Une traduction clinique très variable

Myocardites des sujets jeunes : un tableau souvent trompeur

Publié le 15/10/2010
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Physiopathologie

Les facteurs qui peuvent provoquer une inflammation du myocarde sont nombreux. Les principaux sont infectieux, en particuliers viraux (Coxsackie B, adénovirus, hépatite C, cytomégalovirus, échovirus, influenzae…), mais aussi bactériens ou parasitaires, agents physiques et maladie inflammatoire chronique.

Trois phases successives

La maladie évolue en 3 phases successives, qui se chevauchent plus ou moins et qui sont en pratique difficiles à reconnaître.

La première phase est contemporaine de l’infection virale qui détruit directement les myocytes ; son expression clinique est rarement très spectaculaire, elle est le plus souvent silencieuse et passe inaperçue. À ce stade, s’il est reconnu, les traitements antiviraux et la stimulation immunitaire sont probablement efficaces.

La deuxième phase est marquée par une réaction auto-immune qui détruit progressivement le myocarde et aboutit à une lente dilatation du ventricule gauche. Une élimination des anticorps pourrait améliorer la fonction VG à ce stade.

Lors de la troisième phase, la cardiomyopathie dilatée continue de se développer indépendamment de toute réaction immunitaire. Ce remodelage peut être accéléré par la persistance de la présence du virus.

Tableaux cliniques

Ils peuvent associer des signes d’infection virale et des signes de cardiomyopathie dilatée pouvant toucher ou non toutes les cavités avec ou sans signes cliniques d’insuffisance cardiaque.

La clinique peut se résumer à un tableau de péricardite - frottement péricardique, sus-décalage plus ou moins diffus du segment ST et sous-décalage de PQ à l’ECG, épanchement péricardique à l’échocardiographie.

L’atteinte myocardique peut se traduire par des signes de dysfonction systolique (signes congestifs, galop, dilatation à l’échographie), des troubles du rythme ou une embolie périphérique. Certaines formes peuvent simuler un infarctus du myocarde (douleur thoracique, sus-décalage de ST, élévation enzymatique) d’autant plus étonnant qu’il survient chez un sujet jeune ; la coronarographie, si elle est pratiquée, révèle des coronaires normales.

Rarement la myocardite peut être fulminante et entraîner un choc cardiogénique dans les jours suivant une infection virale. Le ventricule n’a pas le temps de se dilater. L’évolution est rapidement fatale (dans 10 % des cas) ou se fait vers une guérison, alors souvent complète.

Habituellement, l’évolution est subaiguë : l’infection initiale n’est pas évidente, l’atteinte de la fonction systolique moins sévère et le diagnostic plus tardif montre un remodelage du VG. La récupération est alors volontiers incomplète et l’évolution peut se faire vers une aggravation progressive avec une survie de 70 % à 5 ans.

Enfin, la myocardite peut passer à la chronicité donnant une cardiomyopathie plus ou moins stable dans le temps.

Diagnostic difficile

L’affirmation du diagnostic est difficile.

La myocardite doit être soupçonnée devant une décompensation cardiaque aiguë brutale survenant chez un sujet jeune après un épisode fébrile avec myalgies, mais aussi devant les divers tableaux cliniques précédemment décrits.

La RMN peut apporter des arguments supplémentaires en montrant, après injection de gadolinium, un rehaussement tardif de localisation non focale (comme observé après infarctus du myocarde) et qui diminue avec l’amélioration de la fonction ventriculaire gauche.

Seule, la biopsie myocardique permettrait de faire de façon formelle le diagnostic en retrouvant une inflammation, à condition de réaliser plusieurs prélèvements ; mais elle n’est pas dénuée de danger et ne débouche que rarement sur une sanction thérapeutique.

Traitement

Le traitement de la dysfonction systolique est habituel et relève des IEC, des bêtabloquants, des diurétiques ou de la spironolactone. Les formes fulminantes nécessitent des inotropes positifs voire une assistance mécanique par cœur artificiel temporaire plus que par contre-pulsion par ballon intra-aortique (peu efficace en raison de la souplesse de l’aorte chez les sujets jeunes).

Les traitements spécifiques ne sont pas établis, en raison entre autres de la difficulté à reconnaître la phase exacte de la maladie, infection virale ou réaction auto-immune. Dans la phase 1, les thérapeutiques antivirales n’ont pas encore fait la preuve formelle de leur efficacité : ganciclovir dans les myocardites à CMV, interféron… Dans la phase 2, les limitations de la réaction immunitaire par plasmaphérèses, cyclosporine, azathioprine ou par immunoglobulines intraveineuses sont en cours de validation.

Référence bibliographique

G Jondeau. Cardiologie et maladies vasculaires. Société française de cardiologie. Ed Masson, pp 798-804.

 Dr JEAN-CLAUDE KAHN, Paris

Source : Le Quotidien du Médecin: 8837