À l'occasion de la semaine européenne de prévention et de dépistage du cancer du col de l'utérus du 22 au 28 janvier 2017, l'Institut national du cancer (INCa), en partenariat avec le ministère des Affaires sociales et de la Santé et les caisses d'assurance maladie, ont mis l'accent sur le dépistage.
Chaque année, la France compte 3 000 cas de cancer du col de l'utérus (CCU) et près de 1 100 décès par an, des chiffres de milieu de peloton en Europe - moins bons que les autres pays développés - et liés aux trois-quarts à un dépistage insuffisant. Sur les 17 millions de femmes âgées de 25 à 65 ans concernées, 40 % ne réalisent pas le frottis ou pas assez fréquemment.
La campagne d'information lancée par l'INCa s'inscrit dans la perspective de la généralisation du dépistage organisé (DO), prévue en 2018, après les résultats encourageants de l'expérimentation menée pendant 3 ans dans 13 départements pilotes (voir encadré). Le cahier des charges national du programme du DO devrait être publié fin 2017 pour une généralisation effective l'année suivante.
Stratégie d'invitation-relance
Comme le rappellent le Dr François Bourdillon, directeur général de Santé publique France et le Pr Norbert Ifrah, président de l'INCa, dans l'éditorial du « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » (« BEH ») consacré à la généralisation du DO, le cancer du col de l'utérus, « reste meurtrier et pourtant il est "évitable" ». La maladie pourrait presque être éliminée grâce à la vaccination HPV des jeunes filles âgées de 11 à 14 ans et grâce au frottis chez les femmes de 25 à 65 ans. Le frottis permettrait d'évier 9 cas sur 10.
L'expérimentation menée dans 13 départements français s'est révélée concluante. La mise en place du DO a comme objectif « la réduction de 30 % à 10 ans de l'incidence et du nombre de décès par CCU, tout en luttant contre les inégalités d'accès et de recours au dépistage ».
Dans une étude médico-économique du « BEH » réalisée à partir d'une modélisation, la stratégie d'invitation-relance des femmes non spontanément participantes révèle qu'elle « permet de réduire l'incidence du CCU de 13 à 26 % selon les scénarios et se traduit par des gains d'espérance de vie », met en avant le « BEH ».
Toutes les stratégies de DO testées - quel que soit le test (frottis, test HPV, double marquage p16/Ki67) et quel que soit l'intervalle (3, 5 et 10 ans) - ont permis de diminuer l'incidence et la mortalité. L'étude conclut à « l'intérêt de déployer en France un programme de dépistage organisé (incluant l'invitation et la relance des femmes ne participant pas spontanément au dépistage), par FCU triennal puis, à terme, par test HPV tous les 5 ans », conformément au Plan cancer 2014-2019.
Test HPV à terme
Le repositionnement du test HPV en dépistage primaire après l'âge de 30 ans, - la cytologie restant l'examen de première intention avant 30 ans -, est programmé à terme, conformément aux recommandations européennes. Le test HPV présente plusieurs avantages, dont celui d'être un test plus performant que le frottis cervico-utérin (FCU), avec une sensibilité proche de 95 % versus 70-80 % pour le FCU et de pouvoir espacer le dépistage de 3 à 5 ans.
« Le nombre de faux négatifs reste non négligeable avec le frottis », a expliqué le Dr Jean-Luc Mergui, président de la Société française de colposcopie et de pathologie cervico-vaginale (SFCPCV) lors du 40e symposium de la société savante. La moindre sensibilité du FCU, la deuxième raison à l'incidence après l'insuffisance de dépistage selon la SFCPCV, est liée à un mauvais prélèvement et à une erreur de lecture des lames cytologiques au microscope.
Comme l'a expliqué le Dr Christine Bergeron de la SFCPCV, le cadre contrôlé du DO permet l'adoption de nouvelles stratégies de dépistage, en l'absence duquel il est risqué d'espacer à 5 ans. Le test HPV en test primaire recherche le facteur de risque, - actuellement réalisé uniquement en cas de frottis ASC-US -, et la cytologie n'est réalisée pour rechercher une lésion qu'en cas de test HPV positif. Seules celles ayant une cytologie anormale seront vues en colposcopie.
Le rattrapage par autoprélèvement
Le test HPV présente également l'avantage de pouvoir être proposé en autoprélèvement vaginal chez des femmes qui ne se font pas dépister. Dans un essai contrôlé et randomisé mené en Indre-et-Loire, l'envoi d'un kit d'autoprélèvement à domicile s'est révélé efficace chez les femmes n'ayant pas répondu à l'invitation à réaliser un frottis. Comme le souligne Norbert Ifrah et François Bourdillon, « alors que de simples courriers de relance n'ont pas d'efficacité, l'envoi de ce kit permet de doubler la participation au dépistage (22,5 % versus 11,7 %) ».
Certaines populations se font moins dépistées, comme le révèle une autre étude elle aussi dirigée par Stéphanie Barré. Il s'agit des femmes les plus âgées (40 % après 60 ans versus 60 % entre 25-49 ans), le fait de vivre dans une zone identifiée comme défavorisée, d'être en ALD (Affection Longue Durée) ou bénéficiaire de la CMUc (Couverture maladie universelle complémentaire) et de résider dans une région de faible densité médicale. Ces données sont très informatives et font réfléchir à « développer des stratégies adaptées pour atteindre ces femmes », soulignent les autorités sanitaires.
Les pratiques professionnelles ne sont pas optimales. Selon le « BEH », plus d'un tiers des femmes de moins de 25 ans ont eu un frottis en 2013 au cours des trois années précédentes, alors que ce n'est pas recommandé. Avant l'âge de 25 ans, il est considéré que le dépistage n'a pas d'impact sur l'incidence du CCU et génère plus d'effets négatifs que de bénéfices. De plus, en cas de frottis anormal, un test HPV est souvent réalisé, ce qui n'est pas non plus recommandé car « les lésions HPV sont transitoires à ces âges », souligne le « BEH ». Or cette positivité conduit à proposer l'exérèse par conisation, ce qui augmente le risque d'accouchements prématurés et de fausses couches. La SFCPCV rappelle, de son côté, qu'à côté des femmes jamais dépistées, 40 % des femmes font un FCU tous les ans et seulement 10 % le font tous les 3 ans comme recommandé. « Dans ce contexte, le rappel des recommandations de pratiques professionnelles paraît important », conclut le « BEH ».
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024