PAR JEAN-MICHEL CHARDIGNY*
DANS LES MATIÈRES grasses alimentaires, la plupart des acides gras insaturés (oméga 3, oméga 6, oméga 9) sont sous la forme chimique dite « cis », forme qui conduit à donner aux molécules d’acides gras une forme courbée dans l’espace. Ces acides gras ont un point de fusion plus bas que les acides gras saturés et confèrent aux structures cellulaires ou acellulaires une « fluidité » accrue. On oppose à la forme « cis » la forme « trans », qui au plan chimique, ne conduit pas à une telle courbure, et par conséquent modifie les propriétés physiques, biologiques et métaboliques de ces acides gras.
Ces acides gras trans résultent essentiellement de la transformation d’acides gras polyinsaturés (oméga 6 et oméga 3) par des processus d’hydrogénation partielle, visant à réduire le nombre de doubles liaisons ou insaturations.
D’où viennent-ils ?
Chez les animaux ruminants (bovins, ovins, caprins…), une telle hydrogénation est réalisée au niveau du tube digestif dans le rumen. De ce fait, laits et produits dérivés et à un moindre niveau les viandes, constituent une source alimentaire d’acides gras trans, avec des niveaux d’apports qui ne peuvent dépasser 1 à 2 % de l’apport énergétique total, même chez les forts consommateurs.
Pendant des années, l’hydrogénation partielle utilisant des catalyseurs a également été largement utilisée dans l’industrie agro-alimentaire pour transformer des huiles fluides (liquides à température ambiante) en matières grasses plus concrètes (solides à température ambiante), autant dans l’industrie de la margarinerie que dans l’industrie de seconde transformation afin de préparer différents types de plats cuisinés, biscuits ou autres viennoiseries…
Deux différences majeures entre ces deux sources alimentaires sont à souligner, (i) la composition de ces acides gras trans et (ii) les teneurs maximales possibles dans les aliments, puisque les matières grasses hydrogénées partiellement par voie technologique pouvaient contenir plus de 50 % d’acides gras sous la forme trans contre quelques pour cent pour les matières grasses issues de ruminants.
Acides gras trans et santé.
Depuis 1990, il a été démontré, d’abord par des études d’intervention nutritionnelle puis par des études épidémiologiques, que la consommation d’acides gras trans était associée à une augmentation du risque cardio-vasculaire, avec notamment une augmentation du LDL-cholestérol, et aussi une diminution du HDL-cholestérol. Ces données ont soutenu largement l’hypothèse d’un effet délétère des acides gras trans plus important que celui connu pour les acides gras saturés, qui eux ne diminuent pas le HDL-cholestérol. Considérées ensemble, ces données ont fait qu’il a été estimé que le risque d’accident cardio-vasculaire augmentait d’environ 25 % lorsque l’apport énergétique sous forme d’acides gras trans augmentait de 2 points.
Cependant, toutes les études d’intervention jusqu’en 2008 avaient été menées avec des acides gras trans d’origine technologique, et la plupart des données épidémiologiques ne permettaient pas de clarifier les effets respectifs de l’une ou l’autre source.
En 2008, deux études d’intervention en France et au Canada publiées dans The American Journal of Clinical Nutrition et une étude épidémiologique danoise publiée dans The International Journal of Epidemiology ont bien montré que les acides gras trans issus des ruminants ne pouvaient être mis en cause en termes de risque cardio-vasculaire, même chez les forts consommateurs des aliments vecteurs.
En revanche, et compte tenu des effets avérés des acides gras trans issus de la technologie, l’industrie agro-alimentaire a très fortement diminué, voire éliminé les acides gras trans d’origine technologique dans les aliments, grâce à l’utilisation de procédés alternatifs, non générateurs d’acides gras trans (adaptation des procédés à d’autres matières grasses, changement de matières grasses…). Le travail réalisé par l’Institut Français pour la Nutrition en 2008 a ainsi montré que sur environ 600 produits, 96 % d’entre eux contiennent moins de 1 g/100 g d’acides gras trans.
Consommation actuelle en France.
Ces données ont été récemment reprises par l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments et mise en relation avec les données de consommation issues de l’étude INCA2 (Étude Individuelle des Consommations Alimentaires). Une douzaine de groupes d’aliments représentent environ 90 % des apports en acides gras trans des Français. Parmi les premiers vecteurs, on trouve fromages, beurre et viandes, donc issus de ruminants. Sans distinction de sources, les apports moyens sont d’environ 1 % de l’apport énergétique total, largement en deçà des recommandations françaises (<2% de l’AET) ou internationales.
Reste que la table de composition devra être implémentée notamment avec des catégories d’aliments tels que les « premiers prix », les « discounts », les produits de restauration collective et les produits artisanaux, afin de mieux connaître le niveau de consommation de la population française.
Pour conclure.
Néanmoins et en conclusion, on retiendra :
1- L’absence d’effets délétère des acides gras trans d’origine naturelle dans la consommation courante,
2- L’effort industriel pour diminuer, voire même annuler la présence d’acides gras trans d’origine technologique dans une très large majorité de produits transformés.
* INRA, UMR 1019 Nutrition Humaine, Saint Genès Champanelle?; Clermont Université, UFR Médecine, UMR 1019 Nutrition Humaine, Clermont-Ferrand?; CRNH Auvergne, Clermont-Ferrand.
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