L’alpélisib, un anticancéreux déjà expérimenté avec succès dans le syndrome de Cloves, pourrait trouver une nouvelle application dans une pathologie rénale plus fréquente : la glomérulonéphrite proliférative, selon les travaux de l’équipe de recherche Médecine translationnelle et thérapies ciblées de l’Institut Necker Enfants Malades (Université Paris Cité, AP-HP, Inserm), publiés en juin dans Journal of Clinical Investigation.
Dirigée par le professeur Guillaume Canaud, cette équipe travaille depuis des années sur le syndrome de Cloves, ou syndrome de surcroissance dysharmonieuse, dû à une mutation du gène PIK3CA. Ce gène, présent dans toutes les cellules, régule la croissance et la multiplication des cellules normales. Une mutation sur ce gène entraîne un excès de prolifération cellulaire et tissulaire dans l’organisme. En 2016 et 2018, le Pr Canaud avait notamment démontré l'intérêt majeur de l'alpélisib, un inhibiteur de PIK3CA approuvé dans le cancer du sein*, pour les patients atteints du syndrome de Cloves (Congenital Lipomatous Overgrowth Vascular Malformation Epidermal Nævi) ou de troubles apparentés. C'est d’ailleurs sur la base de ces travaux (récompensés par le Prix Line Renaud-Loulou Gasté) que l'Agence américaine du médicament (FDA) a autorisé en avril 2022 l'alpélisib comme premier et unique traitement pour les patients adultes et pédiatriques de deux ans et plus atteints de ce syndrome.
Rôle clé de PIK3CA dans le développement de la glomérulonéphrite
Bien identifiée dans le syndrome de Cloves, la mutation du gène PIK3CA se retrouve aussi dans d’autres pathologies. En 2023, l’équipe du Pr Canaud l’avait mise en évidence dans la myohyperplasie hémifaciale (HFMH). Dans ces nouveaux travaux, elle s’est intéressée à la glomérulonéphrite proliférative, une maladie rénale pouvant conduire à une insuffisance rénale terminale, qui touche notamment certains patients atteints de lupus.
L’histoire de cette découverte débute lorsqu’un patient atteint du syndrome de Cloves, et suivi par le Pr Canaud, également néphrologue, développe une insuffisance rénale sévère secondairement à une glomérulonéphrite proliférative. En cherchant la cause de cette glomérulonéphrite, les chercheurs mettent en évidence dans certaines cellules rénales du patient (les podocytes), la présence de la même mutation du gène PIK3CA que dans le syndrome de Cloves. En parallèle, ils observent une diminution significative de la protéinurie et la stabilisation de la fonction rénale du patient, une fois mis sous alpélisib.
Partant de cette identification, ils créent un modèle pré-clinique de souris porteuses de cette mutation PIK3CA dans les podocytes. Les chercheurs observent alors que les souris développent une glomérulonéphrite proliférative semblable à celle du patient et que celle-ci est améliorée par un traitement par alpélisib.
Ils ont ensuite élargi leurs travaux à d’autres formes de glomérulonéphrites prolifératives comme celles secondaires au lupus et ne portant pas de mutation génétique de PIK3CA. En utilisant des techniques de laboratoire très sophistiquées (spatial transcriptomic, single cell RNA seq, de multiples modèles transgéniques…), les chercheurs ont pu montrer que PIK3CA était excessivement activé dans certaines cellules rénales. Ils ont également remarqué que ce gène jouait un rôle clé dans le développement de la glomérulonéphrite proliférative telle qu’observée au cours du lupus avec atteinte rénale. La délétion génétique de PIK3CA dans certaines cellules rénales ou son inhibition pharmacologique par l’alpélisib permet d’améliorer la fonction rénale et les lésions de glomérulonéphrite proliférative dans ces modèles expérimentaux de glomérulonéphrite.
« Cette découverte des mécanismes communs à différentes formes d’une maladie rénales assez répandues, et l’utilisation potentielle d’inhibiteurs pharmacologiques de PIK3CA ouvrent la voie à de nouvelles perspectives thérapeutiques prometteuses pour les glomérulonéphrites prolifératives, notamment celles secondaires au lupus », écrivent les auteurs en conclusion.
* Localement avancé ou métastatique HER2 négatif, RH + et mutation PIK3CA, traitement de 2e intention
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