Une équipe de chercheurs français du laboratoire Lille Neuroscience & Cognition (Inserm/Université de Lille/CHU de Lille) associée au centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV, Lausanne) ont publié dans « Science » des résultats préliminaires mais très encourageants sur l'utilisation de l’hormone GnRH pour améliorer les fonctions cognitives d’un petit groupe de patients porteurs de trisomie 21.
Cette étude porte sur sept patients, adultes et masculins, recrutés par l'équipe de la Pr Nelly Pitteloud, chef du service d'endocrinologie, diabétologie et métabolisme du CHUV. Les patients ont reçu un traitement pulsatif de GnRH (1), afin de simuler la sécrétion naturelle, pendant 6 mois. Il n'a pas été observé d'effet indésirable majeur, mais les auteurs ont constaté une amélioration des capacités cognitives, « de l'ordre de 20 à 30 % », revendique la Pr Pitteloud lors d'une conférence de presse.
Pour procéder à leur évaluation, les auteurs se sont appuyés sur le score MoCA. Six des sept patients ont amélioré leurs fonctions visuospatiales et exécutives, leurs capacités d'attention et de mémorisation, ainsi que leurs performances olfactives. Les données d'imagerie ne montraient pas de signe de modification de l'anatomie cérébrale, mais la connectivité fonctionnelle (mesurée par IRM), montrait une amélioration dans la région de l'hippocampe et s'approchait des valeurs contrôles relevées chez des sujets sains.
L'étude, qui visait avant tout à s'assurer de la sécurité du traitement, ne comportait pas d'évaluation de l'impact sur la qualité de vie. Les auteurs ont toutefois fait part de plusieurs observations : « Une des familles nous a dit que leur fils était plus autonome pour arriver jusqu'à l'atelier où il travaille, et ne se trompait plus de bus, explique la Pr Pitteloud. Le psychiatre d'un autre patient nous a contactés pour nous dire qu'il pouvait maintenant fixer des objectifs plus ambitieux lors des séances. Enfin, un des participants, dont les capacités cognitives étaient très proches de la normale avant le traitement, a franchi la barre de la normalité », indique la Pr Pitteloud.
Une nouvelle étude en cours de préparation
Le déclin cognitif est une conséquence fréquente du syndrome de Down. On estime ainsi que 77 % des patients développent des symptômes proches de ceux de la maladie d’Alzheimer ainsi que d'autres troubles neurologiques telle que la perte de l'olfaction.
Dans ce contexte, ces nouveaux résultats représentent un immense espoir pour les patients et leurs familles. La Pr Pitteloud appelle toutefois à la prudence : « Il ne faut pas que nos données incitent des médecins à prescrire de la GnRH hors AMM. D'avantage de résultats sont nécessaires ! », alerte-t-elle.
Une nouvelle étude, sur 60 personnes, va ainsi être lancée. Les auteurs espèrent inclure des femmes cette fois-ci. « C'est compliqué car, compte tenu de la nature même du traitement, les femmes que nous recruterons ne devront pas prendre de pilules contraceptives, prévient la Pr Pitteloud. Donc, si elles sont sexuellement actives, elles devront donc avoir un stérilet. »
Une recherche fondamentale qui venait de Lille
L'idée de recourir à la GnRH vient de précédentes observations faites par l'équipe de Vincent Prévot du laboratoire Lille Neuroscience & Cognition. Les chercheurs ont travaillé sur un modèle de souris transgénique atteinte de trisomie 21. Et avant eux, plusieurs travaux avaient montré que cette hormone endossait d'autres rôles que la régulation des fonctions reproductives via son action dans l'hypothalamus.
Des travaux ont notamment démontré que l'infertilité masculine mais aussi la perte olfactive se caractérisaient par une déficience en GnRH, ce qui suggérait son implication dans les fonctions cérébrales supérieures.
L'article publié dans « Science » décrit les travaux de l'équipe de Vincent Prévot. Selon les chercheurs lillois, cinq brins de micro-ARN régulent la production de la GnRH et sont produits à partir de séquences ADN présentes sur le chromosome 21. Les chercheurs ont prouvé chez la souris que la perte progressive des fonctions cognitives et olfactives était étroitement liée à une sécrétion de GnRH dysfonctionnelle. Cela les a tout naturellement amenés à tenter, avec succès, de traiter ces animaux avec de la GnRH.
Ils ont également testé une thérapie génique, en forçant la surexpression dans l'hypothalamus d'un micro-ARN clé dans le développement de la GnRH : miR-200b.
Cette approche corrigeait le déficit d'activité neuronale et restaurait la cognition et les fonctions olfactives chez les jeunes souris. En réalisant la même opération chez des souris adultes, le nombre de neurones à GnRH était augmenté. Vincent Prévot ne croit toutefois pas à une thérapie génique de la trisomie 21 dans un avenir proche : « C'est beaucoup plus simple et efficace de donner de la GnRH correctement dosée », estime-t-il.
(1) L'administration se faisait par le biais d'un dispositif implantable LutrePulsepump, délivrant 75 ng de GnRH par kg de poids corporel toutes les 2 heures.
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