La persistance virale est l’une des hypothèses explorées pour la compréhension des cas de Covid longs. C’est ce que fait une étude de l’Institut Pasteur en mettant en évidence des réservoirs viraux de Sars-CoV-2 dans les poumons de macaques six à 18 mois après l’infection. Et cette persistance semble liée à une défaillance de l’immunité innée.
Publiés début novembre dans Nature Immunology, les travaux d’une équipe de l'Institut Pasteur spécialisée dans le VIH ont démarré par l’étude des réponses immunitaires à la suite d’une infection par le Sars-CoV-2. « Beaucoup d’études sur le Covid se sont focalisées sur les anticorps. Celles sur les réponses cellulaires étaient plus rares, rapporte Michaela Müller-Trutwin, responsable de l’unité VIH, inflammation et persistance de l’Institut Pasteur. Or, même pour l’immunité innée, une sorte de mémoire peut se faire et contribuer potentiellement à la protection contre les nouvelles infections. Nous voulions savoir si une infection par le Sars-CoV-2 pouvait induire une mémoire de l’immunité innée cellulaire. »
Pour mener ses recherches, l’équipe a collaboré avec le centre IDMIT (Infectious Diseases Models for Innovative Therapies) du CEA afin de travailler sur des primates non humains infectés et être ainsi en mesure d’observer, plusieurs mois après la phase aiguë, ce qui se passe dans les tissus. « Nous avons été étonnés de voir que les animaux infectés avaient une inflammation augmentée. C’est ce qui nous a mis sur la piste : si l’inflammation perdure si longtemps, c’est peut-être que le virus est toujours là », explique la scientifique.
Un phénomène de réplication déjà observé avec le VIH
Les chercheurs ont analysé les échantillons biologiques des primates. Les animaux se sont révélés négatifs aux tests PCR effectués après des prélèvements dans la gorge ou le nez, et ce, dès les deux à trois premières semaines post-infection et tout au long de l’étude. En revanche, les tests PCR réalisés sur les prélèvements dans les poumons étaient positifs chez la plupart des primates.
Autre découverte, la quantité de virus persistant dans les poumons était plus faible pour la souche Omicron que pour la souche originale du Sars-CoV-2 (Wuhan). Plutôt que la piste d’un effet de l’immunité acquise, les chercheurs privilégient celle d’une conséquence des propriétés du variant. « Dans les premières phases de l’infection, le variant de Wuhan a une charge virale plus élevée qu’Omicron », rappelle Michaela Müller-Trutwin, soulignant que l’avantage d’un modèle animal est de pouvoir tracer les infections et les souches en cause.
La quantité de virus persistant dans les poumons est plus faible pour Omicron que pour la souche originale du Sars-CoV-2
L’équipe a ensuite voulu déterminer dans quelles cellules le virus pouvait persister en s’intéressant aux macrophages. Nicolas Huot, l’un des chercheurs de l'équipe, a observé la présence du virus dans les macrophages alvéolaires sans voir de virus infectieux relargués par les cellules. « En culture, les macrophages changeaient de morphologie et commençaient à se connecter entre eux. Les observations au microscope montraient un échange de virus entre cellules. Le virus se répliquait, avec notamment une augmentation de la protéine virale. Il n’est pas relargué à l’extérieur mais infecte directement une autre cellule par contact », explique Michaela Müller-Trutwin.
Ce phénomène n’est pas inédit et est observé avec le VIH. Ce dernier « peut à la fois être relargué et se répliquer de cellule à cellule. C’est un mécanisme de contournement des cellules immunitaires. Le virus peut échapper plus facilement aux anticorps et persister plus facilement », poursuit la chercheuse.
Des cellules tueuses adaptatives
L’étape suivante a consisté à comprendre le rôle de l’immunité innée dans le contrôle de ces réservoirs viraux et notamment celui des cellules NK (Natural Killer), ces cellules tueuses naturelles connues pour être impliquées dans la régulation des infections virales. Selon l’étude, chez certains animaux, les macrophages infectés deviennent résistants à la destruction par les cellules NK tandis que, chez d’autres, les cellules NK s’adaptent et s’attaquent aux cellules résistantes. On parle alors de cellules tueuses adaptatives.
Les chercheurs ont identifié une cytokine, l’interféron gamma (IFN-γ), capable de contrôler la réplication en l’inhibant. « La production de cet interféron de type 2 par les cellules tueuses naturelles est diminuée chez les animaux infectés par rapport aux non infectés. Le virus induit un mécanisme pour échapper aux réponses immunes », souligne la biologiste. Et d’ajouter : « Les cas qui avaient le moins de persistance virale étaient ceux avec la meilleure réponse en cellules tueuses naturelles ». La moitié des animaux de l’étude ont montré une forme de mémoire, une « adaptation des cellules tueuses parvenant à mieux contrôler la charge virale », poursuit-elle.
La prochaine étape consiste à rechercher des traces de Sars-CoV-2 chez les patients atteints de Covid long, une mission compliquée par l’absence de virus dans les voies respiratoires supérieures et par la difficulté d’observer la réponse en interféron gamma des cellules tueuses naturelles dans des échantillons sanguins.
D’autres études sont à venir. Avec des collaborateurs de l'Inserm, l'AP-HP et l'Institut Pasteur, dont la cohorte Covid Oise, coordonnée par Arnaud Fontanet, des chercheurs vont examiner l’activité des cellules tueuses naturelles dans le sang de sujets suivis depuis 2020, et dont certains ont développé un Covid long, pendant que d'autres vont rechercher des signes de virus persistant en cas de symptômes prolongés de l’infection. Il est aussi prévu d’étudier l’impact de la vaccination sur ces différents phénomènes.
Huot N. et al, Nature Immunology, 2023.
DOI.org/10.1038/s41590-023-01661-4
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