PAR LES Drs HADIA EL GHARBI-SCHARFMANN* et CATHERINE VIGNAL-CLERMONT**
LA TOXINE botulique est un dipeptide dont principe actif est la chaîne légère. Les neurotoxines les plus utilisées sont de sérotype A. Certaines, comme Botox et Dysport, sont liées à une protéine, d’autres sont à l’état libre, tel Xeomin. Neurobloc, peu utilisée en France, est une toxine de sérotype B. En cosmétologie Vistabel est l’équivalent de Botox 50 unités et Azzalure est l’équivalent de Dysport.
Les principales indications sont :
– les strabismes précoces ;
– les paralysies oculomotrices récentes ;
– les dystonies cranio-faciales : blépharospasme essentiel ou secondaire ;
– les spasmes musculaires essentiels ou secondaires, spasme hémifacial primitif ou secondaire à une paralysie faciale ;
– et les indications cosmétologiques, les rides fronto-glabellaires.
Troubles de l’oculomotricité.
Botox est actuellement le seul produit à avoir l’AMM dans ces indications, après 12 ans. La principale , comme alternative (ou préalable) à la chirurgie classique, est le traitement des ésotropies précoces, ce qui revient à une indication hors AMM. Ce traitement du strabisme précoce par injection de toxine botulique nécessite une autorisation écrite des parents avec information des effets secondaires possibles (fiche d’information SNOF/SFO N°021 b) et doit être encadrée du traitement médical du strabisme. L’injection est réalisée en ambulatoire, sous anesthésie générale au fluothane, après boutonnière conjonctivale et repérage des muscles droits médiaux sans électromyogramme.
Un flacon de Botox 50 unités (Allergan) est dilué dans 1 ml de sérum physiologique 0,9 % injectable. Une injection de 0,1 ml (équivaut à 5 unités Allergan) est faite dans chaque muscle droit médial avec une aiguille 30 Gauge. Les effets sur la déviation apparaissent en 1 à 3 jours avec un effet maximal entre 15 jours et deux mois, souvent définitif dans cette indication. L’exodéviation consécutive à l’injection régresse habituellement en 2 à 5 mois. Les parents doivent être informés des effets secondaires fréquents, le plus souvent transitoires : ptosis et troubles de la verticalité. La surveillance postopératoire est rapprochée en raison de l’éventualité de l’apparition ou de la modification d’une amblyopie. Dans 50 à 89 % des cas, la toxine permet d’obtenir une réduction de l’angle du strabisme, voire une microtropie, parfois après plusieurs injections. La toxine peut aussi être utilisée dans le traitement des angles résiduels (après chirurgie d’ésotropie) et des ésotropies non régressives consécutives à une chirurgie de strabisme divergent.
Dans les paralysies du VI précoces (moins de 6 mois), l’injection de toxine botulique permet de diminuer, voire de supprimer, l’angle d’ésodéviation. Les modalités d’injection sont identiques à celle du strabisme (5 à 7,5 unités dans le droit médial du côté paralysé). L’injection provoque une parésie du muscle et évite sa contracture. Elle peut être répétée. Les meilleures indications sont les paralysies traumatiques sans modification de l’angle au bout de 4 à 6 semaines. L’effet peut être partiel ou total avec parfois nécessité de porter un prisme dans les suites. La toxine améliore le confort fonctionnel et esthétique, restaure la fonction binoculaire et évite le passage à la concomitance. Elle permet d’attendre l’heure de la chirurgie en cas d’effet transitoire. Elle peut être proposé dans les atteintes du VI compressives ou ischémiques bien que ces dernières aient une évolution spontanée favorable dans des délais courts. Dans les atteintes anciennes du VI, les résultats sont souvent décevants, mais la toxine peut être utilisée en complément de la chirurgie, en particulier les transpositions musculaires. Les injections n’ont actuellement pas d’indication dans les paralysies du III en raison de l’atteinte de plusieurs muscles et sont peu utilisées dans les atteintes du IV. Enfin, quelques cas d’injection de toxine dans le muscle droit inférieur de l’œil hypotrope ont été rapportés pour traiter des orbitopathies dysthyroïdiennes.
Les dystonies craniofaciales.
Les muscles injectés sont :
– le muscle frontal, élévateur du sourcil, son antagoniste est le muscle orbiculaire ;
– le muscle orbiculaire, son action est la fermeture volontaire des paupières et il est abaisseur du sourcil, son antagoniste est le muscle releveur de la paupière supérieure ;
– le muscle corrugateur, abaisseur du sourcil, est responsable des rides du lion ; le procerus, de la ride horizontale à la base du nez.
Les plus fréquentes sont les dystonies focales, tel le blépharospasme. L’interrogatoire est capital et doit rechercher des antécédents de dystonies de dysthyroidie, la prise de neuroleptiques au long cours. Il faut également rechercher une maladie de Parkinson ou une dépression chronique. L’examen clinique permet de rechercher une pathologie de surface et de mettre en évidence les différentes formes cliniques : blépharospasme essentiel, apraxie d’ouverture des paupières, syndrome de Meige ou spasme facial médian.
Les doses injectées pour le blépharospasme sont de 20 à 25 UA par œil pour Botox, ou 80 US pour Dysport, réparties dans le muscle orbiculaire en prétarsal et au niveau de la patte d’oie, au niveau du muscle corrugateur et procerus.
Le syndrome de Meige nécessite un traitement multidisciplinaire. Un traitement médical peut être associé (clonazépam).
Hémispasme facial essentiel et secondaire.
Un examen éléctromyographique est utile avant toute injection de toxine botulique.
Dans le spasme hémifacial essentiel la dose injectée varie de 17,5 à 20 UA pour Botox, répartie en prétarsal supérieur et inférieur et au niveau de la patte d’oie. Lorsque des contractions du grand zygomatique sont associées, une injection de 2,5 unités peut être réalisée dans la région malaire. L’hémispasme facial secondaire à une paralysie faciale nécessite des doses beaucoup plus basses (7,5 UA) en raison des risques de créer une nouvelle paralysie faciale.
*Service du Dr Olivier Galatoire, Fondation ophtalmologique Adolphe de Rothschild, Paris, 17 rue Bobillot, Paris et clinique Milan, Paris.
**Unité de neuro-ophtalmologie et oculomotricité, Service du Dr Georges Caputo, Fondation ophtalmologique Adolphe de Rothschild, Paris.
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