Les premiers cas d’infection à coronavirus 2019 (Covid-19) ont été rapportés en Chine en décembre 2019 (1), avec par la suite une rapide dissémination à travers le monde à l’origine à ce jour d’une pandémie devenue une urgence sanitaire internationale reconnue par l’Organisation Mondiale de la Santé début mars 2020 (2). L’agent pathogène identifié est un nouveau coronavirus enveloppé à ARN qui a été dénommé coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère de type 2 (SARS-Cov-2) (3). L’évolution clinique de l’infection à SARS-Cov-2 est caractérisée par des symptômes respiratoires associant fièvre, toux, fatigue et des complications secondaires à la pneumopathie et au syndrome de détresse respiratoire aigu sévère qui peuvent l’accompagner (4).
17% d’antécédents d’hypertension artérielle
Rapidement, des liens entre l’infection à SARS-Cov-2, la gravité du tableau clinique et la présence de facteurs de risque ou d’antécédents cardiovasculaires ont été décrits. Ainsi, des antécédents d’hypertension artérielle, de pathologie cérébro-cardiovasculaire et de diabète sont retrouvés dans respectivement 17,1%, 16,4% et 9,7% des cas de Covid-19 dans une méta-analyse de 1527 patients (5). Ces antécédents cardiovasculaires et métaboliques étaient 2 à 3 fois plus fréquents chez les patients sévères hospitalisés en réanimation.
Par ailleurs, l’atteinte cardiaque concernerait 7 à 29% des patients, selon les séries et la définition utilisée pour la caractériser (élévation de la troponine et/ou des peptides natriurétiques). Alors que les premières publications ne rapportaient aucune donnée spécifique sur l’atteinte cardiaque en termes de biologie ou d’imagerie (troponinémie, peptides natriurétiques, fraction d’éjection,…) (6-7), les études suivantes ont pu mettre en évidence une élévation des marqueurs biologiques de souffrance myocardique. En effet, une augmentation de la troponine était retrouvée dans environ 10 à 12% des cas, avec une nette prédominance chez les patients gravement touchés et en réanimation (4% parmi les cas simples contre 31% des cas en réanimation) (8). Le NT-proBNP était également élevé chez 10 à 30% des patients, d’autant qu’il s’agit de cas graves en réanimation (9).
Davantage de décès en cas de troponine élevée
Deux articles chinois récents issus du Wuhan, épicentre initial de la pandémie, se sont intéressés au lien entre l’atteinte cardiaque du SARS-Cov2 et son pronostic (10-11). Dans leurs séries respectives de 416 et 187 patients Covid19 confirmés par Rt-PCR, les études rapportent une élévation de troponine dans 19,7% (10) et 27,8% (11) des cas. De manière intéressante, ces deux équipes montrent une mortalité significativement plus élevée dans le groupe de patients avec élévation de la troponinémie : 51,2 vs 4,5% (10) et 59,6 vs 8,9% (11). La mortalité la plus élevée était retrouvée chez les patients avec élévation de troponine et pathologie cardiovasculaire connue (69,4%), même si une élévation de troponine isolée sans pathologie cardiovasculaire restait associée à une mortalité considérable (37,5%) (11).
Quelles que soient les études, les patients à risque d’atteinte cardiaques étaient plus âgés, avec plus d’hypertension artérielle, de pathologie coronaire, d’insuffisance cardiaque et de diabète. Ils présentaient également des signes biologiques de syndrome inflammatoire plus marqués (CRP, PCT et leucocytes plus élevés). De plus, ces patients étaient davantage à risque de mauvaise évolution, notamment vers le syndrome de détresse respiratoire aiguë, nécessitant une prise en charge en soins intensifs ou le recours à la ventilation mécanique.
