Ces épidémies soulignent l’intérêt de la vaccination, en particulier pour le personnel soignant.

Conclusion. La coqueluche est une maladie sévère pour les nourrissons non vaccinés, qui sont contaminés par leur entourage, le personnel soignant ou les professionnels de la petite enfance. Le diagnostic devrait être évoqué devant toute toux de l’adolescent et l’adulte sans cause évidente, persistante ou s’aggravant au-delà d’une semaine, surtout si elle revêt les caractéristiques d’une toux coquelucheuse. La PCR, réalisée sur une aspiration nasopharyngée, est l’outil diagnostic le plus performant ce d’autant qu’elle reste positive sous antibiotique. L’azithromycine et la clarithromycine sont recommandées en première intention pour le traitement et la prophylaxie. La vaccination de rappel par le vaccin tétravalent pour les adultes, les futurs parents, le personnel soignant et les professionnels de la petite enfance est recommandée pour diminuer l’incidence de la maladie.

Références

- Wood N, MC Intyre P. Pertussis : review of epidemiology, diagnosis, management and prévention. Paediatr Respir Rev, 2 008 ; 9 : 201-11.

- Cornia PB, Hersh AL, Lipsky BA, Newman TB, Gonzales R. Does this coughing adolescent or adult patient have pertussis? JAMA. 2 010 Aug 25; 304(8): 890-6.

- Grimprel E. La coqueluche en pratique en 2007. Arch Pediatr 2 007; 14:306-9.

- Calendrier des vaccinations et les recommandations vaccinales 2 010 selon l’avis du Haut Conseil de la Santé Publique. BEH 22 avril 2010.

- Baggett HC, Duchin JS, Shelton W, Zerr DM, Heath J, Ortega-Sanchez IR, Tiwari T. Two nosocomial pertussis outbreaks and their associated costs - King County, Washington, 2 004. Infect Control Hosp Epidemiol. 2 007 May;28(5):537-43.

 Pr KARINE FAURE  Dr ANNE PRÉVOTAT Unité de maladies infectieuses, CHRU Lille

Source : Le Quotidien du Médecin: 8832