SELON le coordonnateur spécial pour Haïti au sein de l’administration américaine, Thomas Adams, la souche de choléra à l’origine de l’épidémie qui touche Haïti « semble plus virulente que la normale ». Le spécialiste estime que cette souche pourrait persister à l’état endémique pendant des années. L’émergence du vibrion cholérique dans ce pays, exempt depuis au moins cinquante ans, voire un siècle, pourrait expliquer en partie la rapidité de la diffusion observée à l’heure actuelle. Les dix départements de l’île sont désormais touchés. L’étude de la corrélation entre le taux de mortalité infantile et la vitesse de propagation de la maladie, considérée comme un indicateur de la force de l’épidémie, suggère que « la transmission va se poursuivre pendant un certain nombre d’années », a indiqué Manoj Menon, chargé de la liaison entre le Centre de contrôle des maladies (CDC) d’Atlanta et USAID, l’agence américaine de l’aide publique au développement.
200 000 malades.
L’Organisation panaméricaine de la santé (OPS) a quand à elle annoncé des prévisions plutôt pessimistes. Selon l’OPS, le choléra en Haïti pourrait affecter 200 000 personnes et en tuer 100 000 au cours des six à douze prochains mois si, explique le Dr Ciro Ugarte, « le taux de mortalité actuel de 4 à 5 % était maintenu ». Il s’agit là du « scénario le plus sombre » et qui ne tient pas compte d’une amélioration possible de la situation sanitaire. Mais, pour l’expert de l’OPS, les estimations selon lesquelles l’épidémie aurait déjà fait près de 20 000 victimes, dont plus de 10 000 morts, avec chaque jour de 600 à 800 nouveaux cas, sont sans doute en dessous de la réalité. « Le problème que nous avons avec Haïti vient de la très faible couverture des services sanitaires et d’un taux de surveillance épidémiologique encore plus bas, ce qui fait que tous les cas d’infection de choléra ne sont pas signalés », a-t-il expliqué. Cet « énorme fossé épidémiologique », a-t-il déploré, « conduira à réviser ces projections ».
Le choléra pourrait se propager dans toute l’île d’Hispaniola, y compris à Saint-Domingue. Un cas y a déjà été recensé mais il s’agissait d’un Haïtien revenant d’un séjour à Port-au-prince. Les autorités dominicaines ont renforcé les contrôles à la frontière et ont relevé le niveau d’alerte épidémique. Un cas a aussi été signalé en Floride (États-Unis) chez une femme de retour d’Haïti où elle était venue rendre visite à sa famille. La situation sanitaire dans ces régions, en particulier à Saint-Domingue, n’a cependant rien à voir avec celle d’Haïti.
La psychose.
Dans le pays, la psychose gagne. Les heurts avec les soldats de l’ONU (Minustah) se sont multipliés dans le Nord du pays et à Port-au-Prince, la capitale, les manifestants reprochant en créole : « Le choléra, c’est la Minustah qui nous a donné ça ». Malgré le démenti de l’armée népalaise, qui a affirmé que des tests réalisés sur ses soldats les mettent hors de cause, la rumeur se répand selon laquelle des fosses septiques d’une base de l’ONU où beaucoup de Népalais sont basés seraient à l’origine de l’épidémie. Les analyses effectuées par le CDC ont montré que la souche était de sérogroupe 01, sérotype Ogawa. Compte tenu des échanges internationaux, il est impossible de retracer son origine.
La riposte, elle, tente de s’organiser. Les organisations françaises ont mis en place des unités de traitement du choléra. La Croix-Rouge française va prendre en charge l’ensemble des 30 centres de soins de Port-au-Prince, pour y installer des UTC (unités de traitement du choléra), pour apporter les premiers soins et ’orienter les cas les plus sévères vers les centres de traitement. Médecins sans frontières, qui dispose de 21 centres de traitements, avec une capacité d’hospitalisation de plus de 1 000 lits, s’inquiète de la lenteur des secours. L’association appelle à la mobilisation d’un plus grand nombre d’acteurs pour traiter les malades et mettre en place les mesures nécessaires : distribuer de l’eau potable et chlorée et du savon, installer des latrines, assurer la gestion des déchets et leur enlèvement des structures de soins pour éviter la contamination, établir des sites d’élimination des déchets à proximité des zones urbaines, organiser l’enlèvement et l’inhumation des corps des personnes décédées. Il convient aussi de « rassurer la population effrayée par cette maladie totalement inconnue dans le pays, en l’informant des bénéfices de la présence de centres de traitement du choléra à proximité des communautés », relève l’association.
L’ONU a lancé un appel de fonds d’urgence de 163,8 millions de dollars pour « éviter d’être dépassée par l’épidémie ». La Commission européenne exhorte les États de l’UE à apporter leurs contributions, surtout matérielles. Kristalina Georgieva, chargée de l’aide d’urgence, a rappelé que la commission avait déjà dégagé 12 millions d’euros mais a souligné que, compte tenu de la détérioration rapide de la situation, les autorités sanitaires avaient surtout un besoin urgent notamment de tablettes pour purifier l’eau. Selon elle, « nous sommes dans une phase très critique qui va sans doute encore se détériorer ».
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