La ministre de la Santé a lancé cette semaine un plan d'envergure visant à rénover la politique vaccinale. Information tous azimuts, lutte contre les pénuries, concertation citoyenne, etc., les autorités de santé sont sur le pont ! Du côté des médecins, les réactions sont contrastées entre satisfaction et interrogations sur la suite. A l'image du Pr Serge Gilberg dans l'entretien qu'il nous a accordé.
Agence nationale de Santé publique, DGS, HAS… Si le « plan d’action vers la rénovation de la politique vaccinale » présenté en début de semaine par la ministre de la Santé n’implique pas de façon directe les professionnels de terrain, il remet en revanche sur le devant de la scène institutions et politiques. Comme si après avoir laissé pendant longtemps les experts scientifiques et les médecins de premier recours monté seuls au front, le gouvernement semblait désormais résolu à accompagner davantage le mouvement. « (En matière de vaccination), il y a des mesures qui relèvent de la responsabilité des pouvoirs publics », a ainsi déclaré Marisol Touraine en détaillant son plan de bataille.
Basé sur les recommandations du rapport de l’ancienne députée Sandrine Hurel, celui-ci ne vise pas directement à augmenter les couvertures vaccinales mais plus à restaurer la confiance des Français dans la vaccination. « La France n’est pas dans une situation critique, a souligné Marisol Touraine, mais des signes préoccupants ne peuvent être négligés : le taux de couverture vaccinale contre la grippe a chuté de 13 points depuis 2008, les professionnels de santé expriment leurs inquiétudes face à la baisse de la vaccination chez les nourrissons et à la résurgence de cas de rougeole. Il faut donc se donner des moyens de répondre avant qu’il ne soit trop tard ».
La DGS au premier plan
Pour cela, la ministre propose une feuille de route d’une vingtaine de mesures déclinées autour de 4 grands axes d’intervention (lire aussi l'entretien avec le Pr Serge Gilberg). L’accent est mis notamment sur le renforcement de l’information du grand public et des professionnels de santé. Dès le début de cette année, Marisol Touraine s’engage à mettre en place, via la future Agence nationale de santé publique, différents outils permettant d’aller dans ce sens.Le gouvernement se fait fort aussi de peser vis-à-vis des laboratoires pour lutter contre les problèmes d'approvisionnement. Enfin, la DGS passe au premier plan et devient le chef d’orchestre officiel de la coordination de la politique vaccinale. Tandis que le comité technique des vaccinations rattaché jusque-là au HCSP passe sous le giron de la HAS « pour unifier les instances d’expertise et renforcer son indépendance. »
« Que les autorités de santé reprennent la main sur la vaccination, cela va plutôt dans le bon sens, estime le Pr Daniel Floret, président du Comité technique des vaccinations, car, clairement, la politique vaccinale est de responsabilité politique. Jusqu’à présent les experts ont été en première ligne sur tous les fronts, or ce n’est pas leur tâche d’aller polémiquer. Je pense qu’on aurait probablement évité ou limité pas mal de polémiques si le ministère s’était impliqué plus tôt. »
Les généralistes mieux accompagnés…
Même son de cloche du côté des praticiens de terrain. « C’est une bonne chose que le gouvernement et le ministère de la Santé s’intéressent à la vaccination car cela nous pose quand même beaucoup de questions au quotidien », juge de son côté le Dr Pauline Jeanmougin. Cette jeune généraliste parisienne salue notamment l’effort d’information promis par la ministre. « Tout seul dans nos cabinets, sans apport institutionnel, cela peut être difficile d’argumenter envers nos patients. Si l’information des patients sur les effets secondaires est améliorée et si l’on a une meilleure accessibilité aux effets indésirables c’est donc une bonne chose », poursuit-elle, tout en regrettant qu’aucune campagne de communication de grande envergure ne soit pour le moment annoncée. Dans une étude de la Drees, près de 80 % des généralistes interrogés étaient d’ailleurs demandeurs d’outils de communication et d’information visant leurs patients.
… Mais peu impliqués directement
Autre bémol : si la ministre a réaffirmé haut et fort le rôle crucial des généralistes – qui assurent plus de 80 % des vaccinations – aucune des mesures présentées pour le moment ne s’appuie directement sur la profession. « Les professionnels de santé du premier recours, et notamment les médecins traitants, doivent évidemment être pleinement impliqués », a pourtant insisté Marisol Touraine. Mais, pour le moment, « on ne sent pas (dans ce plan) la présence forte du généraliste comme pivot de la vaccination », résume le Dr Jeanmougin qui suggère, par exemple, de « valoriser l’acte de vaccination ».De même, le rôle de professionnels paramédicaux comme les pharmaciens ou encore celui de la médecine scolaire sont pour le moment passés sous silence alors que la question avait été soulevée à plusieurs reprises.
Obligation vaccinale: le ni oui ni non de la ministre
La question de la levée ou non de l’obligation vaccinale n’est pas non plus tranchée mais soumise à la concertation citoyenne. « Je crois qu’il y a aujourd’hui un consensus assez large pour dire que la cohabitation obligation/recommandation est source de confusion, mais si j’annonçais aujourd’hui ex cathedra que je supprime l’obligation dans le contexte français de doute et d’inquiétude, ce serait interprété comme la possibilité de ne pas vacciner et je suis certaine que dans les mois qui viennent le taux de couverture vaccinale diminuerait significativement », explique Marisol Touraine pour justifier sa position.Effet d'annonce ?
Certains craignent enfin « l’effet d’annonce » et que de nombreuses mesures restent en fait lettre morte. « Si vraiment tout ce qui est dit est mis en place, c’est bien », conclut le Pr Floret. Côté syndicats, la CSMF se montre beaucoup plus dubitative : « un grand débat national et citoyen ne rétablira pas la confiance des Français en la vaccination, une fois de plus les pouvoirs publics, ne prennent pas leurs responsabilités face à un enjeu majeur de santé publique,» déplore le syndicat de Jean-Paul Ortiz. Et de souligner la valse hésitation du ministère de la Santé dans cette affaire : « le rôle des pouvoirs publics n’est pas d’hésiter mais de trancher et d’avoir une position claire sur la politique vaccinale », assène la Conf'.