Deux ans après son inclusion dans la liste des maladies à déclaration obligatoire, l'encéphalite à tiques est déjà solidement implantée dans le territoire français, selon le premier bilan communiqué par Santé publique France (SPF).
Les données présentées montrent que les cas autochtones sont désormais plus nombreux que les cas importés et confirment l'extension de cette pathologie auparavant cantonnée aux pays d'Europe centrale et de l'Est (Autriche, sud de l'Allemagne, pays Baltes, République tchèque…).
La majorité des pays de l’UE surveillent l’encéphalite à tiques, depuis la parution d'une directive européenne. « En Allemagne, des régions qui n'étaient pas à risque il y a quelques années le sont devenues, le virus est maintenant présent en Suède et en Suisse, où son incidence augmente rapidement », détaille Alexandra Mailles, de la direction des maladies infectieuses de SPF. L'épidémiologiste pointe du doigt le réchauffement climatique qui a tendance à « étaler dans l'espace et le temps des conditions météorologiques favorables à son vecteur, la tique Ixodes ». En 2020, le centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) avait répertorié 3 817 cas sur le continent.
La Haute Savoie, premier département touché
En France, la Haute-Savoie est désormais le département le plus touché par l'encéphalite à tiques, avec 14 cas, suivi du Haut-Rhin (11 cas) et du Bas-Rhin (10). « Des cas se concentrent autour de certains lieux particuliers comme le massif du Forez », précise Alexandra Mailles.
Le virus colonise de nouveaux territoires, puisque 17 infections ont été notifiées dans des départements où aucun cas n'avait été enregistré au cours des années passées, lorsque c'était le centre national de référence des arbovirus qui assurait la surveillance de la maladie. La région Auvergne-Rhône-Alpes est dorénavant une zone importante de circulation du virus, qui a atteint le sud de l'Ardèche.
En tout, 71 cas, dont 86 % de cas autochtones, ont été notifiés sur le territoire métropolitain entre mai 2021 et mai 2023, dont 30 en 2021, 36 en 2022 et 5 en 2023. La moitié des cas sont survenus pendant l'été. Les patients étaient âgés de 7 à 80 ans (en médiane de 48 ans), quatre (6 %) étaient des enfants de moins de 16 ans et 15 (21 %) étaient âgés de plus de 65 ans.
Une maladie biphasique
Il existe trois types de virus : européen (TBEV-Eu), asiatique (TBEV-FE) et sibérien (TBEV-Sib). Le sous-type européen, le seul présent en France (les tiques spécifiques des deux autres n'ont pas été observées à ce jour sur le territoire), est responsable de maladies moins sévères que les deux autres.
L'encéphalite à tiques a la particularité d'être une maladie biphasique : 70 % des patients ne connaissent que la première phase asymptomatique et 30 % atteignent la seconde, c’est-à-dire une affection grave du système nerveux central (myélite, méningite ou encéphalite). « C'est une maladie pour laquelle la mortalité est très faible, mais les séquelles importantes, ajoute Alexandra Mailles. On peut ainsi craindre des déficits et des paralysies qui mettent longtemps à se résoudre. » S'il n’existe pas de médicament spécifique, les patients peuvent bénéficier d'un traitement symptomatique en fonction du tableau clinique. « Certains patients doivent être admis en réanimation où ils sont traités pour des convulsions ou une dépression respiratoire d’origine centrale », illustre Alexandra Mailles.
En ce qui concerne les cas signalés à SPF, 37 % d'entre eux présentaient une méningite, 38 % ont développé une encéphalite, 13 % une méningo-encéphalite et 3 % une encéphalomyélite. Seulement sept cas (10 %) n’ont présenté aucun signe neurologique. En tout, 94 % des patients ont été hospitalisés.
L'âge, premier facteur de sévérité
L'âge est un facteur majeur de risque d'évolution vers une encéphalopathie sévère. « Toutes les comorbidités responsables d'une baisse de l’immunité sont aussi impliquées, et il existe aussi une sensibilité individuelle qui repose sur les aspects génétiques », indique Alexandra Mailles.
Le mode de transmission, dans plus de la moitié des cas, était une piqûre par une tique Ixodes. Ensuite vient la consommation de lait cru ou de produits laitiers au lait cru, qui compte pour un quart des cas environ (cinq élevages de petits ruminants identifiés contaminants). Le virus de l'encéphalite à tiques peut être excrété dans le lait des ruminants infectés, et en particulier celui des chèvres, qui restent asymptomatiques (c'est d'ailleurs la raison pour laquelle il n'est pas recherché en médecine vétérinaire).
Deux vaccins inactivés sont actuellement sur le marché : un produit par GSK et un autre par Pfizer, qui existent en formulation adulte et pédiatrique. Ils ne sont actuellement recommandés que pour les personnes se rendant dans des pays de forte endémie pour y pratiquer des loisirs de plein air. Au cours des deux années de surveillance par SPF, un seul cas rapporté était vacciné : un patient vivant en zone rurale en France, exposé aux tiques durant ses loisirs et traité par des immunosuppresseurs pour une polyarthrite. Il avait présenté une encéphalite et est sorti d’hospitalisation avec des séquelles.
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