Des myocardites inflammatoires possibles
Les mécanismes à l’origine de ces élévations de troponine et de l’atteinte cardiaque sont probablement multiples et variables en fonction des présentations cliniques, de leur gravité et des antécédents des patients. Une association significative entre l’élévation de la troponine et celles de la CRP et du Nt-proBNP a été mise en évidence, laissant supposer une part inflammatoire à ces souffrances cardiaques (11). Comme avec les autres coronavirus, l’infection à SARS-Cov-2 peut être à l’origine d’un relargage massif de cytokines pro-inflammatoires qui peuvent entrainer une inflammation de la paroi vasculaire (12). Celle-ci peut être source d’une véritable instabilité, voire d’une rupture de plaque (infarctus de type 1) mais peut aussi être responsable d’une hypoxie tissulaire sans rupture de plaque, à l’origine d’une souffrance myocardique (infarctus de type 2). Par ailleurs, il peut exister une véritable inflammation myocardique à l’origine d’une myocardite aigue, secondaire à l’orage cytokinique ou à une atteinte directe du myocarde par le virus lui-même (12). Devant un tableau évocateur clinique et électrocardiographique, une exploration coronaire permettra facilement de mettre en évidence ou d’éliminer un infarctus de type 1. Cependant, il est clairement difficile de faire la part des choses entre une souffrance de type 2 (liée par exemple à une hypotension ou une hypoxie, mais sans atteinte virale directe) et une atteinte inflammatoire du myocarde (myocardite), avec ou sans atteinte directe virale du myocarde (13). A ce jour, aucune mise en évidence directe du virus dans le myocarde n’a été rapportée, à notre connaissance.
Dans le contexte de pandémie virale à Covid19, bien que peu de données existent, il est légitime d’envisager la possibilité de véritables tableaux de myocardite aiguë inflammatoire ou par atteinte virale directe (14-15) qui pourraient modifier l’histoire naturelle et le pronostic des patients, justifiant ainsi un diagnostic et une prise en charge dédiés.
Unité de soins intensifs, Service de cardiologie, CHU Rangueil - Toulouse
(1) World Health Organization. Pneumonia of unknown cause—China. Accessed January 5, 2020. https://www.who.int/csr/don/05-january-2020-pneumonia-of-unkown-cause-c…
(2) World Health Organization. Novel coronavirus—China. Accessed January 12, 2020. https://www.who.int/csr/don/12-january-2020-novel-coronavirus-china/en/; Lib.B et al, Prevalence and impact of cardiovascular metabolic diseases on COVID-19 in China, Clin Research in Cardiol 2020
(3) Lu R, Zhao X, Li J, et al. Genomic characterisation and epidemiology of 2019 novel coronavirus: implications for virus origins and receptor binding. Lancet. 2020
(4) Huang C, Wang Y, Li X, et al. Clinical features of patients infected with 2019 novel coronavirus in Wuhan, China. Lancet. 2020
(5) Wang.D et al, Clinical Characteristics of 138 Hospitalized Patients With 2019 Novel Coronavirus-Infected Pneumonia in Wuhan, China, J Am Med Assoc 2020
(6) Guan.W et al, Clinical Characteristics of Coronavirus Disease 2019 in China, N Engl J Med 2020
(7) Xu.XW et al, Clinical Findings in a Group of Patients Infected With the 2019 Novel Coronavirus (SARS-Cov-2) Outside of Wuhan, China: Retrospective Case Series, Brit Med J 2020
(8) Huang.C et al, Clinical features of patients infected with 2019 novel coronavirus in Wuhan, China, Lancet 2020
(9) Chen-Chen et al, SARS-CoV-2: A Potential Novel Etiology of Fulminant Myocarditis, Herz 2020
(10) Shi S et al. Association of cardiac injury with mortality in hospitalized patients with COVID-19 in Wuhan, China. JAMA Cardiol 2020
(11) Guo T et al. Cardiovascular implications of fatal outcomes of patients with coronavirus disease 2019 (COVID-19). JAMA Cardiol 2020
(12) Zheng YY, Ma YT, Zhang JY, Xie X. COVID-19 and the cardiovascular system. Nat Rev Cardiol 2020
(13) Thygesen K, Fourth universal definition of myocardial infarction (2018), Eur Heart J 2019
(14) Hu.H et al, Coronavirus Fulminant Myocarditis Saved With Glucocorticoid and Human Immunoglobulin, Eur Heart J 2020
(15) Inciardi.RM et al, Cardiac Involvement in a Patient With Coronavirus Disease 2019 (COVID-19), J Am Med Assoc 2020
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