« DEPUIS 2001, la proportion de souches invasives de Streptococcus pneumoniae sensibles aux bêtalactamines et aux macrolides a augmenté de façon significative chez l’adulte », souligne le Dr Varon. Cette évolution favorable se poursuit, comme le confirment les derniers chiffres disponibles de l’ONERBA, qui portent sur l’année 2008. La proportion de souches de pneumocoques de sensibilité diminuée à la pénicilline (PSDP) est passée de plus de 50 % en 2000 à environ 30 %. « Actuellement, il n’y a pratiquement pas de souches ayant des CMI supérieures à 2 mg/L pour l’amoxicilline et pour le céfotaxime ». La résistance à l’érythromycine est également en recul : elle concerne aujourd’hui moins de 40 % des souches de pneumocoques contre 51 % en 2001. « Aujourd’hui, il y a plus de pneumocoques résistant aux macrolides que de pneumocoques de sensibilité diminuée aux bêtalactamines », fait remarquer le Dr Varon. Pour les fluoroquinolones (FQ), la situation est stable depuis 2001, avec moins de 3 % de souches de PSDP, dont seulement un tiers a un haut niveau de résistance.
Impact des mesures de santé publique sur les pneumocoques.
La baisse des PSDP intervient après la mise en place de deux mesures de santé publique : le « Plan antibiotiques » en novembre 2001 et la recommandation du vaccin antipneumococcique conjugué heptavalent pour les enfants de moins de deux ans (en 2003 pour les enfants à risque, étendue à tous les enfants en juin 2006 ; schéma 2 + 1 depuis juin 2008). À la suite de la première mesure, une diminution de 26,5 % de la prescription d’antibiotiques en ville – à l’exception des FQ – a été observée entre 2000 et 2007, surtout chez les enfants de moins de 6 ans (- 35,8 %) (1). Quant à la vaccination, pour laquelle le taux de couverture actuel est proche de 80 %, elle a entraîné une modification de la distribution des sérotypes, avec une diminution significative des sérotypes vaccinaux qui représentaient environ 80 % des PSDP, bénéfice en partie atténué par l’augmentation de sérotypes non vaccinaux, dont certains et en particulier le sérotype 19A, sont des PSDP (2). L’utilisation du vaccin conjugué 13-valent, qui couvre le sérotype 19A, devrait permettre de diminuer encore le nombre de PSDP à condition de poursuivre l’effort de maîtrise de la consommation d’antibiotiques dans la communauté.
SARM : la limite est-elle atteinte ?
Une tendance positive est aussi observée pour Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM). Depuis 2000, la fréquence des SARM dans les infections invasives a connu une évolution progressivement décroissante. Cette évolution est la conséquence des mesures d’hygiène et d’isolement mises en uvre dans les années 1990. Le passage – symbolique – de la France sous la barre des 25 % en 2008 lui confère une position privilégiée en Europe, en particulier si on la compare à d’autres pays comme la Grande-Bretagne qui compte plus de 50 % de SARM. Cependant, estime le Dr Péan, « la diminution des SARM risque de ralentir comme cela a déjà été observé ces dernières années, ce qui ne doit pas démobiliser les personnels de santé, bien au contraire : les objectifs sont à long terme dans ce domaine ».
Un autre événement concernant les SARM « communautaires » mérite d’être souligné, à savoir l’émergence de souches productrices de toxines PLV (leucocidine de Panton-Valentine) ou TSST-1 (Toxic Shock Syndrome Toxin) (voir encadré).
Situation moins favorable pour Escherichia coli.
Entre 2004 et 2008, la sensibilité à l’amoxicilline des colibacilles retrouvés dans les infections urinaires communautaires est restée stable (56,8 % en 2008). En revanche, leur résistance à la ciprofloxacine a augmenté régulièrement depuis 2000, passant de moins de 5 % à un taux global de 12 % aujourd’hui. Cette augmentation varie selon le sexe et l’âge des patients. La résistance est particulièrement élevée chez les femmes de plus de 65 ans (18 %) et chez les hommes (17 %).
En pratique de ville, rappelle le Dr Varon, les infections urinaires surviennent principalement chez les femmes jeunes ; une tranche d’âge dans laquelle « le seuil des 10 % de résistance aux FQ n’a pas été dépassé ». La fosfomycine – traitement probabiliste de première intention de la cystite aiguë simple – est active sur plus de 95 % des souches isolées des infections urinaires basses. Un bémol doit être apporté à ces données de l’ONERBA, observe le Dr Péan : « Les épisodes de cystite pour lesquels un ECBU est prescrit ne correspondent généralement pas à un premier épisode de cystite si l’on suit les recommandations de l’AFSSAPS ».
La surveillance des colibacilles par les réseaux ONERBA montre aussi que 30 % des souches sont résistantes à l’amoxicilline-acide clavulanique et 40 % au sulfaméthoxazole-triméthoprime, et que la résistance aux céphalosporines de troisième génération est essentiellement due à la production de bêtalactamases à spectre élargi (BLSE). On dispose de très peu de données sur la prévalence du portage des souches de colibacilles productrices de BLSE en ville (une étude sur ce thème est en gestation). L’expérience sur le terrain montre cependant que les praticiens en rencontrent de plus en plus.
Avec une prévalence de l’ordre de 1 % selon les données ONERBA, la France est nettement mieux lotie que certains pays comme la Grèce, la Turquie et les pays d’Afrique du Nord où elle dépasse 10 %. À l’instar des SARM, il y a un risque réel lié aux cas importés et potentiellement annonciateur de difficultés thérapeutiques. Ce d’autant que les colibacilles sont des bactéries non seulement commensales, mais également présentes dans l’environnement et chez les animaux. Par conséquent, c’est par un ensemble de mesures, dont la réduction de la consommation d’antibiotiques, qu’il faudra répondre à cette émergence. « Tout est réuni pour que la dissémination des E. coli BLSE augmente », commente le Dr Péan. Pour les cystites à E. coli BLSE communautaires, se posera alors la question de savoir dans quelle mesure on pourra utiliser les associations pénicillines – inhibiteurs de bêtalactamase (par exemple l’amoxicilline-acide clavulanique). Et pour les infections urinaires hautes, précise le Dr Varon, « on pourrait se retrouver en impasse thérapeutique, si ce n’est en position d’utiliser des carbapénèmes ».
* D’après un entretien avec les Drs Emmanuelle Varon (centre national de référence des pneumocoques, hôpital européen Georges Pompidou, Paris) et Yves Péan (laboratoire de biologie médicale, L’Institut Mutualiste Montsouris, Paris).
(1) Sabuncu E et al. PLoS Med 2009;6:e1000084.
(2) Dorléans F et coll. Impact de la vaccination par le vaccin pneumococcique conjugué heptavalent sur l’incidence des infections invasives à pneumocoques en France - Analyse des données de 2007. http://www.invs.sante.fr/surveillance/index.htm
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