Mis à jour le 12 février à 23:30 à la suite de l'interview du Pr Olivier Hermine
Selon les derniers résultats de l'étude Recovery diffusés sur le site de prépublication MedRxiv, le tocilizumab réduit la mortalité de 14 % chez les patients hospitalisés pour Covid-19.
Les auteurs ont calculé qu'il faudrait traiter 25 patients par cet anticorps monoclonal anti-IL6 pour éviter un décès. L'étude a également montré que le tocilizumab raccourcit le délai de sortie d'hospitalisation et réduit le besoin de respiration artificielle.
« Les essais précédents sur le tocilizumab avaient donné des résultats mitigés », rappelle dans un communiqué Peter Horby de l'Université d'Oxford, responsable de l'essai Recovery. À noter que l'étude Recovery a inclus plus de 4 000 patients (dont 2 022 dans le groupe tocilizumab) et que la grande majorité des participants (82 %) (n = 3 385) recevaient des corticostéroïdes systémiques.
Une question jusqu'ici débattue
Les différents essais jusqu'à présent, de plus petite taille, n'ont pas donné de résultats très concordants pour l'anticorps monoclonal. L’essai français multicentrique Corimuno-Toci-1 mené chez 130 patients avait ainsi montré que le tocilizumab diminuait d'un tiers le risque de passage en réanimation et de décès et de moitié le risque d'intubation. Mais l'étude, qui n'avait pas la puissance nécessaire, n'avait pas montré de différence significative sur la mortalité seule. La combinaison du tocilizumab à la dexaméthasone est testée dans un autre protocole de Corimuno.
Deux autres essais américains, le RCT-TCZ-COVID-19 menés sur 123 patients et le BACC Bay Tocilizumab Trial, sur 242 patients âgés, n'étaient eux pas parvenu a démontré un effet significatif sur le risque d'intubation, de décès ou d'aggravation clinique. Il est à noter que les patients de ces deux études étaient globalement moins graves que ceux de l'étude Corimuno.
Mortalité, durée d'hospitalisation, intubation
Recovery est un essai multicentrique britannique mené sur 40 000 patients, dont 2 022 traités par tocilizumab. De nombreuses autres pistes thérapeutiques ont été expérimentées via ce programme de recherche, allant du plasma de convalescent à la colchicine, en passant par l'aspirine, l'hydroxychloroquine et les corticostéroïdes.
Dans cet essai, les patients du groupe tocilizumab (n = 2 022) ont été comparés à un groupe ayant une prise en charge standard (n = 2 094). Dans l'ensemble des deux groupes, 14 % des patients ont reçu une ventilation mécanique et 41 % étaient sous oxygénation non invasive.
Un décès dans les 28 jours est survenu chez 29 % des patients du groupe tocilizumab contre 33 % des patients du groupe comparateur. Une sortie d'hospitalisation en moins de 28 jours était également plus fréquente chez les patients traités par tocilizumab (54 % contre 47 %). Ces écarts étaient homogènes dans tous les sous-groupes de patients, chez ceux nécessitant de l'oxygène via un simple masque facial et chez ceux nécessitant des ventilateurs mécaniques en réanimation. Le risque de recours à une ventilation mécanique invasive était par ailleurs plus faible dans le groupe tocilizumab.
Une stratégie thérapeutique qui se précise
Contacté par le « Quotidien du Médecin », le principal investigateur de Corimuno-Toci-1, le Pr Olivier Hermine (département d'hématologie clinique de l'hôpital Necker Enfants Malades, AP-HP) se réjouit de ces résultats anglais : « et encore, cette étude n'a pas encore donné tout son potentiel, estime-t-il. Les auteurs ont regardé la mortalité à 28 jours alors que les patients en réanimation meurent généralement plus tard, et il n’est pas exclu que cette différence soit encore plus grande à J90 », explique-t-il.
Les bénéfices du tocilizumab s'ajoutent à ceux rapportés précédemment à la dexaméthasone, qui fait désormais partie du traitement standard des patients oxygénorequérants. Le Pr Hermine estime que l'association dexaméthasone/tocilizumab devrait rapidement devenir le traitement standard, et ce pour trois raisons : « en premier lieu, l'étude Recovery, comme les précédentes, montre que l'association tocilizumab et dexaméthasone n'augmente pas le risque infectieux comme on aurait pu le craindre. Elle est associée à une baisse du risque de mortalité et enfin elle diminue le besoin en ventilation invasive et réanimation. »
L'arrivée de cette stratégie thérapeutique intervient dans un paysage marqué par l'amélioration globale de la prise en charge des malades. « Au début de l'épidémie on disait qu'il fallait intuber rapidement car les patients se dégradaient très vite, mais on est sorti de ce dogme, ce qui évite les hospitalisations prolongées et les complications de la ventilation mécanique, souligne le Pr Hermine. De plus, on sait maintenant que ces patients sont sujets aux thromboses et la plupart d'entre eux sont désormais traités par anticoagulants. On ne sait toutefois pas encore quelle est la dose idéale entre prophylactique, curative et intermédiaire. Ce qui est sûr, c'est que les malades de 40 ou 50 ans ayant peu de comorbidités qui mouraient avant l'été vont maintenant moins en réanimation et y restent moins longtemps. »
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