C'est un vote qui pourrait changer le quotidien de nombreux patients. Un vote qui permet, aussi, d'envisager la fin d'un interminable débat, riche en fantasmes et en discours politiques alambiqués. Le 28 mars dernier, les députés belges ont en effet, discrètement et sans polémique, ouvert la voie à une reconnaissance du cannabis thérapeutique en Belgique.
« Un devoir en tant que médecin »
Le texte, approuvé par l'essentiel des grands partis, prévoit la création d'un « bureau du cannabis ». Rattaché à l'Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMS), il permettra à cette dernière « d'organiser la culture du cannabis en Belgique, sans que le marché soit toutefois déjà libéralisé pour l'usage du cannabis en tant que médicament ou à des fins médicales ». L'autorisation n'est donc pas encore prononcée, mais le dispositif la rendant possible est bien né.
« Il était temps ! », se félicite Dominique Lossignol, médecin au service oncologie et soins palliatifs de l'institut Jules Bordet (Bruxelles), et auteur en 2019 d'une des très rares études belges sur l'usage des cannabinoïdes en traitement de la douleur. « Je ne suis pas un militant pro-cannabis mais je considère que c'est un devoir de rendre accessible à mes patients un produit dont l'efficacité a été démontrée ».
Grand flou réglementaire
Comme lui, la grande majorité des médecins attendent de ce « bureau du cannabis » qu'il s'attelle à une première urgence : dissiper le flou actuel autour des produits dérivés du cannabis. En l'état, la situation est ubuesque. En Belgique, la vente du CBD n'est pas autorisée… mais pas non plus interdite. Résultat, depuis un an fleurissent les boutiques spécialisées qui, à l'instar de la cigarette électronique, surfent sur cette législation approximative et proposent à la vente de l'herbe. Des produits légaux s'ils contiennent moins de 0,2 % de THC, la molécule psychoactive du cannabis. De nombreux clients s'y fournissent d'ailleurs à des fins… thérapeutiques. « Un tiers de mes patients consomment du CBD pour soulager la douleur, confirme le docteur Lossignol. Problème, ils font de l'automédication avec des produits qui ne sont absolument pas contrôlés par les autorités ».
Doter le CBD du statut de médicament permettrait aux praticiens de prescrire des produits sûrs et de maîtriser les posologies. Aujourd'hui, un seul médicament à base de CBD est autorisé en Belgique : le Sativex (CBD + THC), apparu en 2015. Les conditions de prescription sont toutefois très restrictives : il ne peut être prescrit que par un neurologue, et pour une seule indication, la spasticité causée par une sclérose en plaques. Faute de quoi, ce très coûteux médicament (plus de 450 € la boîte) n'est pas remboursé.
Indications multiples
Ce qui n'empêche pas certains médecins de l'employer. « Quand les patients peuvent se l'offrir, je le prescris pour diminuer les tremblements chez les parkinsoniens et pour les situations de fin de vie », explique le docteur Pierre Schepens, psychiatre et médecin chef à la Clinique de la Forêt de Soigne à Bruxelles.
Pour les médecins interrogés, le CDB présente de nombreuses vertus. « Le CBD est intéressant parce qu'il soulage les douleurs non réceptives aux antalgiques classiques, le tout sans grande interaction médicamenteuse et avec très peu d'effets secondaires », décrit le docteur Schepens. De même, les indications de cette molécule très peu coûteuse sont multiples : « douleurs neuropathiques ou polyarthrite ; nausées et vomissements dans les cas de chimio, de sida ou d'hépatite ; spasticité ; syndrome de Gilles de La Tourette ; épilepsie ; glaucome ; anxiété et dépression ; et même en sevrage du cannabis… », énumère Pierre Schepens.
Agenda politique
« Les détracteurs du CBD entretiennent la confusion entre drogues récréatives et usage médical, faisant passer les médecins pour des futurs dealers », regrette de son côté Dominique Lamy, médecin à Mons et membre de l'Académie royale de médecine. « Personnellement, en tant que généraliste, je pense que le CBD serait très utile. Il permettrait d'alléger certaines ordonnances et de lutter contre la crise des opioïdes en Belgique. La consommation de tramadol ne cesse en effet d'augmenter et le CBD serait une alternative intéressante ». Priorité préalable, cependant : « Consolider les connaissances par des études scientifiques, aujourd'hui interdites en Belgique ».
Une dernière inconnue obstrue le chemin du cannabis thérapeutique : les élections législatives fédérales du dimanche 26 mai. La couleur politique et l'agenda du prochain gouvernement belge pourraient en effet faciliter, ou non, la mission du « bureau du cannabis ».
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