À Manaus, capitale de l'État brésilien de l'Amazonas, les médecins se croyaient tirés d'affaire après la première vague de l'épidémie de Covid-19 qui y a fait rage en avril dernier. Selon une étude chez les donneurs de sang publiée le 15 janvier dernier dans « Science », 76 % de la population avait été infectée par le SARS-CoV-2 dès octobre. Les autorités espéraient donc que cette ville de plus de deux millions d'habitants cernée par la forêt tropicale puisse bénéficier d'une immunité de groupe, chèrement acquise après des mois de deuils et d'hôpitaux submergés, le seuil théorique pour y parvenir étant de 65 %.
Las : entre le 1er et le 19 janvier 2021, 3 431 patients ont été admis à l'hôpital pour cause de Covid-19 contre 552 entre le 1er et le 19 décembre 2020, après sept mois de relative accalmie entre mai et novembre. Cette augmentation brusque du nombre de cas ne cesse d'interroger les experts, qui soupçonnent une part de responsabilité des nouveaux variants.
Plusieurs causes non exclusives
Selon des médecins de l'université de São Paulo et de la fondation hospitalière d'hématologie et d'hématothérapie de l'État d'Amazonas, il existe plusieurs causes possibles, et non exclusives, à ce retour en force de l'épidémie, expliquent-ils dans un commentaire paru dans « The Lancet ». La première est que le taux d'attaque de l'épidémie a pu être surestimé lors de la première vague. Ensuite, il est possible que l'immunité de groupe soit de courte durée. Enfin, les nouveaux variants détectés dans la région peuvent possiblement échapper à l'immunité acquise ou être plus transmissibles.
Concernant la surestimation de la séroprévalence, les auteurs estiment que, même en ajustant les résultats des enquêtes, on arrive à une séroprévalence d'un peu plus de 50 %, qui aurait dû tempérer la seconde vague en cours.
Une explication reposant sur la seule baisse de l'immunité avec le temps est également peu vraisemblable, toujours selon les auteurs. En octobre dernier, une étude new yorkaise concluait à une immunité d'au moins cinq mois chez les patients guéris non hospitalisés. Une autre étude, menée chez des soignants du Royaume-Uni, montrait que le risque de réinfection reste très rare six mois après une première infection. Or, la seconde vague de contamination de Manaus a commencé avant que ces durées se soient écoulées.
Le variant P.1 responsable de 42 % des cas
Reste donc l'explication des nouveaux variants. Deux d'entre eux, le B.1.1.7 et le P.1, sont en circulation au Brésil. Le P.1 a été détecté à Manaus le 12 janvier dernier. Ce mutant accumule 10 mutations de la protéine Spike, y compris les mutations E484K et N501K. Des expériences in vitro montrent que la mutation E484K réduit la neutralisation du virus par les anticorps polyclonaux présents dans le sérum de convalescent. De plus, le nouveau variant P.2 a été également identifié dans plusieurs endroits au Brésil, dont Manaus. Ce variant P.2, qui contient aussi la mutation E484K, a été détecté chez deux patients qui ont été réinfectés au Brésil.
Selon une étude préliminaire, la lignée P.1, qui était totalement absente dans les prélèvements jusqu'à novembre, représentait 42 % des cas de Covid-19 à Manaus en décembre 2020, « De nouveaux variants du SARS-CoV-2 pourraient être à l'origine d'une résurgence des cas dans les lieux où ils circulent, si leur transmissibilité est supérieure aux souches plus anciennes, et si elles sont associées à un échappement antigénique », concluent les auteurs.
Manaus n'est pas la seule ville amazonienne où la séroprévalence de la population contre le Covid-19 est très élevée. Selon une autre enquête menée sur 716 personnes dans les villes d'Iquitos, de Peru et de Loreto, 70 % des habitants de ces trois municipalités seraient porteurs d'anticorps dirigés contre le SARS-CoV-2.
Les auteurs n'excluent toutefois pas la piste d'une disparition de l'immunité au fil des mois. Si cette dernière se confirme, « des résurgences de l'épidémie devraient avoir lieu dans d'autres lieux. Une surveillance sérologique et génomique doit être assurée à Manaus et dans tout autre lieu où l'on observe des réinfections », préviennent-ils.
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