Les données épidémiologiques aujourd’hui disponibles issues pour la plupart d’études menées en Chine, soulignent que les patients ayant des antécédents cardiovasculaires ont un risque accru de présenter une évolution plus sévère de la maladie. « Toutefois, poursuit le Pr Amar, ce message est à nuancer. En effet, si l’étude publiée le 9 mars dans le Lancet (1) a confirmé la fréquence de l’hypertension artérielle (HTA) et du diabète chez les patients infectés présentant des formes sévères de la maladie, la force de cette association diminue après ajustement sur l’âge ».
Les mécanismes qui pourraient être à l’origine de ce surrisque ne sont pas encore bien cernés, cependant trois doivent être évoquées : l’interaction des inibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC) et des sartans avec l’entrée du virus dans les cellules, l’inflammation et les interactions médicamenteuses.
D'une part, le virus interfère avec le système rénine angiotensine (SRA). « L’ACE-2 est en effet la voie d’entrée du virus au niveau des cellules pulmonaires, des cellules myocardiques et peut être aussi des cellules intestinales », indique le Pr Jacques Amar. Ceci pose bien sûr la question de l’interférence entre les médicaments qui bloquent le système rénine angiotensine et l’entrée du virus, avec des effets potentiellement négatifs, par l’augmentation de l’expression des récepteurs ACE2, mais aussi positifs découlant du rôle anti-inflammatoire de ce système. A cet égard, le rôle de l’infection intestinale sur le pronostic, via la perte de l’intégrité de la barrière intestinale, mérite d’être envisagé.
Poursuivre les IEC et ARA2 ?
Face à l’incertitude, les Sociétés savantes se sont positionnées pour le maintien de la prescription des IEC et des antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II (ARA2). Dans sa déclaration du 12 mars 2020, la Société européenne d’hypertension artérielle indique que les patients souffrant d’hypertension doivent appliquer les mêmes précautions que les sujets du même âge et ayant le même profil de comorbidités (2). Chez les patients stables, le traitement par bloqueurs du SRA (IEC et ARA2) doit être poursuivi. Chez les patients infectés, les données disponibles ne permettent pas de préconiser une utilisation différenciée des IEC par rapport aux sartans. Et chez ceux ayant une infection d’évolution sévère, l’utilisation des bloqueurs du SRA et des autres antihypertenseurs est discutée au cas par cas. La Société européenne de cardiologie a elle aussi recommandé de ne pas interrompre les traitements par IEC et sartans dans sa prise de position du 13 mars dernier (3).
L’inflammation allumée par l’infection
L’infection Covid-19, dont les manifestations cliniques sont dominées par les symptômes respiratoires et digestifs, peut aussi entraîner des manifestations cardiovasculaires. Des cas de possibles myocardites ont été rapportés, suggérant un impact direct du virus, mais aussi des cas de thromboses et d’embolie pulmonaire. « La survenue d’une réaction inflammatoire très intense associée ou induite par l’infection virale joue certainement un rôle dans les complications cardiovasculaire de l’épidémie », souligne le Pr Amar, avant de préciser que les D-dimères sont reconnus comme un facteur pronostic indépendant de sévérité de l’infection avec un seuil de 1 μg/mL. A cet égard, l’importance d’un traitement de prévention de la thrombose veineuse chez les patients infectés doit être rappelée.
Antiviraux et troubles cardiaques
Par ailleurs, les traitements utilisés pour tenter de lutter contre l’infection, en particulier les antiviraux, peuvent avoir des interactions avec les molécules à visée cardiovasculaire, à l’origine d’effets secondaires cardiaques : allongement du QT, arythmies, troubles de la conduction, sans compter les interactions pharmacocinétiques.
Les connaissances sont encore très parcellaires, mais la recherche est aujourd’hui bouillonnante. En France, des données devraient être disponibles grâce à la cohorte French COVID-19 (projet REacting), menée sous l’égide de l’INSERM. Il faut également saluer la mobilisation massive des équipes de recherche dans tout le pays pour apporter une réponse à l’épidémie.
(1) https://www.thelancet.com/pb-assets/Lancet/pdfs/S014067362305663.pdf
(2) http://www.sfhta.eu/?p=6670
(3) https://www.escardio.org/Councils/Council-on-Hypertension-(CHT)/News/po…
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