PAR LE Dr LIONEL LEROY
La démographie des ophtalmologistes est catastrophique, d’autres professions veulent s’approprier une part de notre activité et le nombre d’actes que nous devons réaliser augmente régulièrement en fonction du vieillissement de la population et de la qualité des soins que nous prodiguons.
NOTRE ACTION syndicale a été déterminante contre l’optométrie et aujourd’hui les pouvoirs publics parlent, comme nous, de la filière des 3 « O » (ophtalmologiste, orthoptiste, opticien). Notre action est également avec nos universitaires et l’Académie d’ophtalmologie pour un plus grand nombre d’internes en formation. Mais notre action est aussi, toujours, de montrer le chemin de notre avenir. Et il s’agit de la délégation de tâches.
Le Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF) a voulu et a développé la notion de délégation de tâches vers des professions paramédicales depuis une dizaine d’années. Des relais auprès des différentes missions Berland, de conseillers ministériels et de nombreux universitaires en ophtalmologie ont permis d’imposer cette idée de délégation et de coopérations interprofessionnelles. Afin de permettre une meilleure fluidité au sein de la filière visuelle pour les patients qui n’auraient besoin que d’un renouvellement de lunettes, la durée des ordonnances de lunettes a été portée à trois ans pour les 16 ans et plus, sauf opposition de l’ophtalmologiste, avec la possibilité pour les opticiens d’adapter la prescription. Parallèlement, toujours pour faire face aux besoins et à l’évolution de ceux-ci, le SNOF a préconisé la création d’un nouveau type d’aides, les techniciens aides-soignants en ophtalmologie (TASO). Ces derniers ne partent pas de rien, puisque plus de 40% des ophtalmologistes confient déjà certaines tâches non administratives à leur personnel non orthoptiste.
Il faut également que les plus jeunes d’entre nous, récemment formés ou encore en formation, internes ou chefs de clinique, prennent conscience du péril qui les menace derrière celui qui menace toute notre profession. Si demain, l’étude de la réfraction était confiée à des professionnels mercantiles, le dépistage de qualité qui l’accompagne, en disparaissant, changerait radicalement les conditions de diagnostic de la plupart des affections oculaires et en même temps leur prise en charge. Si aujourd’hui encore, une majorité d’entre nous a une activité surtout médicale, il est certain que demain, avec une formation médico-chirurgicale pour tous, les ophtalmologistes devront organiser leur activité avec délégation de certaines tâches aux orthoptistes.
L’article 51 de la loi Hôpital, patients, santé et territoires de 2009 précise que « les professionnels de santé peuvent s’engager, à leur initiative, dans une démarche de coopération ayant pour objet d’opérer entre eux des transferts d’activités ou d’actes de soins ou de réorganiser leurs modes d’intervention auprès du patient ». C’est aujourd’hui devenu une obligation pour les ophtalmologistes. Nous avons devant nous la nécessité de faire coïncider la compétence des professionnels avec le contenu exact de leur activité. Et s’il faut impérativement que nous gardions dans nos structures d’exercice la totalité de nos actes, réfraction, dépistage, contactologie, soins médicaux et chirurgicaux, il nous faut impérativement évoluer, tous. On peut estimer aujourd’hui à plus de 800 le nombre d’orthoptistes travaillant dans le cadre de la délégation de tâches, aussi bien en libéral qu’à l’hôpital public.
Nous devons ainsi imaginer notre exercice de demain. Il faut organiser la prise en charge de la DMLA dans des centres dédiés avec les compétences associées des orthoptistes, pour la réfraction et les OCT, et des infirmières, pour les angiographies et les salles d’IVT. Nous pouvons également déléguer sous contrôle une partie (par exemple une fois par an) du suivi des glaucomateux stabilisés avec les vérifications régulières de la pression intraoculaire, du champ visuel, de l’épaisseur des fibres optiques à l’OCT. Il faut mettre en place partout le dépistage de la rétinopathie diabétique par rétinophotographie effectuée par un orthoptiste et interprétée par l’ophtalmologiste. Il faut faire en sorte que l’ophtalmologiste se réapproprie la contactologie en étant plus efficace dans sa consultation avec l’aide des orthoptistes pour adaptation simple, apprentissage de la manipulation et conseils.
Changer les structures.
Et il faut aussi penser à de nouvelles structures vastes avec regroupement de compétences et de moyens. Dans ces nouveaux cabinets, chacun devra travailler au niveau de sa compétence maximale, que ce soit le secrétariat, les TASO de demain, les infirmières, les orthoptistes et nous les ophtalmologistes. Et l’on peut aussi imaginer d’autres professions à nos côtés, comme des professionnels de l’imagerie médicale ou encore des spécialistes de l’information aux patients.
Les pouvoirs publics apprécient que nous, ophtalmologistes, soyons en avance pour les coopérations interprofessionnelles et pensent que nous pouvons servir d’exemple. Ils encouragent nos initiatives et sont décidés, je cite Madame Podeur directrice de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), « à améliorer la formation des orthoptistes, étendre leurs compétences et adapter leur démographie ». Le groupe de travail sur la réforme des études d’orthoptie est déjà mis en place, réforme visant à modifier le contenu de la formation des orthoptistes et à en augmenter le nombre. De plus des expérimentations sur de nouveaux modes de rémunération des paramédicaux associés à notre activité sont envisagées.
Notre objectif est que demain, dans des structures prenant en charge la totalité de la fonction visuelle et sa pathologie, nous puissions exercer, en assumant la responsabilité des soins, avec des professionnels de santé selon le meilleur niveau de compétence de chacun.
Ainsi, les ophtalmologistes auront plus de temps médical et chirurgical pour améliorer les services rendus à la population, mieux répondre aux besoins de santé et réduire les délais d’attente.
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